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Casinos: En France rien ne va plus...mais les jeux ne sont pas fait. À l’international : paris sur l’avenir et crise économique

Publié le 08 janvier 2011 par Alain Dubois

Table de pokerEn France le gambling casinotier affronte une décroissance structurelle et conjoncturelle, qui perdure du fait de la crise économique. Le ministère de l’Intérieur a annoncé une série de mesures pour aider la profession. Au niveau international, la santé des casinos apparaît moins morose, mais de Macao à Singapour en passant par Las Vegas, les situations sont très contrastées. Alors que Sin City connaît la pire dépression de son histoire ( les revenus du Strip reculent de 20% depuis 2008), le magnat américain des tapis verts Sheldon Adelson a investi 5,5 milliards de dollars dans un gigantesque resort - le Marina Bay Sand - situé dans la cité Etat de Singapour

Contrairement à la Française des jeux (i) et au PMU les 197 casinos français ne profitent pas de la crise, bien au contraire. Après avoir affichés une forte régression sur les six premiers mois de l’exercice (ii) (- 6%) ils viennent de publier des résultats (iii) en décroissance (- 2,1% du PBJ à 2,29 milliards d’euros) pour l’ensemble de la saison 2009/2010 (iv), après trois années marquées par une forte chute du PBJ  (- 20 %).

Si cette décroissance inaugurée avec l’arrivée de l’euro est structurelle, un certain nombre d’éléments conjoncturels et règlementaires ont grandement accentué le phénomène : perte de l’anonymat pour jouer aux machines à sous, interdiction de fumer, resserrement du dispositif alcool/circulation routière…, image jeu=drogue véhiculée par la doxa du jeu pathologie maladie qui nuit aux casinos…   Au niveau national cette dépression n’arrange pas les finances des grands groupes casinotiers: Partouche, Barrière, Joa, Tranchant…. Au niveau local, elle inquiète les exploitations (v) et les municipalités (vi) des «villes casinos»(vii) , dont certaines dénoncent «un désengagement de Bercy» (viii). Etienne Blanc (président de l’AIPEVIC (ix) et député maire de Divonne) craint paradoxalement «que les petites communes ne puissent plus contrôler l’activité de leur casino, si le ministère de l’Intérieur devient la seule autorité de tutelle (x)» Ce dernier a fait évolué récemment la réglementation (xi)  «pour faciliter la gestion des casinos, alors que ceux-ci connaissent une situation économique difficile» (xii)

Ces mesures visent à :

  • simplifier les procédures : par exemple en matière de poker, autorisation du poker Omaha (xiii) qui sera taxé à 2% contre 4% pour le texas hold’em
  • assouplir les règles de gestion : par exemple en matière de machines à sous pour mieux adapter l’offre à la demande

Trois mesures d’ordre technique complètent le dispositif:

  • Harmonisation des règles des tournois de poker
  • Possibilité d’étendre le dispositif d’accepteurs de billets sur un plus grand nombre de MAS, avant que le casino puisse modifier leur TRJ
  • Réduction du nombre annuel de vérifications techniques exercées par les SFM 

  Jean-Pierre Cot ( délégué général du syndicat Casinos de France) s’est réjoui de ces nouvelles dispositions, destinée à aider les casinos «qui sont dans une mauvaise passe» (xiv) Difficile de prévoir cependant si ces modifications qui visent à «aider des casinos en crise» (xv),  suffiront à redynamiser une profession qui - selon Michel Roger, Président de Casino de France - était dans « une crise latente  depuis deux ans» (xvi). En 2009, la profession avait déjà tiré la sonnette d’alarme en soulignant que «six casinos sur dix perdaient de l’argent» (xvii).

Les conséquences de cette situation ont été multiples :

  • Baisse du PBJ (- 20 % en deux ans) et de la fréquentation
  • 1000 postes supprimés sur 18 000 (xviii).
  • Mise en cessation de paiement du casino de Beaulieu (xix), propriétaire du groupe Partouche. (Groupe Partouche a doublé sa perte sur l’exercice 2008-2009 (xx)  et a du rééchelonner sa dette. Son action a perdu 85% en trois ans (xxi).)

Autre conséquence qui fait sens sur le futur de la profession, quand Lucien Barrière  a présenté aux marchés «un projet ambitieux» (xxii) pour son introduction en bourse, certains «analystes dubitatifs» (xxiii) n’ont pas manqué de souligner :

  • «l’incertitude quant à la reprise du secteur»
  • le fait que les casinos étaient «une rente déclinante»  sur une pente savonneuse.

Résultat des courses, «aux portes de la Bourse» (xxiv) Dominique Desseigne (51% des actions)  a du renoncer à cette opération (xxv), car  les investisseurs ont répondu non à la question : «Faut il miser sur le groupe Lucien Barrière?» (xxvi) Le PDG d’Accor Gilles Pelisson, qui cherchait depuis longtemps le moment opportun pour céder sa participation de 49%, aura finalement raté son «coup de poker sur Lucien Barrière» (xxvii). D. Desseigne a-t-il été trop ambitieux dans ses promesses de «rentabilité» au marché (xxviii) ou trop symbolique dans sa communication (xxix)? Difficile de répondre. Une chose est certaine, les investisseurs ont jugé «ce bel actif (xxx) que constitue Lucien Barrière (37 casinos, 16 hôtels, 6600 salariés, 1,06 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 33% des parts de marché) n’était pas - pour l’instant - «une valeur d’avenir» (xxxi), Mais le propriétaire du Fouquet’s n’a  sans doute pas dit don dernier mot, car ce qui le motive c’est de «tenir l’engagement fait à sa femme Diane Barrière Desseigne avant son décès (xxxii)» Le 30 novembre dernier, en marge de l’inauguration du casino de Lille (xxxiii) - le plus gros investissement du groupe jamais réalisé (xxxiv) - , D. Desseigne a confirmé qu’il étant « en pourparlers avec des fonds» (xxxv)   Malgré ces nombreux déboires et cette morosité qui perdure,  nous pensons cependant que les jeux ne sont pas faits pour les casinos français. Quelques «signes encourageants» (xxxvi) apparaissent dans les résultats de la saison dernière. «Les casinos vont moins mal grâce au poker» (xxxvii), qui apporte une nouvelle clientèle, plus jeune. Dans notre dernière étude nationale réalise dans les casinos, nous avons noté la synergie existante entre le poker en ligne et le poker en dur. Certes le succès du poker en ligne (que nous avions annoncé) (xxxviii) se confirme, mais cela ne va pas forcément enlever des clients aux casinos en dur, comme le pensent certains observateur (xxxix).    Par ailleurs la fréquentation des casinos augmente légèrement. Il y a  eu un peu plus de monde dans les casinos la saison dernière, mais les gens dépensent moins. Nous ne croyons pas cependant, comme le pensent certains, «que les casinos ne font plus rêver» (xl) ou que la crise a  déclenché des réactions sous-jacentes dans l’esprit des gens, qui s’interrogent sur «le sens de la société de consommation» (xli)    L’activité restauration/spectacle/animation a progressé également. « L’avenir du casino c’est le loisir au sens large, le jeu, la danse, les restaurants, les bowlings…» (xlii) affirme Laurent Lassiaz, Président de Joa Groupe, 3° casinotier national qui ouvrira en 2012 à Montrond les bains un casino de nouvelle génération «ultra design» (xliii)   Mais il est clair que même si des signes de «reprise»  apparaissent au niveau de l’économie mondiale, y compris dans l’industrie des jeux (xliv), la crise actuelle des casinos (qualifiée récemment de «pire crise qu’ait connue le business» par Sol Kerzner (xlv) ) ne va pas disparaître par un simple coup de baguette magique, marketing ou esthétique.   La «chute du moral des ménages» (xlvi)  - inaugurée en 2007 – plombe toujours la consommation. Mais cet indicateur comporte une ambivalence . Comme le montre un sondage Ifop (xlvii) , quand l’ambiance morose perdure les Français peuvent souhaiter sortir, s’amuser et se détendre, par exemple dans les casinos. Ils peuvent chercher dans les loisirs «des exutoires à la crise», pour oublier leurs difficultés, s’évader, faire un écart. Face à cette demande, les casinos ont de bonnes cartes en main pour distraire les gens. Encore faut il que nos concitoyens osent franchir les portes d’un casino, ou quand ils les fréquentent déjà, y reviennent.

Michel Roger (Président de casinos de France) déplore objectivement un «taux de pénétration sur la population de seulement 10%» (xlviii), mais on ne peut qu’approuver Georges Tranchant quand il observe que «le secteur s’est reposé sur ses lauriers». (xlix)   Au regard de la connaissance que nous avons du secteur (et des enquêtes de terrain effectuées dans les exploitations) il nous apparaît que la profession a peu investi en matière de R&D , qu’elle conçoit avant tout sous l’angle technologique, marketing... Cela concerne la politique anti churn (connaître finement les mécontentements de la clientèle existante et les raisons du turn-over) et la politique de conquête (comprendre pourquoi une majorité de Français ne fréquentent jamais ou très rarement les casinos et à quelles conditions ils pourraient les fréquenter). Souvent dans la plainte, le lobbying politico ministériel et le deal gouvernemental à cause d’une réglementation contraignante et d’une lourde fiscalité, la profession a sans doute peu ou prou oublié ces deux politiques (qui nécessitent enquêtes approfondies quanti et quali, expertises externes, client mystère…) dont l’acuité augmente en période de crise. Par ailleurs en finançant la doxa du jeu pathologie maladie (pour répondre aux attentes gouvernementales en matière de jeu responsable) la profession a peut être un peu vite occulté qu’il n’était pas certain que - sociologiquement et culturellement -  la pathologisation des casinos les rendent attrayants.   Dans le même temps,  nous avons parfaitement conscience que les sciences sociales - et la sociologie spécialisée dans le gambling pour la part qui lui revient - n’ont pas de leçon à donner aux managers de casino qui sont en première ligne dans cette crise, et doivent jongler «entre prise de décision stratégique et pilotage de l’entreprise au jour le jour (l), «tout en gardant mobilisés leurs collaborateurs» (li) dans un environnement devenu imprévisible . Nous avons juste voulu rappeler aux casinotiers «que tout ce qui se mesure s’améliore» et qu’il  serait certainement pertinent de  faire monter en compétence de manière pérenne la fonction recherche au sein du secteur casinotier.

Au niveau international, la situation du gambling casinotier apparaît moins atone qu’en France, même si les situations sont très contrastées. Nous ne prendrons que les exemples les plus symboliques Macao, Singapour, et bien entendu Las Vegas l’ancienne Mecque du jeu.   Macao est désormais la capitale mondiale du jeu (lii). Cette ancienne colonie britannique, «fer de lance et vitrine du jeu en Asie »,  a «détrôné Las Vegas» (liii). Le plus grand casino du monde - le Venetian – se trouve à Macao. Ce gigantesque établissement (1 million de m2)  a couté 1,8 milliard de dollars. Il comprend 850 tables de jeu, 4500 machines à sous.  Il abrite le premier hôtel d’Asie (le 2° du monde) avec 3000 suites, 350 boutiques, 20 restaurants, un stade de 15 OOO places! (liv)   Si – logiquement – Macao a été affecté par la dépression, il faut parler de ralentissement, de faiblesse passagère et non de descente aux enfers. En 2OO8 et début 2009 les établissements de jeux ont traversé « une mauvaise passe» (lv) à cause de la crise et du fait des restrictions de visas décidées par Pékin (49%  des joueurs de Macao proviennent de Chine (lvi)). Mais en aout 2009 les casinos du territoire ont enregistré «les plus importants revenus de leur histoire» (lvii).  La reprise s’est confirmée en 2010. (les revenus du jeu ont augmenté de 70% en juillet 2010, vis-à-vis de juillet 2009). Les résultats globaux de l’année 2010 indiquent que désormais Macao pèse quatre fois plus lourd que Las Vegas» (lviii). Les activités liées au jeu ont augmenté de 57,8% l’année dernière, pour un CA de 17,7 milliards de dollars !   Les mégas projets – déjà installés ou en cours de réalisation - témoignent de la vitalité de l’ancienne enclave portugaise, mais aussi de la passion hors norme des populations asiatiques pour les jeux d’argent et de la relation qu’elles entretiennent avec le hasard.  D’après l’économiste Aaron Fischer (Crédit lyonnais Securities Asia) «le pari moyen en Asie est de 100 $, contre seulement 20 $ à Las Vegas et cela est lié à la plus grande propension des  Asiatiques à jouer de l’argent (lix)»

Trois éléments caractérisent le dynamisme de Macao en matière de jeux:

  •  Le gigantisme des réalisations, toutes plus « folles » les unes que les autres
  • L’importance du secteur casinotier dans l’ économie. Dans le cas de Macao  on peut véritablement parlé d’économie casino avec les multiples retombées positives (emploi, fiscalité, tourisme…), mais aussi du fait des risques encourus (dépendance liée à une mono activité, conséquences sociales du gambling sur les populations locales…) Cette dépendance est elle que le premier ministre chinois Wen Jiabao, lors d’une visite récente dans cette région administrative spéciale, a appelé Macao à «développer une économie diversifiée» (lx) 90% des revenus des casinos de Macao proviennent en effet du jeu, contre 50% pour les casinos américains (lxi).
  • Sa capacité à faire venir des clients étrangers – de préférence très riches - attirés par un enfer du jeu à la hauteur de leur fortune.

  Mais c’est justement sur le terrain de la concurrence que Macao risque d’être rattrapé par de nouveaux entrants. Singapour a inauguré en aout 2010 une Babylone du jeu «des affaires et de la détente» (lxii): le Marina Bay Sand.  «Le casino fou de Singapour» (lxiii)- dépasse l’imaginaire le plus débridé : trois tours de 55 étages (200 mètres de haut),  reliées par une terrasse de  340 mètres (pesant 50 000 tonnes et accueillant un parc de 1,2 hectare une piscine à débordement de 146 mètres), 600 tables de jeu, 1500 machines à sous, 2560 chambres, 280 boutiques,10 000 employés….   Sheldon Adelson – 73 ans –  qui a déjà à son  actif le célèbre Venetian de Las Vegas (1,5 milliard de $) a vu grand dans cette opération. Il estime que c’est ici que ce joue «le futur du jeu». Le magnat américain espère attirer des joueurs d’Indonésie, de Malaisie, de Thaïlande, du Vietnam, d’Australie , du Japon et même la clientèle chinoise qui fréquente déjà massivement Macao.  En 2015, la fréquentation pourrait atteindre 17 millions de visiteurs dans la région, contre 9,7 millions actuellement. Mais S. Adelson devra faire avec les mesures prises en faveur du jeu responsable pour protéger les populations locales : conseil national pour les problèmes de jeu, interdits de jeu, droit d’entrée pour les autochtones, montant de perte maximale, information prévention. D’après Gillian Koh (chercheuse à L’institut d’étude politique de la Nationale University de Singapour) ces mesures «ont été nécessaire pour faire accepter les casinos par une majorité» (lxiv).   Il faut dire que la prude et curieuse Singapour (les ventes de chewing-gum sont interdites comme celles du magazine Play Boy !) a considéré pendant 40 ans les casinos comme des «activités indésirables». Ce n’est qu’en 2005 que le premier Ministre – Lee Hsien Loong – a autorisé la construction de deux établissements : le gigantesque Marina Bay Sand  et Le Resort World Sentosa. Cet établissement, qui a ouvert ses portes en février 2010 sur une thématique festive centrée sur les parcs d’attractions, possède 530 tables de jeu, 1300 machines à sous, 12 tables de poker (lxv)   La situation à Las Vegas apparaît beaucoup plus sombre qu’en Asie. À l’image d’une Amérique plongée dans la crise, la cité du péché subit de plein fouet la baisse de pouvoir d’achat des ménages américains, la paupérisation de certains d’entre eux. Mais cette crise économique s’ajoutant aux attentats du 11 septembre n’a pas empêché la réalisation de nouveaux mégas projets dans la célèbre cité du Nevada (lxvi).

C’est  notamment le cas du City Center. Un vaste complexe immobilier à l’architecture étonnante inauguré en décembre 2009. Cette réalisation de MGM Mirage (qui possède déjà 9 hôtels casinos à Vegas) est pharaonique: 8,5 milliards de $, 12 OOO emplois crées. Elle abrite quatre hôtels, deux tours d’appartement, deux centres de conférences, le Cirque du Soleil, une galerie marchande, un casino. Le City Center c’est «le pari écolo de Las Vegas» (lxvii) conçu entièrement sur les principes du développement durable. L’idée - selon Andy Cohen l’architecte maitre d’oeuvre du projet -  «construire une ville verte au milieu du désert». Voilà comment Laetitia Mailhes (envoyé spécial des Echos) décrit le lieu: «Saisissant contraste. Les six tours de verre du City Center surgissent, presque incongrues sur le Strip, l’artère sur laquelle se côtoient les plus grands casinos de la ville. Dépouillées, drapées de surfaces lisses et étincelantes, elles introduisent une urbanité inattendue parmi les reproductions tronquées de monument célèbre (tour Eiffel, palais des Doges, château du Roi Arthur) qui se bousculent sans vergogne le long de l’avenue. Les grandes baies vitrées et les œuvres d’art monumentales désarçonnent le visiteur dans l’univers en trompe-l'œil du Strip» (lxviii).

C’est également le cas du Cosmopolitan (lxix), un méga hôtel casino de 3000 chambres ouvert (lxx) le 15 décembre 2010. D’une hauteur symbolique de 52 étages, cette réalisation a couté 3,9 milliards de dollars. Elle comporte un casino de 9 OOO m2 (1500 machines à sous, 80 tables de jeu), 14 restaurants, un spa de 4600 m2, un centre de convention de 14 000 m2

Mais malgré ces paris sur l’avenir (lxxi) que représentent le City Center et le Cosmopolitan, les dernières statistiques en provenance de Las Vegas soulignent la cassure historique d’un développement ininterrompu depuis les années 40. «Les revenus du jeu déclinent de façon continue depuis trois ans. Les dépenses dans les casinos ont reculé de 20% depuis 2008»  note G. Schwartz (directeur du centre d’étude sur le jeu de l’université du Nevada (lxxii)). C’est dans le domaine du chômage que les conséquences de cette baisse d’activité sont le plus spectaculaires. Le taux de chômage - le plus élevé du pays – atteint 14,4%, contre 3,8% il y a 10 ans. C’est dans le domaine de l’immobilier (les saisies (lxxiii) atteignent 23,6%, la aussi un record national) que les conséquences de cette dépression apparaissent le plus visibles. Voilà comment S. Léon Dufour (correspondante de La Tribune) décrit certains quartiers: «Loin des 6 kms qui modèlent le Strip, le spectacle de la ville n’est en effet que désolation. Des rues entières, bordées de maisons que l’on devine autrefois coquettes, sont désormais hérissées de panneaux à vendre. Jardins envahis d’herbes folles, amoncellement de détritus, meubles et cartons abandonnés à la hâte, le vent chaud qui souffle du désert proche accentuent l’impression de ville fantôme» (lxxiv) .   Moins visible et sans doute moins représentatif - mais tout aussi étonnant et dramatique - la crise qui fait actuellement «vaciller»  Las Vegas aurait entraîné l’augmentation des SDF, qui vivent sous la ville (lxxv) dans une obscurité totale. 3 à 500 hobos (lxxvi) sédentarisés squattent les 300 kms de cet immense labyrinthe que constituent les égouts (lxxvii) de Las Vegas. Voilà comment Nicolas Bourcier (envoyé spécial du Monde) décrit ces homeless d’un nouveau genre : « Pauvres parmi les pauvres, ces miséreux rejetés dans les entrailles de la ville dorée, vivent ici loin des regards» (lxxviii) Triste ironie de l’histoire, cette population sort des égouts la nuit pour récupérer les orphelins, ces pièces oubliées par les joueurs dans les bandits manchots. «  Une pratique ancestrale dans cette ville aux 200 000 machines à sous et surnommée le silver mining, la pêche à l’argent» (lxxix)   C’est un journaliste local – Matthew O’Brien - qui a découvert (lxxx) en 2002 cette population souterraine, composée de «paumés alcooliques, clochards célestes, joueurs en fuite ou criminels drogués» (lxxxi). Voilà comment il décrit les lieux et cette population marginalisée, qui trouve un abri dans les égouts de la cité du jeu : «tous ces endroits sont extrêmement dangereux, mais ils représentent paradoxalement une étonnante protection. La fraîcheur des canalisations les protège des grandes chaleurs. Les policiers s’y risquent peu, tout comme les bandes. Et puis cet anonymat furtif leur permet de vivre tant bien que mal des excès de Las Vegas» (lxxxii).   Parions que cette cité dédiée au jeu, au sexe et au spectacle sache rebondir, afin que le célèbre panneau qui accueille les visiteurs –  Welcome to fabulous Las Vegas - ne tombe pas dans l’anachronisme. Mais rien n’est gagné, car les établissements de Las Vegas risquent d’avoir à affronter prochainement un nouveau concurrent : les casinos virtuels. Selon Dickinson Whright  - un avocat spécialisé du secteur (lxxxiii) -  la victoire récente des Républicains au Congrès pourrait accélérer la libéralisation des jeux en ligne (lxxxiv), curieusement toujours interdits aux Etats–Unis. L’Amérique - pays libéral - a  prohibé (lxxxv) en 2006 le transfert de fonds entre parieurs et sites de jeu, interdisant de facto les jeux d’argent sur le web. S’il était légalisé, ce marché représenterait «22 milliards de $ la première année; 26,7 milliards en 2015»  (lxxxvi)   En attendant, rien n’empêche de découvrir (lxxxvii) Las Vegas – le dernier bastion des fumeurs (lxxxviii) -  et de passer une nuit dans l’une de ses 148 000 chambres d’hôtel, grâce à la liaison aérienne directe depuis Paris, inaugurée en mai 2010 par XL Airways. Même blessé par la crise, Las Vegas reste un symbole et le modèle d’une « hyper Amérique (lxxxix) » qui n’a peut-être pas dit son dernier mot. Des analystes,  interrogés récemment par le Las Vegas Sun, annoncent que Las Vegas retrouvera ses revenus d’avant crise en 2014…. pour ensuite les dépasser (xc).

© Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN (sociologue), Lyon, France, Université Lumière, Lyon II, GRS, 4 janvier 2011

  • (i) Confer JP Martignoni : jeux d’argent et crise économique : Succès inattendu du jeu de grattage de la Française des jeux « Cash 500 000 euros» Cash = un jeu au nom évocateur, sur la thématique de l’Argent et de l’Amérique» (octobre 2010, 3 pages)
  • (ii)  «Nouvelles dégradation du CA des casinos français» ( Les Echos du 11 mai 2010)
  • (iii) Ces résultats seront analysés dans le détail dans un prochain article
  • (iv) «Loisirs : activité en retrait pour les casinos en 2009-2010» ( Les Echos du 16/12/2010)
  • (v) Olivier Merlin : «Malgré ses atouts le casino de Boulogne ( groupe Partouche) n’échappe pas  à la crise» (La voix du nord du 15-11-2010).
  • (vi) Ainsi pour Fréjus St Raphael confer l’article «La crise ne joue pas le jeu : le rapport d’activité dévoilé lors du conseil municipal laisse apparaître une importante chute du CA du casino» (Nice matin , maville.com du 8 -11-2010)
  • (vii) «Moins de recettes du casino en faveur de la ville «(article de Ouest France du 27-10-2010 sur le casino de St Gilles croix de vie)
  • (viii) Muriel Weiss: «Les villes de casinos dénoncent un désengagement de Bercy «www.localtis.info du 2-11-2010
  • (ix) Association internationale des parlementaires et des élus des villes de casinos
  • (x) Muriel Weiss , ibid., «Les villes de casinos dénoncent un désengagement de Bercy «www.localtis.info du 2-11-2010
  • (xi) «La règlementation  des casinos simplifiée et le poker Omaha autorisé «(La Voix du Nord du 30-10-2010)
  • (xii) «La  règlementation des casinos évolue» (site officiel du ministère de l’intérieur du 5-11-2010)
  • (xiii) Pierre Marie Giraud : «La réglementation des casinos simplifiée et le poker Omaha autorisé «( Dépêche AFP du 30-10-2010)
  • (xiv) Agnès Leclair : «Le poker pour aider des casinos dans une mauvaise passe» (Le Figaro du 1-11-2010)
  • (xv) Agnès Leclair : «Le poker pour aider des casinos en crise»  (Le Figaro.fr du 1-11-2010)
  • (xvi) Emmanuel Colombié : «Casinos : une crise latente depuis deux ans «selon Michel Roger Pdt de Casinos de France interrogé par l’Express (L’Express.fr du 17-8-2010)
  • (xvii) Mathilde Vissyerias : «Six casinos sur dix perdent de l’argent»  (Le Figaro.fr du 30-12-2009)
  • (xviii) cité par Mathilde Vissyerias : «Six casinos sur dix perdent de l’argent» (Le Figaro.fr du 30-12-2009)
  • (xix) «Le casino de Beaulieu (groupe Partouche) en cessation de paiement» ( Dépêche AFP Nice,  du 15 juillet 2010)
  • (xx) «Groupe Partouche double sa perte sur l’exercice 2008-2009 » (Les Echos du 4-2-2010)
  • (xxi) Graphique de l’action Groupe Partouche en bourse de 2007 à 2010 confer : «Groupe Partouche : rester à l’écart» ( Le journal des finances n°6375, 6 février 2010)
  • (xxii) Christophe Palierse : «Groupe Lucien Barrière présente aux marchés un projet ambitieux » ( Les Echos du 8 juillet 2010)
  • (xxiii) Christophe Palierse : « Barrière ; les perspectives du secteur laissent les analystes dubitatifs » (Les Echos du 10 juillet 2010)
  • (xxiv) Mathilde Visseyrias : «Le groupe Barrière aux portes de la Bourse»  ( Le Figaro du 9 septembre 2010)
  • (xxv) Elsa Bembaron & Anne de Guigné : « Lucien Barrière n’entre plus en bourse»  ( Le Figaro du 30 septembre 2010)
  • (xxvi) Fabio Marquetty et Alexandre Phalippou : «Faut il miser sur le groupe Lucien Barrière ? « ( La Tribune du 27 septembre 2010)
  • (xxvii) Héléna Dupuy : « Coup de poker sur le groupe Lucien Barrière «  ( La Tribune du 1° avril 2010)
  • (xxviii) Christophe Palierse :  « Casinos, coup d’envois au processus d’introduction = Barrière promet au marché une rentabilité en forte hausse«  ( Les Echos du 10 juillet 2010)
  • (xxix) En septembre 2010, Groupe Barrière a lancé, pour son introduction en Bourse, une vaste campagne d’information avec le slogan: «Le plaisir est une valeur d’avenir ». Cette communication mettait en image une grille dorée, symbolisant l’entrée en Bourse,  qui s’ouvrait sur différents établissements  Barrière :  le Fouquet’s, l’entrée de l’hôtel de Normandie,  la salle des jeux du casino de Deauville (confer notamment :  Les échos du 20-9 ; Le Figaro du 20-9,page 11 ;  le journal des finances du 25 septembre 2010 page 5)
  • (xxx) L’expression est de Gilles Pelisson, PDG d’Accor qui a la surprise générale a été remercié du groupe en novembre 2010 à cause de différents stratégiques avec les actionnaires
  • (xxxi) voir note 26
  • (xxxii) Héléna Dupuy, ibid.,  ( La Tribune du 1° avril 2010)
  • (xxxiii) « L’hôtel casino Barrière de Lille inauguré en grandes pompes hier «  ( Nord Eclair du 30 novembre 2010) ;  « Le casino de Lille, dans les dix premiers de France en 2011 » ( La Voix du Nord du 30 novembre 2010)
  • (xxxiv) 120 millions d’euros pour un casino, un théâtre ( 1200 places), trois restaurants, un hôtel ( 125 chambres, 17 suites)
  • (xxxv) « Le groupe Lucien Barrière en pourparlers avec des fonds» ( Challenge.fr du 30 novembre 2010)
  • (xxxvi) «Des signes encourageants pour les casinos français » (clubpoker.net du 17/12/2010
  • (xxxvii) Pierre Marie Giraud  les casinos vont moins mal grave au poker «( message AFP du 16/12/2010)
  • (xxxviii)  Vers un grand succès du poker en ligne annonce un sociologue «( interview AFP du 30 juin 2010)
  • (xxxix) Mathilde Visseyrias: «Face au net, rien ne va plus pour les casinos «  ( Le Figaro du 31 mai 2010)
  • (xl) «Les casinos ne font plus rêver «( www.poker-leaders.com du 25 août 2010)
  • (xli) Propos de Maurice Levy, patron de Publicis (R. Gueugneau & C. Rekik «ce que la crise a changé chez les consommateurs» ( Le journal des finances 25 avril 2009), p. 6-7)
  • (xlii) Mathilde Visseyrias : «Face au net, rien ne va plus pour les casinos «  ( Le Figaro du 31 mai 2010)
  • (xliii) Joa & vous ( le magazine des joacasinos) n° 7, page 32
  • (xliv) Yann Rousseau : «Les flambeurs sont de retour à Macao» ( Les Echos 7 sept. 2009)
  • (xlv) Le groupe Sol Salomon Kerzner: 40 hôtels casinos, 70 000 salariés («Sol Kerzner, le tycoon des palaces pose ses valises à Mazagan Beach , Maroc» Le Figaro du 4 nov. 2009)
  • (xlvi) Anne Eveno : «  La chute du moral des Français menace la consommation «  ( La Tribune du 27 juin 2009) Figure dans cet article le graph de « l’indicateur résumé d’opinion des ménages » de l’INSEE de 95 à 2008
  • (xlvii) D’après Frédéric Dabi (directeur du département opinion et stratégies d’entreprise à l’IFOP) ce sondage montre « que la crise n’a pas segmenté socialement l’envie de loisirs des Français » : cité par Katja Epelbaum : «Une société entière tournée vers les loisirs ? «(Le Parisien 16 mars 2009) à signaler que juste sous cet article du Parisien figurait une 1/2  de publicité, fun et haute en couleur pour le casino d’Enghien  intitulé : «Journée découverte , mythes et réalités sur votre casino»
  • (xlviii) «Notre profession a un taux de pénétration sur la population de seulement 10%» ( Entretien de Michel Roger à l’Express, repris sur www.poker-leaders.com
  •  du 25 aout 2010 : «  Les casinos ne font plus rêver «  .
  • (xlix)Mathilde Visseyrias : «  Face au net, rien ne va plus pour les casinos «  ( Le Figaro du 31 mai 2010)
  • (l) Laurence N’Kaoua et Eric Delon : «  Etre patron pendant la crise «  ( Les Echos du 24 mars 2009)
  • (li) Sur ce thème du management en temps de crise confer le dossier des Echos : Maxime Amiot = «  Les managers en première ligne face à une crise qui s’installe «  ( Les Echos du 24 février 2009)
  • (lii) «Macao consolide sa position de capitale mondiale du jeu «  ( lescasinos.org du 17 juillet 2007) «  Macao nouvelle capitale mondiale du jeu ( lescasinos.org du 6 avril 2007) «  Macao aurait déjà détrône Las Vegas «  ( lescasinos.org du 25 octobre 2006) ; «  Macao se rêve en Las Vegas d’Asie «  (les casinos.org du 30 aout 2004)
  • (liii) «Casinos : Macao détrône Las Vegas«  ( dépêche AFP du 8 juin 2010) 
  • (liv) Le journal du net : «Le Venitian plus grand casino du monde «  (18-11-2010)
  • (lv) Thierry Jacolet : «A Macao, les casinos géants dans une mauvaise passe «  (La Liberté du 9 février 2009)
  • (lvi) Il est clair que la renaissance de Macao est à mettre en relation avec la formidable croissance Chinoise et à celle de Hongkong ( A. Rodier : « Les riches chinois font flamber le marché de l’immobilier à Hong Kong «  ( Le Figaro du 8-2-2010)
  • (lvii) Yann Rousseau ( Les Echos) repris par les casinos.org du 7 septembre 2009 : «  Les flambeurs sont de retour à Macao « 
  • (lviii ) Gabriel Gresillon : « Jeux : Macao pèse quatre fois plus lourd que Las Vegas «  ( Les Echos du 4 janvier 2011)
  • (lix) cité par Yann Rousseau :  «Marina Bay Sand, le casino fou de Singapour » ( Les Echos du 20,21-aout 2010)
  • (lx) «Chine : Wen Jiabao appelle Macao a développer une économie diversifiée » ( crjonline du 14-11-2010)
  • (lxi) Aaron Fischer ibid. cité par Yann Rousseau , ibid( Les Echos du 20,21-aout 2010)
  • (lxii)Tom Arasi, PDG du Marina Bay Sands : «Le bâtiment va devenir une icône reconnaissable dans le monde entier. Notre ambition est d’être le lieu au monde associant le mieux les affaires et la détente» (cité par  Yann Rousseau ibid., Les Echos du 20,21 aout 2010)
  • (lxiii) Confer l’article de référence de Yann Rousseau : « Les nouveaux lieux de la mondialisation : Marina Bay Sands : le casino fou de Singapour » ( Les Echos 20,21 aout 2010)
  • (lxiv )cité par  Yann Rousseau ibid. ( Les Echos 20,21 aout 2010)
  • (lxv )source : «Pays émergents : ouverture du premier casino de Singapour «(La Tribune du 16-2-2010)
  • (lxvi) «Ouverture d’un nouvel hôtel casino à Las Vegas, pied de nez à la crise «  ( lescasinos.org du 23 décembre 2008)
  • (lxvii) Voir l’enquête de Laetitia Mailé : «City Center : le pari écolo de Las Vegas» (  LesEchos , 18 mars 2010)
  • (lxviii) Laetitia Mailhes , ibid., » (  Les Echos , 18 mars 2010)
  • (lxix) Steve Friess : «  Las Vegas s’offre un nouvel hôtel casino – le Cosmopolitan – et parie sur  la reprise économique «  ( Message AFP du 19/12/2010)
  • (lxx) «Le Cosmopolitan de Las Vegas ouvre ses portes «  (www.boursereflex.com du 19/12/2010)
  • (lxxi) « Ouverture du Cosmopolitan à Las Vegas : nouveau joyau du Strip ou gouffre financier annoncé ? «(clubpoker.net du 15/12/2010)
  • (lxxii) Sixtine Léon Dufour : «Duel électoral sanglant à Las Vegas, meurtri par la crise «  ( La Tribune du 3 novembre 2010)
  • (lxxiii) Stéphanie Fontenoy : «  Les saisies record inquiètent les américains » (Sus Ouest du 1-11-2010)
  • (lxxiv )Sixtine Léon Dufour ibid.
  • (lxxv) Nicolas Bourcier : «Las Vegas inferno» ( le Monde du 2 septembre 2010, p.15)
  • (lxxvi) Les hobos sont ces ouvriers migrants américains qui se déplaçaient de Chicago jusqu’à l’Ouest des Etats-Unis. Ils ont été rendus célèbre par l’ouvrage de Nels Anderson ( ancien hobo devenu sociologue à l’Ecole de Chicago !) : « Le Hobo sociologie du sans abri «  ( Nathan, 1993)
  • (lxxvii)TF1 a consacré un reportage à cette population : «  Les tunnels de Las Vegas » ( Sept à Huit du 12 décembre 2010)
  • (lxxviii) Nicolas Bourcier ibid
  • (lxxix) Nicolas Bourcier ibid
  • (lxxx) Mattew O’Brien : « Beneath the Neon « (Huntington Press, 2007) non traduit en Français

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