© SATÔ Giei/ Picquier
"Journal d'un apprenti moine zen" de SATÔ Giei est un carnet de bord d'un véritable moine. Il s'agit d'un témoin fort de ce qui se passait au sein même des temples bouddhistes japonais en 1940.
Ce sont comme de petites "anecdotes" (à ne pas prendre au sens anecdotique mais biais, pan d'histoire) proposées par thème qui se lisent avec facilité, une double page par focus avec à chaque fois une illustration de l'auteur pour illustrer le propos.
L'auteur présente cette vie monastique avec ses conditions d'entrée et de sortie, l'une et l'autre pas évidente, la première faite de mises à l'épreuve sur plusieurs jours, la seconde d'une honte possible ou liée aux conditions de vie, saisonnalité et fonction au sein de la communauté.
Mais c'est bien le privé d'un temple qui nous habitons pour un temps. Sa temporalité: au quotidien, au fil des heures et des saisons, en prise aux conditions de vie "prière", "propreté des lieux", "mendicité", "remerciements", "événements historiques". Son paradoxe: une négation de la différence individuelle dans les travaux communs, les rituels et le quotidien, un don de soi personnel dans les services rendus et une apogée de son individualité dans le chemin spirituel. Sa dureté: labeur journalier, temps prédéfini (surveillé et soumis à "châtiment") de prière, abnégation du corps (dans la vêture comme dans la rudesse des poses de méditation, contre-carrée par des temps de repos, des temps de marche méditative ou de très peu nombreuses fêtes explosives). Ses temps forts: méditations, prières, repas, entretiens journaliers très durs avec le maître, mendicité, sorties.
Le chemin du "un sui" (nuage et eau, nom désignant le moine zen) est long, épuisant, exigeant, âpre. Mais ce dénuement est aussi accompagné d'une grande joie de vivre, d'une communion, d'un partage. Nous découvrons de nombreuses voies du bouddhisme zen (de celles que je repère, béotienne que je suis en la matière) : ne s'attacher à rien, n'attendre rien pour mieux avancer, le corps délié des conjonctions superficielles avec des besoins juste satisfaits, une exigence de dureté voire même de souffrance, un caractère exempt de colère, l'éveil, les réflexions ou plutôt absence de réflexion mais bien vie présente autour des koans (questionnements élévatoires aux limites de l'absurde) et aussi incroyable qu'il n'y paraisse la possibilité de vice pour ne pas contrecarrer l'aversion de l'hypocrisie humaine.
Ce sont les pas à pas, les moments phares, les interactions qui sont présentés encore plus que le cheminement spirituel. C'est aussi leur rapport aux autres, extérieurs au temple, relation de survivance, relation spirituel (ou de foi), relation de communauté etc...
Les repas, le thé, ont aussi une part belle, autant dans la frugalité et l'éveil à la concentration que dans les exceptions aussi particulières. J'en parle un chouïa là.
© SATÔ Giei/ Picquier
Autant dire que ce livre offre une bien belle ouverture sur leur quotidien, en nous proposant aussi cette authenticité (merci aussi au traducteur d'avoir laissé le vrai lexique japonais). Une manière de relativiser par rapport à nos vies.