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Mon île Marquises, histoire d'une famille marquisienne du dernier Chef Pakoko à aujourd'hui

Par Teaki

A Nuku-HIva, l'île maternelle, la pluie s'est enfin mise à tomber. Les rideaux vaporeux nimbent les hauteurs aux allures népalaises. Majestés célestes, elles prodiguent une fraîcheur tant espérée aux vallées anthracites, fougères cendrées, crêtes incendiées.

Je reviens deux ans après le tournage pour projeter "Mon ile Marquises, d'héritages en métissages", film documentaire qui retrace l'histoire de mon ancêtre Pakoko, dernier chef des iles Marquises, fusillé en 1845 par le Capitaine Amalric et dont les objets sont exposés au Musée du quai Branly.

C'est la première fois que l'histoire des Marquises est mise en images d'un point de vue intérieur, s'attachant aux valeurs chères des marquisiens: la terre, la famille, la langue marquisienne, l'attachement à la France.

C'est la première fois que mon film est vu, partagé.

Je tenais à ce que la première projection se déroule aux Marquises. C'est une façon de rendre hommage à mon ancêtre et mes ascendants et aussi aux marquisiens dont j'admire la capacité à reconstruire, cette sage souplesse qui leur confère une force sans égal.

En ce jour de première, je sais d'où vient la pluie, bénédiction céleste, volutes de l'esprit de mon ancêtre Pakoko, qui veille aux destinées de son histoire.

Cette pluie si rare ces mois derniers marquent le début d'une nouvelle année généreuse, fructueuse.

La Salle de cinéma "Ciné-Marquises" est bondée. Il est à peine 19h et le public est déjà assis. La plupart ont réservé leur place. Nous devons rajouter des bancs. Certains s'assieront parterre ou sur les marches d'escaliers. Je remercie la nombreuse assistance en marquisien. Voix claire malgré l'émotion, déterminée, angoissée. Dès les premières images anciennes filmées en super 8 par mon père, je sens le public embarqué dans une histoire qui est aussi la leur. Des cris, des exclamations, beaucoup de rires. C'est pour vivre ce moment que nous avons tant travaillé. L'histoire de Pakoko est enfin dite.

Pour beaucoup, c'est la première fois qu'ils viennent au cinéma.

Pour moi, c'est mon premier film. Spontané, inventif, prenant, surprenant, à la narration créative, atypique, authentique, imparfait, intimiste, universel, plein de charme....en somme très marquisien...Voilà ce que l'on en dira à la fin de la projection.

Mon ile Marquises raconte le choc des cultures marquisienne et française aux trois étapes clés: La mort de mon ancêtre Pakoko, la survivance de mon grand-père Repoï, La découverte du grand monde de ma mère; le temps qui passe gardant vivaces notre fierté, notre identité métissée, notre désir de contruire, découvrir encore et encore.

En croisant les regards de ceux qui sont venus ce soir, je sens qu'à ma façon, j'ai posé une pierre dans le grand édifice marquisien. Les anciens retrouvent leur jeunesse dans mon île Marquises, les plus jeunes découvrent un regard sur leur histoire. A la moitié du film, un grand silence règne dans la salle où l'on peine à respirer faute de climatisation. L'attention confine au recueillement. A la fin du générique, la voix fabuleuse de Poïti exhorte au sursaut culturel et identitaire de la nouvelle génération dans sa chanson "Te Tama". Une chanson inédite enregistrée pou la première fois pour Mon île Marquises. Le public applaudit. Personne ne se lève malgré la chaleur. Je me lève, je salue l'assistance, je balbutie des remerciements tant je suis émue. Je me tais. On applaudit encore. Mon frère m'embrasse. Suivent les poignées de mains, les regards reconnaissants....je recommence à respirer...


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