C’est un mélo comme on n’en fait plus, dans un décor à la fois idyllique et cruel. Au cœur des îles de Bornéo, l’invasion japonaise en 1942 réduit une femme à l’état de soumission, qu’elle assume à minima, résistante jusqu’au bout aux règles des envahisseurs.
Séparée et sans nouvelles de son mari, prisonnier dans un autre camp, elle tiendra bon face aux brimades et à la torture qu’on lui inflige pour lui faire avouer un mensonge qu’elle n’a pas commis.
Un traitement ignoré par le colonel du camp, qui respecte beaucoup cette femme, romancière très connue aux USA et dont il a lu plusieurs livres. Agnès Newton Keith a réellement vécu cette histoire publiée en 1947 et qui deviendra un best-seller.
Son adaptation cinématographique s’attache avant tout à dresser le portrait de cette femme doublement prisonnière de son identité et du poids que lui inflige la privation de liberté. Son indépendance de caractère lui vaut parfois l’hostilité de ses congénères craintives face aux représailles possibles, mais sa détermination à vivre pour retrouver les siens est sans limite.
Jean Negulesco filme au premier degré tous les rapports qui animent l’héroïne, dans une mise en scène qui devient alors très démonstrative, voire explicative. En d’autres occasions ce style me lasserait très rapidement. Mais cette fois je me suis laissé conduire par cette histoire très émouvante, à l’écriture aussi classique que l’interprétation des comédiens, qui dans la dramaturgie en rajoute un brin. Leur jeu est souvent surligné.
Mais nous sommes en 1950 et le mélodrame porte alors toute la noblesse de son genre. Tout en dénonçant les méfaits d’une guerre, il pose ici un regard avant tout psychologique pertinent sur la condition humaine. « Captives à Bornéo » n’est pas une œuvre majeure du septième art, mais une pièce indispensable à l’édification de son histoire.
La personnalité de son réalisateur ajoute un argument supplémentaire à son inscription sur le grand-livre du cinéma : ancien peintre, Jean Negulesco fut l’ami de Constantin Brâncuşi et Amedeo Modigliani (qui lui souffla sa fiancée). On lui doit comme réussite « La femme aux cigarettes » avec Ida Lupino.
Mais aussi
Olivia de Havilland devait tenir le rôle principal. Claudette Colbert la devança avec un réel talent (elle porte quasiment tout le film sur ses épaules) mais la malchance lui interdit par la suite de tenir le rôle de Margo dans « Eve » dont Bette Davis fera ce que l’on sait. Elle se blessa en effet sur le tournage de « Captives à Bornéo »…Si le colonel Suga vous dit quelque chose, c’est normal. Sessue Hayakawa gardait déjà les soldats anglais dans « Le Pont de la rivière Kwai ».