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Daniel Marguerat : "Paul de Tarse, un homme aux prises avec Dieu".

Par Manus

Daniel Marguerat : "Paul de Tarse, un homme aux prises avec Dieu".

Daniel Marguerat est professeur de Nouveau Testament à l’Université de Lausanne (Suisse) – d’autres ouvrages publiés aux éditions Du Moulin témoignent de son soucis de vulgariser la compréhension biblique : « Vivre avec la mort, le défi du Nouveau Testament », « L’homme qui venait de Nazareth, ce qu’on peut aujourd’hui savoir de Jésus. », « Résurrection, une histoire de vie. »

« Paul de Tarse, un homme aux prises avec Dieu » éd. Du Moulin, 3ème édition 2008,  propose d’offrir au grand public un accès direct à l’œuvre fondatrice de Paul.

« L’apôtre Paul est l’enfant terrible du christianisme.  Esprit doctrinaire, conservateur rugueux, antisémite, dit-on.

L’Occident chrétien n’en finit pas de régler ses comptes avec lui.  Et l’on se console en se rabattant sur les évangiles, tellement plus simples que les épîtres … Paul aurait-il donc troqué la pure religion du cœur enseignée par Jésus contre un système doctrinal complexe et tortueux ?

Et pourtant, sans son génie à formuler les vérités fondamentales de la foi nouvelle, le christianisme ne serait resté qu’une secte obscure.

Qu’avaient été en fait ses liens avec Jésus dont il parle si peu ?  Est-il vrai que, ex-pharisien, renégat du judaïsme, il a conduit juifs et chrétiens à la rupture ?  Quelle fut cette expérience fulgurante qu’on appelle « conversion » sur le chemin de Damas ?

Dans un monde où revient, lancinante, la question du sens de la vie et de la dignité humaine, sa découverte d’un Dieu renversant qui nous accueille indépendamment de nos qualités prend une extraordinaire actualité. »

Voici ce que propose le résumé de cet ouvrage.  Il n’est pas dans mes habitudes de le retranscrire tel quel, mais je dois dire que ce texte bref, à lui tout seul, annonce de manière remarquable la qualité de la pensée de l’auteur.

Remarquable, Daniel Marguerat, pour plusieurs raisons :

- Cet ouvrage s’appuie sur une recherche approfondie des textes du Nouveau Testament.

- Il permet au lecteur de mieux comprendre le message de Paul de Tarse et par la suite, s’il devait être amené à relire ses épîtres ou ses lettres, à le lire sous un angle neuf.

- En rendant à Paul ce qui lui appartient, à savoir sa pensée et le message de fond qu’il déploie, l’auteur rétablit Paul – Marguerat permet à Paul d’être lu pour ce qu’il est : un apôtre précurseur d’un message fondateur du christianisme ; message se révélant être le noyau dur complémentaire à celui du Christ, l’amour de Dieu, absolu et intrinsèque, sans limites.

- Cerise sur le gâteau : non seulement il restitue Paul face à l’image négative que celui-ci pourrait véhiculer (v. résumé plus haut) mais mieux encore ; l’auteur le rend attachant et force à admirer le courage, l’humilité et l’obéissance jusqu’à la mort de cet apôtre.

Il serait bon de rappeler que Paul de Tarse eut ce qu’on peut appeler « un parcours surprenant » comme le qualifierait l’auteur lui-même.  Cet homme fut un des plus grands persécuteur des premiers chrétiens, l’ennemi juré du mouvement de Jésus.  Il était craint, violent, et massacrait sans remords ceux qui avait pour malheur de ne pas le fuir à temps.

Sa conversion sur le chemin de Damas est forcément des plus étonnantes : Paul reçoit la fulgurance de la lumière du Christ en lui « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? », en tombe de cheval, et pendant trois jours sera aveugle. 

Paul, né à Tarse, une ville de la Turquie actuelle, fait partie de ceux qu’on pourrait désigner de l’élite intellectuelle : il est homme (les femmes n’avaient pas les mêmes considérations que les hommes à cette époque et ne jouissaient pas d’un droit à l’instruction), citoyen romain et pharisien.

Tarse étant une ville aux écoles réputées, dans l’Empire du Ier siècle, le cursus scolaire de Paul comprit une formation de très haut niveau : gymnastique, musique, lecture et écriture, vraisemblablement également la grammaire, la rhétorique (l’art de bien-parler et de bien-écrire) la dialectique (l’art de bien-penser).  Vinrent pour d’autres formations celles liées à la philosophie, discipline la plus importante (stoïcisme).

Paul aurait bénéficié de ces formations dans une école juive qui le protégeait des influences païennes, « en quelque sorte une école privée du judaïsme de la diaspora. »

Il pense et écrit en grec.

« Cet immense écrivain excelle dans un style ramassé, abondant en formules, style peut-être agité comme le personnage, mais ni vulgaire ni pesant.  Le choix de cette langue, plutôt que l’araméen qu’il parlait également, dénote de sa part la volonté de dire l’Evangile dans la langue de tous et non dans un patois de l’Eglise. »

On comprend maintenant que la conversion de Paul fut avant tout un basculement de son monde de valeur.  Cet homme de certitudes, respectant la loi au plus haut degré, intellectuel et fréquentant l’élite, s’est vu transformé sa pensée de manière tout aussi radicale.  Ce à quoi il croyait depuis son enfance et dans lequel il se forgeait et grandissait lui fut révélé non seulement faux, mais vain.  Le monde de Paul s’écroula sous ses pieds, littéralement, et il en tomba de cheval.

L’irréprochable Paul, celui qui est arrivé au top niveau de la connaissance de la Torah et de la piété pharisienne tombe de haut : du haut de ses convictions.

La meilleure indication de cette conversion, Paul la livre dans sa lettre aux Galates : «(…) Mais quand Celui qui m’a mis à part dès le sein de ma mère et m’a appelé par sa grâce a jugé bon de révéler en moi son Fils pour que je l’annonce parmi les païens … » (Ga 1, 15-16)

Paul n’est donc pas un des douze apôtres désigné par Jésus.  Il vient plus tard, choisi par la révélation et ne doit rien à personne.  C’est d’ailleurs sous cette forme qu’il débutera ses lettres futures : « Paul appelé à être apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu (1 Co, 1) Paul, apôtre non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus Christ et Dieu le Père (Ga 1, 1). »

Peu à peu et rapidement Paul clarifie et positionne le chrétien devant Dieu : celui-ci ne se démarquera nullement par sa connaissance intellectuelle, son statut social, sa piété et son respect des lois : « L’homme n’est pas justifié par les œuvres de la Loi, mais seulement par la foi de Jésus Christ. (Ga 2, 16) »

Autrui, aux yeux de Dieu, n’est donc pas reconnu en fonction de ce qu’il est ou ce qu’il fait, mais en fonction de la grâce divine qu’il a reçue.  C’est cela, le cœur du message de Paul de Tarse autour duquel s’articulera tout l’ouvrage de l’auteur.

Le second message important de Paul qui abolit toute différence et autour duquel l’auteur consacrera de nombreuses pages sera celui-ci : « Il n’y a plus ni juif, ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni masculin ni féminin ; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ. (Ga 3, 28) »  C’est cet accueil inconditionnel de Dieu que Paul révèle, sur lequel il axe sa vie et son message à travers ses nombreuses lettres.

Que ce soit en approfondissant le message de Paul sur la foi, la relation homme-femme, et la relation de Dieu avec l’homme et réciproquement, Daniel Marguerat permet au lecteur de mieux se rendre compte de la vie exceptionnelle que cet homme, Paul de Tarse, a mené lors d’une époque pétrie par les convictions et les bienséances. 

Plus que restituer Paul, l’auteur partage les fondements du cœur universel de l’homme : à travers Paul, chacun pourra puiser un message fort, condensé, qui, s’il ne conduit pas à Dieu, aura le mérite de conduire à une réflexion profonde, et probablement, de bouleverser.

Ainsi dit l’auteur du message de Paul : « L’homme qui se laisse ainsi (re) construire par la faveur de Dieu est gratifié d’une identité ouverte, qui ne s’épuise pas à défendre ses acquis, mais découvre avec stupeur l’extension universelle de la grâce. »

Savina de Jamblinne


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