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Publicité pour le Nucléaire contre Moratoire sur le Solaire : la Guerre de l'énergie

Publié le 08 janvier 2011 par Arnaudgossement

pub areva.jpgPendant les fêtes, a été discrètement publié au Journal officiel un décret qui allège une nouvelle fois les obligations financières de la filière nucléaire. Alors qu'une campagne de dénigrement est menée pour salir l'image des énergies renouvelables, l'énergie nucléaire ne cesse de bénéficier d'avantages. Pour faire passer la pilule, c'est une campagne de publicité pour Areva qui est organisée au même moment. Pendant ce temps, l'attention de l'opinion publique est détournée vers un bouc émissaire commode : l'éolienne ou le panneau solaire.


Démantèlement : deux poids, deux mesures. Nous sommes tout d'abord priés de croire qu'une éolienne est une activité industrielle - dangereuse pour l'environnement, la santé humaine et les paysages - dont le démantèlement devrait prendre des années tout en laissant sur place des déchets dangeureux qui ressteront actifs pendant des siècles.

C'est certainement pour cela que la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 a soumis les éoliennes à la police des installations classées. C'est aussi pour ce motif que le projet de décret relatif au démantèlement et à la remise en état des parcs éoliens a prévu un régime de responsabilité des sociétés mères et une obligation de constitution des garanties financières...en début et non plus en cours de production.

Pour les sites nucléaires : rien de tel. Nous sommes alors priés de croire que ces installations auraient contributé à la lutte contre le changement climatique en n'émettant pas de CO² et que leur démantèlement ou - mieux - leur renouvellement, ne posera aucun problème.

C'est ainsi que le Parlement a inscrit dans la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (Loi NOME) les dispositions suivantes :   

"Article 20 :

Le III de l'article 20 de la loi n° 2006-739 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« A titre dérogatoire, un report de cinq ans pour la mise en œuvre du plan de constitution des actifs définis au II est accordé à un exploitant nucléaire si les deux conditions suivantes sont remplies :
« 1° Les charges mentionnées au I, à l'exclusion de celles liées au cycle d'exploitation, évaluées en euros courants sur la période allant de la date de publication de la présente loi à 2030 sont inférieures à 10 % de l'ensemble des charges mentionnées au même I, à l'exclusion de celles liées au cycle d'exploitation, évaluées en euros courants ;
« 2° Au moins 75 % des provisions mentionnées au premier alinéa du II, à l'exclusion de celles liées au cycle d'exploitation, sont couvertes au 29 juin 2011 par des actifs mentionnés à ce même II.
« Jusqu'au 29 juin 2016, la dotation moyenne annuelle au titre des actifs susmentionnés doit être positive ou nulle, déduction faite des décaissements au titre des opérations de démantèlement en cours et des dotations au titre des charges nouvelles ajoutées au passif des fonds dédiés. »

Aux termes de ces dispositions, les exploitants de centrales nucléaires, soit EDF principalement, ont donc un délai supplémentaire pour constituer les actifs qui permettront de financer le démantèlement et le traitement des déchets radioactifs. Alors que le parc nucléaire fonctionne aux frais du contribuable depuis 40 ans, ses exploitants n'ont donc pas mis de côté l'argent nécessaire à sa fin de vie.

Deux poids/deux mesures : une éolienne ne pourra pas commencer à tourner sans avoir mis de côté cet argent. Une centrale nucléaire peut fonctionner pendant des décennies sans avoir à le faire.

Alors que certains décrets d'application se font parfois attendre pendant des années, le Gouvernement a discrètement publié le Décret n° 2010-1673 du 29 décembre 2010 portant modification du décret n° 2007-243 du 23 février 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaire.

Ce décret qui donne du temps à EDF a été publié quelques jours aprés celui du 9 décembre 2010 qui ordonne un moratoire sur l'énergie solaire. Le temps n'est pas le même pour le nucléaire et le solaire : cinq ans de répit pour l'un, trois mois de casse pour l'autre.

Coût de l'énergie : la règle de l'obscurité. Depuis plusieurs mois, nos concitoyens sont priés de croire que si leur facture d'électricité va augmenter, c'est à cause...des panneaux solaires. Sans rire. Pire, ces malheureux panneaux mettent en péril notre réseau de distribution d'électricité. En clair, les installation de production d'énergies renouvelables ruinent notre économie, avantagent les travailleurs chinois ou les retraités californiens, massacrent espaces naturels et paysages et seront à l'origine d'un black out électrique.

Nous vivons pourtant sur un mythe : celui de l'électricité nucléaire pas chère et sûre. Or, rien n'est plus faux. Il ne faut pas oublier que deux personnes financent le nucléaire : le consommateur et le contribuable. Le premier a été incité pendant des années a installer systématiquement des chauffages électriques qui sont la cause première de la précarité énergétique que nombre de familles modestes subissent aujourd'hui.

Pendant que le rapport Charpin précise que l'énergie solaire a donné lieu à une "bulle spéculative" qui pourrait fortement grever les comptes d'EDF et la facture du contribuable, personne ne sait combien coûtent les opérations de démantèlement des réacteurs et le stockage des déchets. Si le nucléaire est si bon marché : pourquoi cacher les chiffres ?

Publicité pour le nucléaire, moratoire sur le solaire. Pour détourner l'attention de l'opinion publique, rien de tel qu'une campagne de publicité. Je vous conseille vivement de visonner le court métrage réalisé pour Areva et son vrai faux making off.

Une véritable campagne d'intoxication.... Grâce à un discours carbo centriste, ce spot suggère habilement que le nucléaire est une énergie moderne (images de ciel bleu, de mer et de soleil) par opposition aux énergies anciennes comme le charbon (images de travailleurs dans un environnement gris et peu chaleureux).

Surout, le film place la centrale nucléaire juste à côté d'un parc éolien off shore et d'une ferme solaire. Vous avez bien compris le message subliminal : "le nucléaire est une énergie renouvelable comme une autre..." Une "énergie complémentaire" comme on l'entend si souvent.

Pas d'images de déchets radioactifs, pas d'images de catastrophes industrielles, pas d'images de travailleurs sous traités, pas d'images des mines d'uranium du Niger, pas d'images des décharges sauvages. Non juste des images filmées comme dans un film de Luc Besson sur une petite musique sympathique des années 80.

Voilà ce que la forme de ce film de propagande nous murmure : "le nucléaire c'est moderne et c'est sympa". Vous voulez être à la mode ? Adhérez au nucléaire français que nous sommes si fiers de tenter de vendre dans le monde entier. C'est beaucoup mieux que ces énergies renouvelables qui sont autant de "niches fiscales" loin des "leviers de croissance" que le Grenelle avait promis.

Le film du making off va plus loin. Pas de vieux technos nucléocrates en costume gris mais des jeunes, sportifs, beaux ou sympas qui nous servent les pires tartes à la crème du développement durable mais avec une trés grande conviction. C'est ainsi que nous apprenons qu'Areva est obsédée par "le progrés continu".  Le but est clair : ringardiser le discours écolo. Les vrais écolos ce sont ceux qui aiment le nucléaire.

Je pense qu'une plainte devant l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité s'impose : je suis prêt à y contribuer.

Quel droit des générations futures ? Entendons nous : chacun a le droit le plus entier de se former une opinion personnelle sur l'énergie. Encore faut-il que chacun puisse bénéficier d'une information complète sur chacune des sources d'énergie. Or, tel n'est pas le cas. Nous avons plutôt droit à un débat passionné, à coups de publicités, sur fond de mensonges et de secrets bien gardés.

Il faut en sortir. Le débat sur l'énergie doit avoir lieu. Et n'oublions pas que si nos enfants ne veulent pas des éoliennes ou des panneaux solaires, ils pourront les retirer en trois jours. A l'inverse, nos déchets nucléaires, nous leur imposons pour toujours. Est ce juste ? 


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