Magazine Afrique

Un statu quo parti pour durer entre Gbagbo et Ouattara

Publié le 29 décembre 2010 par Africahit

La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest tente encore de persuader Laurent Gbagbo de quitter pacifiquement le pouvoir. Mais un mois après le deuxième tour de la présidentielle, est-il encore temps de faire de la diplomatie ? s'interroge Le Pays.

Un mois. Voilà le temps qu'aura pris la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) pour donner à Laurent Gbagbo une opportunité de quitter le pouvoir en douceur. En se rendant à Abidjan le 28 décembre, les émissaires mandatés par l'organisation sous-régionale ont voulu, jusqu'au bout, favoriser une solution pacifique à la crise que traverse la Côte d'Ivoire depuis le second tour de la présidentielle du 28 novembre. [Selon la Commission électorale indépendante et les Nations unies, Alassane Ouattara a remporté la présidentielle avec 54,1 % des suffrages]. Un ultime geste de bonne volonté, une dernière perche tendue que, malheureusement, Laurent Gbagbo a refusé de saisir. Bien que n'ayant fait aucune déclaration, on imagine aisément que c'est devant un mur que se sont retrouvés les trois chefs d'Etat qui ont gentiment conseillé à Gbagbo de s'en aller avec le peu de dignité qui lui reste.

Les nombreuses interviews que le président sortant a accordées à la presse française, à la veille de cette mission de la CEDEAO, ne présageaient, du reste, rien de bon. C'est un Gbagbo plus que jamais combatif qui s'est défendu dans les médias, ressassant les mêmes inepties que ses thuriféraires lâchés à travers le monde pour défendre une cause perdue. La seule lueur d'espoir vient du report de cette marche que projetait d'organiser Charles Blé Goudé [Le ministre de la jeunesse du gouvernement de Laurent Gbagbo] ce 29 décembre. L'heure ne semble pas encore aux grandes marches. Connu pour son radicalisme, l'entrée en scène de ce dangereux agitateur donnera une nouvelle dimension à la "résistance" de Gbagbo. La rue sera alors désormais inscrite dans sa stratégie de confiscation du pouvoir. En activant Blé Goudé et ses troupes, le président ajoutera ainsi une autre légitimité à celle politique et institutionnelle dont il se glorifie : la popularité auprès des masses. Blé Goudé, on le sait, a été fabriqué de toutes pièces pour être la facette populaire, sinon populiste, de Laurent Gbagbo.

Grâce aux moyens colossaux mis à sa disposition par son mentor, il est parvenu à se façonner une réputation de meneur d'hommes, de mobilisateur hors pair de la jeunesse. C'est en cela que réside aussi l'indéniable intelligence politique de Gbagbo. Ces prétendus jeunes patriotes ont toujours été actionnés dans les moments les plus difficiles pour le régime, depuis le premier jour où Gbagbo s'est emparé du pouvoir en 2000, au détriment du général Robert Guei [qui était devenu chef de l'Etat un an plus tôt en faisant un coup d'Etat comme le président Henri Konan Bédié].

Les jeunes patriotes ne sont donc pas des enfants de chœur. Il ne faut pas se faire d'illusions, ce n'est que partie remise : ils reviendront à l'assaut si une intervention militaire est clairement envisagée. Et ils seront pour Gbagbo, au mieux, le fer de lance de la résistance qu'il opposera à la CEDEAO, au pire, un bouclier humain. Le report de la marche peut donc être une ruse et non une réelle volonté d'apaisement. En attaquant un convoi de l'ONUCI [Opé, les partisans de Gbagbo révèlent d'ailleurs leur jeu : ils vont procéder par un harcèlement progressif des Casques bleus.

Après sa mission infructueuse, la troïka de la CEDEAO a dû se faire une idée du vrai visage de l'homme. Il ne reste aux émissaires qu'à en rendre compte à leurs pairs, au cours d'un sommet qui sera certainement convoqué dans les prochains jours. Autant dire que le statu quo est parti pour durer. Si la CEDEAO doit continuer à mettre plusieurs semaines pour prendre une décision majeure, il va sans dire que le camp Gbagbo aura le temps de s'organiser encore plus et peut-être de s'enraciner plus profondément. Et surtout, le doute commencera à s'installer quant à la capacité de la CEDEAO à imposer le droit dans ses pays membres. Il s'est écoulé presque un mois depuis le premier sommet du 7 décembre. Jusqu'à quand Gbagbo continuera-t-il d'usurper le pouvoir, de faire souffrir les Ivoiriens et de défier la communauté internationale ?

Une réponse claire de la CEDEAO est nécessaire, car c'est à elle que s'en remet le reste du monde. En tout cas, un mois, cela commence à faire long pour le président légitime obligé d'être reclus dans un hôtel.



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Africahit 4465 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte