Magazine Culture

Anthologie permanente : Francis Harvey

Par Florence Trocmé

Un endroit 
 
  à Jocelyn Braddell 
 
Pas le genre d’endroit où l’on trouve des jonquilles 
que les vents de mars bousculent ou des marées 
de jacinthes grossissant les taillis de mai, 
vraiment pas le genre d’endroit qu’on peint, 
mais un de ces endroits où l’on peut être soi, 
être simplement à l’aise avec ce que l’on est 
rien que d’être là, d’ouvrir les yeux et respirer l’air ; 
un espace terne banal et anonyme 
où rien de spectaculaire n’arrive jamais 
sinon que le soleil s’acharne si souvent à perdre 
contre les averses et il n’y a nulle part 
de plage ou de montagne pittoresque à voir ; 
un endroit où ne vont jamais les touristes 
même par beau temps parce que ce n’est pas 
le genre d’endroit où l’on attend que 
viennent jamais les touristes et où un crâne blanchi 
est tout ce qui reste d’une brebis tête-noire 
morte là l’été d’avant près d’une crevasse 
où la bruyère reste coincée dans l’ombre ; 
un de ces endroits au-delà du savoir et du dire 
qui réclament autant qu’Errigal, Glenveagh 
ou Slieve League le droit d’être des endroits, 
une étendue déserte désolée et sans nom 
lourde de banalité et de divinité.  
 
Not the sort of place where you’ll find daffodils 
being harried by the winds of March or tides 
of bluebells swelling coppices in May,  
not that sort of picturesque place at all, 
but one of those places where you can be yourself, 
can simply be at ease with what you are 
by just being there and opening your eyes and breathing air ;  
a flat anonymous commonplace space 
where nothing dramatic ever happens 
except that the sunshine so often keeps 
losing out to showers and there’s not a beach 
or a scenic mountain anywhere in sight ; 
a place to which the tourists never come 
even in good weather because it’s not 
the sort of place tourists are ever 
expected to go and where a bleached skull 
is all that’s left of a black face ewe 
that died there last summer beside the cracked rock 
in the heather that’s always wedged with shadow; 
one of those places beyond all knowing and telling 
with as much of a claim to being places 
as Errigal, Glenveagh or Slieve League, 
an empty desolate nameless space dense 
with ordinariness and deity.  
 
Francis Harvey, Resserre à patates, The Potato House, traduction Emmanuel Malherbet, édition bilingue, l’Arbre, 2010 , sans pagination.  
 
bio-bibliographie de Francis Harvey 
 
S’abonner à Poezibao
 
Une de Poezibao 
 
Index de Poezibao


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florence Trocmé 18683 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines