On a beaucoup glosé déjà sur la nouvelle, « Pierre Ménard, auteur du Quichotte », de Borgès, paru dans le recueil Fictions.
On y voit un auteur, Ménard, qui réécrit mot à mot les chapitres IX et XXXVIII de la première partie du Don Quichotte et un fragment du chapitre XXII. « Il ne voulait pas composer un autre Quichotte - ce qui est facile - mais le Quichotte. Inutile d'ajouter qu'il n'envisagea jamais une transcription mécanique de l'original ; il ne se proposait pas de le copier. Son admirable ambition était de reproduire quelques pages qui coïncideraient - mot à mot et ligne à ligne - avec celles de Miguel de Cervantès. »
Mais pas en s'identifiant à Cervantès: en restant lui-même, Pierre Ménard.
Du coup, on ne lit pas le texte de Cervantès et le texte de Ménard de la même façon, même s'ils sont identiques. Le style de l'un est contemporain à son époque, celui de l'autre archaïque. Les intentions sont différentes: critique des romans de chevaleries, ou roman historique, etc.
Moralité: chaque lecteur réécrit le livre qu'il lit, d'après l'époque où il le lit, d’après ses connaissances, sa culture, etc.
On le sait bien quand on parle d'un roman qu'on a aimé à quelqu'un qui l'a aimé aussi: il semble souvent que ce ne soit pas le même.