LES EMOTIFS ANONYMES de Jean-Pierre Améris

Poelvoorde et Carré, délicieux duo de cinéma, ne cessent de se chercher. A l’instar du couple difficile et torturé qu’ils formaient dans l'excellent Entre ses mains d’Anne Fontaine, ils demeurent ici- sous le regard d’Améris (Mauvaises fréquentations, Poids léger) - inaccessibles, rongés par le mal-être et le doute, charmants dans leurs tâtonnements respectifs, touchants dans la manière dont ils s’apprivoisent, en tant qu’acteurs, en tant que personnages. Améris ne tire partie que de deux choses dans ses Emotifs Anonymes raté : d’abord de ses deux personnalités (protagonistes timides et acteurs intéressants), ensuite de son décor, très années 50, un peu désuet, tout à fait plaisant, avec cette chocolaterie sortie d’un autre temps, lieu et cadre parfait pour cette histoire d’amour hélas à peine mignonette entre deux traumatisés de l’existence, plein d’angoisses, de complexes et de craintes. Leur peur de la vie et de tout ce qui va avec (surprises, intimité, quotidien) : voilà ce qui fascine le cinéaste français dans un film franchement ennuyeux, formellement pétillant, foncièrement insignifiant, terne, fadasse. D’une platitude fatigante, le film reste cloué au sol, loupant ses gags, zappant l’émotion, se contentant de filmer les concepts avec un systématisme lassant et une absence de rythme fatale. La love story souhaitée ne suinte jamais les peurs, les mains moites et les tremblements, et perd toute crédibilité et légèreté dans sa recherche du bon mot à tout prix, du truc à faire pour plaire coûte que coûte. Tout semble alors récité, forcé, peu naturel, black list absolue et attitude parfaitement rédhibitoire en matière de comédie. Pourtant, tout était là pour que s’imposent magie, grâce et rires ; excepté peut-être cette spontanéité vraie, authentique, cette folie anarchique, salvatrice, naïve, une sincérité qui ne s’apprête pas, qui ne (se) calcule pas, étrangère à tout désir de séduction.