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Purge de Sofi Oksanen

Par Ngiroux

Purge de Sofi Oksanen1992, Estonie occidentale. Le ballot gisait au même endroit sous les bouleux, Aliide s’approcha sans le quitter des yeux, en alerte.  Le ballot était une fille.  Boueuse, loqueteuse et malpropre, une fille quand même, mais elle n’était pas d’ici. Cette fille, Zara, était en fuite, leurrée par les promesses de l’ouest : elle partirait, et ramènerait une valise pleine de dollars, elle se paiera des études, qu’elle serait médecin en moins de deux. Mais l’Ouest avait d’autres plans pour notre jeune fille, des boucles de ceintures qui se défont, des braguettes se dézippent, un monde jusque-là insoupçonné de violence s’installe maintenant chez la jeune prostituée.  Elle cache une photo, deux jeunes filles assises côte à côte et regardait fixement l’objectif, portant sur le haut de leur robe des insignes des jeunesses rurales, deux sœurs, Aliide et Ingel, sa grand-mère. 

1936, Estonie occidentale, le dimanche, après l’église, Aliide et Ingel avaient l’habitude d’aller se promener au cimetière pour rencontrer des connaissances et reluquer les garçons, minauder aussi loin que le permettaient les limites de la décence. Les deux jeunes filles feront la connaissance de ce jeune et beau paysan estonien Hans Pekk. 

Avec une plume des plus descriptives, une construction «flash-back», lentement on découvre le terrible secret inavouable qui hante cette maison délabrée sur cette ferme isolée. Un roman aux multiples dimensions, deux femmes, deux générations, une violence inouïe, masculine, gratuite. Une fresque historique, un pays victime de plusieurs invasions «Tout se répétait.  Même si le rouble avait été remplacé par des couronnes, si les avions militaires volaient moins au-dessus de la tête et si les voix des femmes d’officiers avaient baissé d’un ton, il venait toujours de nouvelles bottes, semblables ou différentes, mais qui avaient la même façon de marcher sur la gorge.» 

Prix Fémina étranger, Prix Fnac 2010, ce roman s’appelle Purge. Mais il paraît qu’en finnois, la langue de l’auteur, ce mot n’a aucunement le sens – d’ailleurs vieilli – de punition. « Puhdistus, c’est tout ce qui est lié à l’action de nettoyer, explique  Sofi Oksanen.  Nettoyer, lave, épurer, désinfecter… mais aussi purifier ethniquement, purger au sens de Staline… »  Un roman mémorable.



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