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Hongrie : le mauvais visage de l’UE

Publié le 03 janvier 2011 par Hmoreigne

 Danse avec Viktor. La nouvelle décennie débute avec une présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne confiée à une Hongrie dont la gouvernance autoritaire du Premier ministre inquiète de nombreux eurocrates mais pas le Parti Populaire Européen. Wilfried Martens, l’ancien Premier ministre belge néerlandophone président du PPE qui regroupe les eurodroites a souhaité la bienvenue à Viktor Orban sans un mot ou une allusion aux atteintes démocratiques confirmées le 21 décembre 2010 par l’adoption de mesures portant atteinte à la liberté de la presse. La France n’a pas fait mieux.

Jean Quatremer, journaliste à Libération et animateur talentueux du blog Coulisses de Bruxelles mais aussi Le Monde pour ne citer que lui ont multiplié depuis le 29 mai dernier, date de l’arrivée au pouvoir de Viktor Orban,  les articles sur ce qui ressemble à une lente, mais inexorable, descente aux enfers.

Du placement de fidèles à la tête de tous les organismes de services publics au bâillonnement de la Cour constitutionnelle, rien ne semble en capacité d’arrêter la marche vers la dictature de Viktor Orban et de son parti membre du PPE, le Fidesz.

La loi liberticide sur les médias semble marquer un nouveau tournant dans le cadenassage du pays puisqu’elle permet d’étrangler financièrement tout média publiant des informations “dépourvu d’objectivité politique“.

De façon incompréhensible les autorités françaises se gardent bien d’émettre la moindre réserve contre Budapest. Au contraire, la diplomatie de la patrie des droits de l’homme y est allée de son petit message d’encouragement à ce pays cher à la famille Sarkozy : “Nous souhaitons à nos partenaires hongrois un plein succès pour leur première présidence du Conseil de l’UE. Nous leur renouvelons notre entière confiance dans la volonté et la capacité de la Hongrie à mener à bien cette présidence soigneusement préparée, et à porter, au nom de l’Union, les valeurs qui nous sont communes.”

Interrogé sur le sujet par Jean Quatremer , Laurent Wauquiez ministre français délégué aux Affaires européennes a fait preuve d’une indécente réserve en se refusant à “donner des leçons” à la Hongrie. L’histoire nous a hélas apprit où mènent ces attitudes Munichoises.

Les inquiétudes sont fondées. Sylvie Braibant, rédactrice en chef à TV5Monde décrit sur son blog Caravane les rives glauques du Danube : “Les journées de commémoration au souvenir de la grande Hongrie du temps de l’empire austro-hongrois se multiplient. La nationalité hongroise est offerte à tous les membres des communautés magyars présentes dans d’autre pays. Et la culture est mise au pas cadencée, sommée de chanter les gloires du pays et pas de tendre la main ou de jeter des passerelles vers les voisins. Ainsi, un concert roumain a-t-il été déprogrammé du théâtre national, le 30 novembre veille du jour anniversaire de la perte de la Transylvanie par la Hongrie, pour atteinte à l’identité hongroise. Robert Alföldi, le directeur du théâtre est prié par le Jobbik d’aller exercer « dans une cave du 7ème arrondissement (quartier juif de Budapest), où ce juif homosexuel pourra montrer ses spectacles d’avant garde.”

Sur Mediapart , Edwy Plenel a également pris sa plume pour fustiger l’avènement d’une présidence hongroise qui marque selon lui l’abandon par l’Europe de l’un de ses principes fondateurs à savoir, la défense et la promotion de la démocratie. Le fondateur de Mediapart rappelle à ce sujet les dispositions du préambule du Traité sur l’Union européenne et la Charte des droits fondamentaux de l’UE qui font clairement apparaitre l’incompatibilité des mesures adoptées en Hongrie.

Tout naturellement les regards se tournent vers la Commission européenne, institution politiquement indépendante des gouvernements nationaux, qui représente et défend les intérêts de l’UE dans son ensemble.

Après le coup d’éclat de Viviane Redding contre la politique de la France sur la question des Roms on pouvait s’attendre à une réaction des plus vives. De façon incompréhensible les commissaires se livrent à un véritable concours d’autruche sur la question, José-Manuel Barroso le premier. La patate chaude après avoir hésité entre la Commissaire aux Affaires intérieures, et Viviane Reding, chargée de la citoyenneté est finalement revenue … à la Commissaire en charge de l’économie numérique, Nelly Cruse, qui a timidement fait part de ses “inquiétudes”. Sous la pression la Commission a finalement sommé la Hongrie de justifier la création de son Conseil des médias, instance visant à “superviser” la presse.

Oscillant selon l’expression de Jean Quatremer entre démocratie autoritaire et dictature molle, la Hongrie sept ans seulement après avoir intégré l’Union européenne, se trouve aux commandes d’une UE à la monnaie vacillante. Si depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui a institué un président du Conseil européen, le rôle des présidences tournantes s’est théoriquement amoindri, la mise en avant de la Hongrie en toute impunité constitue un appel d’air à la montée des populismes en Europe. Décidemment le vieux continent aime à se faire peur en donnant libre cours à ses vieux démons.

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