Magazine Culture

DES FILLES EN NOIR de Jean-Paul Civeyrac

Publié le 28 décembre 2010 par Celine_diane
DES FILLES EN NOIR de Jean-Paul Civeyrac
Noémie a dix-sept ans, et s'ouvre les veines. D'emblée, brutalement, en prologue à la pente vertigineuse qui va suivre. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au 63ème Festival de Cannes, Des filles en noir aborde frontalement un sujet délicat: le suicide chez les jeunes, au travers de la relation passionnelle, fusionnelle, fantasmée de deux jeunes filles hors normes, paumées dans un imaginaire nourri au littéraire (courant romantique) et au frisson (tout est chiant dixit le duo). A la frontière du documentaire, Civeyrac installe une ambiance lourde et pesante, captant tout d'un malaise poisseux et des frontières à franchir (amitié/amour, vie/mort, délire/passage à l'acte), mais s'intéressant surtout, au-delà des troubles de l'âge ingrat, à l'influence qu'un être peut exercer sur un autre, le dominant sur le dominé, le puissant sur le faible. De là, son long métrage, dans sa froideur excessive et son côté film à thèse évoque davantage l'austérité du Je te mangerais de Sophie Laloy que le bouillonnement émotionnel et la maîtrise du Naissance des Pieuvres de Sciamma. Pourtant, il couve les mêmes idées: l'agressivité latente façonnée par les pulsions non assouvies, l'emprise malsaine et désirée tapie sous chaque rapprochement féminin, la dépossession du soi dans tout acte d'amour. Subtilement, le cinéaste enferme Priscilla et Noémie dans une bulle (Léa Tissier et Elise Lhomeau dont on réentendra parler) dès lors qu'elles pénètrent dans l'exclusivité: les institutions- qu'elles soient scolaires, médicales ou policières- et toute notion d'autorité (parentale notamment) sont judicieusement reléguées à un second plan, rendant le rapport des deux figures adolescentes au monde encore plus trouble. Il les réintroduit plus tard, en rappel, issue de secours, lente bouffée d'air frais qui s'immisce doucement et permet à l'oeuvre de respirer, au film de ne pas étouffer sous ses montagnes de gravité. Idée la plus intéressante d'une oeuvre troublante mais maladroite, un peu trop écrite, plus cérébrale que charnelle, rigide, dure, à la violence masquée, ouatée. Lors de brèves fulgurances, Civeyrac rappelle Van Sant dans cette peinture solennelle de la colère adolescente; le reste du temps, il abat ses cartes comme il peut: parfois intelligemment (le jeu outré des comédiennes comme indice d'une absolue déconnexion avec le monde réel), souvent de manière (trop) démonstrative (les tenues qui passent du noir au bleu, avec toute la symbolique signifiée), exhalant vapeurs simplistes, et discours outrancièrement explicatif.
DES FILLES EN NOIR de Jean-Paul Civeyrac

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Celine_diane 512 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines