Les Noces rebelles explore à peine son idée géniale, le découragement de la vie. En résulte pourtant un drame olympien hissé par deux acteurs vedettes.
Le duo DiCaprio/Winslet, immortalisé avec le Titanic de James Cameron, reprends vie dans un drame social. Cette fois-ci, les deux stars ne sont pas là pour se rouler des pelles mais pour s’en envoyer plein la gueule. Ils crèchent une jolie maison dans un quartier peinard où ils vivent avec leurs deux enfants. Frank travaille dans la vente, une profession dénuée d’intérêt qu’il exerce sans passion. En rentrant d’une journée comme une autre, sa femme lui avoue qu’elle en a marre de leur vie. Rien ne pimente son quotidien, et elle rêve de partir à Paris pour échapper à sa vieille existence, à cette attente désespérée de la mort. Elle pourrait être embauchée comme secrétaire pendant que son mari prenne le temps de trouver sa voie. Frank se laisse finalement convaincre, mais il changera aussi d’avis après s’être vu proposé un emploi mieux rémunéré. On doit l’histoire à Richard Yates, l’auteur qui a inspiré Les Noces rebelles. Le roman en question, Revolutionnary Road, a ouvert le débat littéraire en entraînant moult réflexions sur la famille et l’emploi, les rêves de la jeunesse et l’impasse de nos vies. Le film ne développe pas toutes les idées de l’écrivain, mais retranscrit la notion de Carpe Diem. En là faisant passer derrière les hostilités du couple, il développe une émulation fantomatique. Ce n’est pas maladroit, mais il aurai été judicieux de soulever le rêve au centre du récit. Les Noces rebelles dévoile des idées sans entièrement les approfondir, mais la simple évocation suffit à éclairer le spectateur. Comment ne pas ressentir le même sentiment qu’April ? Comment ne pas avoir à notre tour l’envie de se bouger le cul ? Sam Mendes impose une vraie maîtrise de la caméra, travaillant ses angles de vue et filmant majestueusement les disputes du couple.
La tension grimpe avec une violence verbale et émotionnelle, une tumeur érigée au cœur du couple. Mais on aurait aussi aimé en voir plus, assister à une hargne encore plus profonde. Les Noces rebelles est un film adroit qui survole la méditation sans pour autant rester superficiel. DiCaprio excelle en homme exaspéré, amoureux et agressif. Il hurle, fracasse une chaise contre un mur, frappe sa voiture. Il contrôle comme il peut sa rage fulgurante. Kate Winslet brille en femme déchirée, animée par un désir perdu qu’elle n’effacera jamais. Sam Mendes signe un drame puissant à défaut d’être parfait, organise habilement l’espoir avant de laisser place au découragement. N’oublions pas non plus ce malade psychiatrique, fils d’une amie du couple. Encourageant Frank et April dans leurs intentions, il divulgue la voix de la raison. Quand il apprends que le projet est avorté, il pète un plomb et se lève de table pour hurler sa colère. Le personnage intègre astucieusement la narration, ce qui n’est pas forcément le cas des enfants, très rares à l’écran. On peut se demander si les mettre de côté était une facilité ou un choix réfléchit. Une chose est sûr, ils n’apportent pas grand chose et ne soulignent pas « l’encombrement » sous entendu. Le rapport sexuel dans la cuisine n’est pas sans rappeler A History of Violence et sa scène virtuose dans les escaliers, mais ce n’est rien comparé au film de Cronenberg. On regrettera aussi cette fin interminable où chaque scène semble être la dernière. Le réalisateur peine à boucler son œuvre, nous laissant avec de bonnes prises de vue qui ont du mal à s’articuler. Il a au moins le mérite de trouver un plan final impeccable, mais tardif. Les Noces rebelles, un film légèrement surestimé véhiculant néanmoins une superbe poésie sur la jeunesse. A voir au moins une fois, pour ne pas perdre espoir et choisir la vie, non la désolation.