Après quelques semaines de recherche de solutions techniques suite à ma décision d’abandonner Windows sur mon téléphone portable au profit d’Android, j’ai laissé mon autre passion chronophage, l’informatique, prendre le pas sur l’écriture. En effet, depuis plus de dix ans, j’ai troqué le carnet de notes traditionnel de l’écrivain pour un pda puis un smartphone, les feuilles blanches pour un tablet PC, un Éditeur pour un blog… C’est ainsi que va la vie, elle a horreur du vide et, si on lui refuse de passer par un endroit, elle passera par un autre. Si mon métier me détourne de l’écriture, qui est vitale pour moi comme l’oxygène, au moins il peut m’aider à trouver les moyens modernes qui contournent des filières classiques bouchées et sur le point de mourir asséchées sur leur possibilité d’une île. Bref, comme on dit dans mon jargon, le mois de novembre fut consacré à migrer l’OS de mon téléphone.
Cette tâche ne fut guère aisée. Comme toujours, les systèmes dits intelligents demandent de la persévérance tant la complexité semble en relation directe avec le nombre de services proposés. Comme le dit ma mère avec les impôts, ils reprennent d’un côté ce qu’ils donnent de l’autre. C’est toujours d’actualité pour les impôts et cela me semble largement amplifié pour les produits technologiques. Bilan, j’ai failli ne pas avoir le temps d’écrire ma nouvelle pour le prix Pégase 2011. Au final, je l’ai écrite en moins d’une semaine. C’est un succès pour moi d’être capable de produire un bon texte de neuf pages en si peu de temps, mais cela n’a pas été sans stress. Évidemment, cette incertitude n’y est pas pour rien dans la suspension provisoire de mon écriture quotidienne. J’ai même revu quelque peu mes lectures en cours pour éviter les textes en relation trop directe avec la philosophie, puisque je n’étais pas en mesure de répondre, de donner mon sentiment immédiat. Ainsi, j’ai commencé la lecture de « Seul le silence » de RJ Ellory qui n’est pas sans rapport avec le thème imposé par le concours d’écriture. Pour l’instant, malgré les bonnes critiques en quatrième de couverture, je n’ai rien à dire et les 100 premières pages ne m’ont pas impressionné. J’ai aussi lu le « Scriptorium » de Paul Auster. Les deux œuvres n’ont pas le même nombre de pages ni le même objectif, puisque l’un est un premier roman avec tout ce que contient un tel exercice pour l’avenir de l’auteur, tandis que l’autre est un petit essai sur la composition des personnages pour un auteur confirmé. Toutefois, j’aime beaucoup Paul Auster, son style, son univers, sa méthodologie. Of course, je suis dépendant de la traduction française, mais j’aime quand on rentre dans le vif du sujet et que les explications se fassent implicitement, par la suite, au fur et à mesure du développement. Je reconnais bien chez Ellory, dont je ne connais pas le ou les prénoms, ce travail d’écriture qui consiste à poser par petites touches un univers simple qui va se tordre et nous revenir en pleine gueule. On verra bien. J’écris dans un esprit similaire ; ne laissant pas beaucoup de places pour la vie propre de l’œuvre. Alors que Paul Auster est un maître pour une personne comme moi. Le « Scriptorium » semble avoir une vie propre, ce qui ne signifie pas que l’auteur n’est pas très au fait de sa construction. Au contraire, je soupçonne qu’il ne laisse rien au hasard, mais il y a cohabitation, gestation de l’œuvre, en résumé du naturel. Ce que nous propose Paul Auster n’est pas un roman, mais une préface à tous ces romans, une préface à une vie d’écrivain en somme. Il nous démontre l’utilité majeure des personnages et pour aller droit au but il place l’action en huis clos, dans un cadre simple, en limitant le nombre d’intervenants au strict nécessaire. Le personnage principal, M. Blank, porte bien son nom. Il nous le dévoile tandis que le personnage essaie de comprendre ce qu’il fait dans ces lieux. En somme, le personnage prend vie sous nos yeux sans que l’on ressente la présence de l’auteur alors que paradoxalement le narrateur, que l’on peut à juste titre prendre pour l’auteur, nous guide dans ce mode d’emploi que constitue cette matrice de roman.
J’ai l’intime conviction que ce qui différencie RJ Ellory et Paul Auster, c’est l’épaisseur du trait : L’un appuie sur l’histoire, l’autre sur les personnages. Je trouve que la saveur d’un récit vient autant de l’un que de l’autre, mais ce qui touche vraiment c’est le côté humain. « Seul le silence » me fait l’effet d’une bande-annonce où l’on survole le récit comparé au « Scriptorium » où l’on est en immersion totale. Du coup, paradoxalement ce dernier fait plus roman que l’autre. Bien sûr, c’est un sentiment subjectif que l’on peut nuancer avec l’ambition du roman de RJ Ellory qui annonce clairement qu’il s’agit de montrer le parcours d’un tueur. Pour l’instant, ce qui est suggéré, c’est que le personnage principal est celui qui doit tuer le tueur en série de petites filles, peut-être est-ce un leurre? Un défaut commun à beaucoup d’écrivains serait de trop complexifier nos écrits, trop d’ambition déclarée au départ. Alors que des grands écrivains expérimentés ont un univers bien établi dont ils usent et abusent, mais qui leur permettent de rentrer directement dans le sujet par un biais plus humain, plus simple en apparence, mais au final plus vivant et plus proche de nous.
2 décembre 2010
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