Magazine Cinéma

Rage de David Cronenberg

Par Vance @Great_Wenceslas

Frissons & Rage Une chronique de Vance

Les fêtes sont passées et on reprend les bonnes habitudes (même si les lecteurs habituels ont pu constater quelques changements dans le contenu du blog, qui est encore appelé à évoluer) et donc ce Défi Cinéma. Frissons avait laissé peu de souvenirs mémorables, même s’il marquait déjà l’intérêt de Cronenberg pour la chair et son interaction avec l’esprit (avec la question de savoir qui domine qui ?). Passons au film distribué dans le même coffret et qui jouit de la même réputation.

Film n°2 : Rage

Titre original : Rabid (1977)

Coffret DVD zone 2, Metropolitan/Seven Sept (2003)

1.85 : 1 – 16/9

VOST DD 2.0 ; 87 min

Joli coffret dans son surétui en carton légèrement granuleux, doté de quelques suppléments intéressants. L’image de Rage est plutôt bonne et le son mono d’origine agréable, sans saturation excessive ni propension aux aigus.

Résumé : Rose est victime d’un grave accident alors qu’elle faisait une balade à moto avec son petit ami. Elle est transportée d’urgence dans une clinique privée située non loin des lieux, où le médecin chef décide de pratiquer une greffe de « tissus neutres » afin de réparer les dégâts considérables qu’elle a subis. Mais lorsqu’elle sort du coma, un mois plus tard, Rose n’est plus tout à fait la même…

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Si le premier quart d’heure annonce une parenté évidente avec Frissons, la suite (heureusement) développe le sujet d’une manière différente, plus ambitieuse. Là encore, donc, il est question de greffe : pour soigner (mais aussi dans un but expérimental pas totalement assumé), on va donc insérer dans un organisme vivant quelque chose d’étranger. Ici, en lieu et place de parasites élevés en laboratoires, on utilise les propres organes du patient : cette pratique de l’autogreffe s’accompagne d’un traitement destiné à neutraliser les spécificités des tissus prélevés afin de les rendre plus facilement compatibles (ainsi, des lambeaux de peau de la cuisse doivent permettre de réparer l’abdomen et le thorax lésés). On n’est pas loin des théories autour des cellules souches…

La suite prend des proportions tout d’abord classiques (pour les amateurs de films d’horreur) : Rose s’éveille en souffrant d’une faim/soif inextinguible et incompréhensible ; son goutte-à-goutte semble ne pas pouvoir la nourrir. Alors qu’un autre patient survient pour la réconforter, elle l’étreint et il s’effondre, comme s’il avait été poignardé. Très vite, Rose devra se rendre à l’évidence : pour calmer ce qui la ronge, il lui faut du sang, qu’elle prélève grâce à un appendice rétractable. Sa volonté de ne pas nuire, ses principes moraux ne feront pas le poids devant cette faim insatiable. Mais ce dont elle ne se doute pas, c’est que ses victimes lui survivent, un temps du moins : le temps d’entrer dans une crise de rage meurtrière qui les pousse à mordre quiconque s’approcherait de trop près. Rose, sans le vouloir, mais sans pouvoir se contrôler, va donc être le vecteur d’une épidémie (d’abors localisée) transformant les humains en zombies. Lorsqu’elle choisira de quitter la clinique pour joindre Montréal, la propagation sera telle que le gouvernement prendra les mesures qui s’imposent : quarantaine, couvre-feu et loi martiale. Pendant ce temps, Rose se cache chez une amie sans parvenir à réfréner ses pulsions meurtrières, et son petit ami tente de la retrouver avec l’aide d’un médecin.

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On le voit, si le scénario est un excellent prétexte à des scènes d’agression sanglante, il vise nettement plus haut qu’un simple étalage gore (d’ailleurs on a nettement moins d’hémoglobine que dans Frissons). Le montage est plutôt bien maîtrisé, la photo soignée et on a même quelques comédiens plutôt convaincus : on retrouve avec plaisir Joe Silver dans un rôle similaire à celui de Fissons (un médecin placide) et on découvre un Frank Moore plutôt bon en petit ami de Marilyn Chambers ; sur elle, tout a été dit ou presque, mais le fait est que le choix de cette star du porno des années 70 est pertinent : elle induit en permanence un sentiment trouble chez le spectateur qui ne sait jamais quelle part de répulsion et d’attirance Rose éprouve pour ses actes. Elle séduit avec une facilité déconcertante les hommes qui l’approchent mais se refuse à s’en prendre à son amie, au point qu’elle souffre le martyre. On est loin des morts-vivants écervelés, hagards, au regard torve qu’elle sème sur son passage : elle a conscience, une conscience cruelle, de ses crimes. A travers elle, Cronenberg insère habilement un thème vampirique dans un film pourtant complètement fondé sur le phénomène « zombi ». Il se permet même quelques boutades rafraîchissantes, comme lorsqu’un membre des forces de l’ordre, trop empressé, tire sur le Père Noël en tentant d’arrêter un contaminé.

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C’est un peu comme si, tout en reprenant les bases de Frissons, David Cronenberg avait choisi de laisser de côté les aspects trop « faciles » des films de genre : certes, on verra souvent la poitrine dénudée de Marilyn Chambers, mais ce sera à peu près tout de ce point de vue. Moins de sang aussi, moins de perversion outrancière (certaines agressions se passant même en hors-champ, quand elles ne sont pas simplement éludées) : sans doute cherchait-il à attirer notre attention sur autre chose que le simple frisson du spectateur lambda des films d’horreur. Peut-être ce qui a attiré Ivan Reitman qu’on compte parmi les producteurs exécutifs.

Intéressant, donc, une excellente base de départ pour une étude sur le réalisateur canadien.


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