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La Maladie de Sachs, de Martin Winckler

Par Carolune

 

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"Comment allez-vous, depuis la dernière fois ? Pas bien, sinon je serais pas venu ! Moi, ça va, c'est ma femme qui ne va pas. Mieux. C'est pas encore ça, mais c'est mieux. C'est pareil. Vos remèdes ne m'ont rien fait. C'est pas pire, mais j'ai toujours du mal à dormir. Eh bien, j'ai plus mal, mais maintenant ça me démange. " Dans le cabinet du Docteur Sachs, les plaintes se dévident, les douleurs se répandent. Sur des feuilles et des cahiers, Bruno Sachs déverse le trop-plaint de ceux qu'il soigne. Mais qui soigne la maladie de Sachs ?


Voilà un livre auquel je « tiens »… La Maladie de Sachs, c’est une sorte de journal intime, très littéraire, très écrit, d’un médecin de campagne : une magnifique galerie de portraits d’abord, avec tous ces patients, à tous les âges de la vie, qui semblent à eux seuls poser tous les problèmes de la vie humaine. La narration se fait dans une sorte de dialogue entre Bruno Sachs et chacun de ses patients, l’originalité étant que c’est la voix de chaque patient que l’on entend, qui semble s’adresser mentalement au médecin en le tutoyant : l’effet en est émouvant, on a le sentiment de découvrir une forme de pensée secrète et intérieure qui convient très bien au sujet : la relation complexe de l’individu avec celui qui a sa santé, et parfois sa vie, entre ses mains. Cela donne en outre une polyphonie très esthétique, et très travaillée – c’est d’ailleurs l’un des éléments qui rendent ce roman si attachant : le sentiment de lire un auteur qui jubile à construire un véritable objet littéraire, qui travaille avec une patience et un amour d’orfèvre fabriquant son chef d’œuvre…

C’est aussi une passionnante réflexion sur la médecine et le rôle des médecins. Martin Winckler, médecin lui-même – et je ne peux que vous conseiller son site, http://martinwinckler.com/  - pose avec simplicité et humanité les questions que pose son métier : comment le médecin peut-il gérer « professionnellement » la souffrance et la mort de ses patients ? Peut-il s’attacher aux gens, alors qu’il sait mieux que quiconque la déchéance qui les attend ? C’est ainsi que l’on voit Bruno Sachs mener sa vie solitaire, indispensable au village mais gardant ses distances, cultivant une gentillesse et une générosité sans liens profonds, jusqu’à ce qu’une de ses patientes, avec laquelle il partagera un moment médical particulièrement douloureux, parvienne, et non sans peine, à l’apaiser un peu.

Mais au-delà de ses qualités esthétiques et éthiques, c’est un livre bouleversant, un livre qui vous hante longtemps après l’avoir refermé en vous laissant l’impression d’avoir fait une merveilleuse rencontre…


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