Des hôtels de luxe, des personnages égarés… Sofia Coppola sait comme personne montrer l’errance et sa beauté. Dans Somewhere, tout passe dans un souffle, dans ces silences qui disent tout… Un Lion d’or mérité.
Quelques tours de voiture sur un circuit automobile. Le film débute sur les bruits lancinants du moteur. Tout de suite, le ton est donné : on découvre Johnny Marco, la trentaine, affalé sur son lit. Fatigué de vivre, Johnny est un homme perdu dans un monde trop grand pour lui. Simple acteur à la réputation sulfureuse, il erre entre deux tournages, dans les longs couloirs du château Marmont, l’hôtel de luxe du tout Hollywood. Il tente d’oublier sa vie, une bière à la main. Johnny est un vrai Don Juan. Des stripteaseuses, une voisine, des amies… Sa seule consolation : sa fille. Une demoiselle fragile au sourire d’ange. Elle aussi est malheureuse. Alors Johnny l’emmène dans un périple en Italie à l’occasion d’une remise de prix. Tout est réuni pour rendre la vie plus agréable. Mais pourtant rien n’y fait.
Très différent des films américains contemporains (un peu à la manière du cinéma indépendant) et totalement dépourvu d’action, Somewhere est, sur le plan stylistique, une variation sur la lenteur. Pour Sofia Coppola, c’est dans les silences que naissent les émotions. La réussite est là : faire de l’ennui un sujet de cinéma. Un peu comme dans ces films d’Antonioni ou la parole est interdite. Dans Somewhere, il n’y a ni coups de théâtre, ni intrigues. Seulement des images fugitives, des émotions fugaces… Attraper le temps et peindre nos vies…
Le film stigmatise aussi le star system hollywoodien. Un système qui n’aboutit qu’à la solitude de l’acteur… Mais pas question pour autant de faire pleurer dans les chaumières. L’humour est constamment présent. L’ironie est là, jusque dans les moments les plus critiques, comme lorsque Johnny craque et que sa copine lui conseille de faire du bénévolat.
Quant à la prestation de Stephen Dorff, c’est une heureuse surprise. Jusqu’à maintenant inconnu du grand public (malgré une filmographie assez conséquente, il n’a joué que des seconds rôles), il se révèle ici acteur tout en sobriété, dans ce personnage de paumé ayant pourtant tout ce qu’il lui faut. Enfin, n’oublions pas la jeune Elle Fanning, l’adolescente lumineuse qui détient l’espoir. L’alchimie entre les deux fonctionne à merveille.
Indirectement, le film pose aussi une question fondamentale : comment faire du cinéma avec du “presque rien” ? Antonioni avait déjà apporté quelques éléments de réponse. Sofia Coppola apporte sa pierre à l’édifice et fait comme son illustre ainé le pari de l’intelligence.
En salles le 5 janvier 2011
Crédits photos : © Pathé Distribution