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Zetman : les héros sont fatigants

Publié le 15 janvier 2011 par Mackie

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Zetman

de Masakazu Katsura / K2R

Japon : 15 volumes (en cours) - France : 14 volumes, Tonkam

L'histoire :

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Jin est un enfant de la rue. Elevé au milieu des SDF par Papy, un clochard sans âge, il possède une force et une rapidité hors du commun, et il porte pour seul signe distinctif un anneau incrusté sur le dos de la main. Doté d'un sens très personnel de la morale, il sillonne la ville à la recherche de personnes qui se font agresser, pour les sauver contre un peu d'argent.

Mais, tandis que des meurtres particulièrement sanglants commencent à se produire en ville, la très puissante Amagi Corporation tente de récupérer Jin, qui ne serait autre que le Zet, produit d'une expérience biologique ultra-secrète. Rattrapé par son passé, Jin se retrouve au coeur d'une lutte obscure et sans pitié entre des puissances occultes et rivales. Mais qu'est-ce que le Zet? Un humain? un monstre? ou un super-héros? Et qui sont les "players", ces êtres mi-homme mi-bête, et d'où viennent-ils?

De son côté, Koga, le jeune héritier de l'empire Amagi, rêve en secret de devenir un super-héros justicier, à l'instar de son modèle, Alpha, un personnage d'anime doté de super-pouvoirs. Les ressources illimitées de l'Amagi Corporation lui permettront-elles de donner corps à son rêve?

Ce que j'en pense :

Zetman est la série en cours du mangaka Masakazu Katsura, auteur de shonen à succès du genre comédie sentimentale et/ou fantastique, comme DNA², I''s ou Video Girl Aï, que je n'ai pas encore lues. Il s'agit apparemment d'un tournant dans son oeuvre, puisque le mangaka indique avoir souhaité créer une histoire sombre et adulte, ouvertement inspirée de Batman. Nous voici donc avec un manga seinen de super-héros, dont les thèmes sont les différentes visions possibles de la justice, de la distinction entre bien et mal, à travers les conflits intérieurs de héros ambivalents dotés de pouvoirs qui les dépassent.

Fort bien. Sur la foi de cette présentation, et de la réputation flatteuse de l'auteur, j'ai donc emprunté d'un coup les 13 premiers tomes disponibles à la médiathèque de ma ville, et je les ai avalés sans rechigner.  A 10€ le volume neuf dans le commerce, je n'allais pas me gêner. De fait, la réputation de Katsura n'est pas usurpée, sur un point au moins : tout au long des volumes, avec quelques légères variations certes, je n'ai pu qu'admirer le trait parfois fulgurant, parfois hyper détaillé, digne des gravures de Gustave Doré, qui flattent l'oeil et, parfois, l'émoustillent. Car il sait rudement bien dessiner les jeunes filles, ce qui ne va pas sans poser certains problèmes, au passage, comme je le dirai plus loin. N'étant pas un connaisseur des mangas de baston, je dois reconnaître que les scènes, nombreuses et longues, de duels entre combattants m'ont impressionné.

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(Pour faire gratuitement un mauvais calembour, et vous rappeler que j'ai l'esprit d'escalier : vous savez à quoi m'a fait penser la présence d'un personnage appelé "le nettoyeur", dans un manga du studio "K2R"? voir image ci-contre. Je sais c'est navrant.)

Mais une fois passée cette première impression favorable, d'autres aspects m'ont nettement moins plu.

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Tout d'abord, après un démarrage sur des chapeaux de roues, l'intrigue semble s'enrayer dès le 2ème tome, et semble hésiter entre plusieurs directions. Alors que le tome 1 proposait un point de départ intéressant (qui ne m'a pas du tout fait penser à Batman, mais plutôt à Gunnm et à Akira, et l'anime Bubblegum Crisis), le seinen annoncé devient une sorte de shonen cyclothymique, c'est-à-dire qui alterne entre apathie (du blabla) et crises spectaculaires (des bastons). En effet, l'intrigue cesse de progresser (pour ne redémarrer vraiment que vers les tomes 11 à 13), les rebondissements étant délayés entre de longues scènes d'explications pleines de quiproquos et de flashes-back qui ne servent qu'à embrouiller le pauvre Jin/Zet (gentil mais pas une lumière, hein). Il me semble que le même récit, ramassé sur trois ou quatre tomes de moins, serait bien plus digeste.

D'autant que ce délayage laisse la place, au détriment de l'intrigue, à de nombreuses scènes de violence gratuite, qui posent problème. Attention : on est bien d'accord que Zetman est destiné à un public adulte, comme il est indiqué (en tout petit) en quatrième de couverture. Je n'ai généralement pas de problème avec une certaine dose de violence dans le fantastique, l'horreur ou ou le thriller, ça fait partie du genre.

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De même façon, je ne suis pas du tout gêné par l'érotisme explicite, surtout lorsque les protagonistes sont agréables à regarder. Là où ça devient problématique, c'est lorsque la violence et la pornographie n'ont aucune justification au regard de l'intrigue, et qu'elles semblent n'être présentes que pour assurer un fan service des plus douteux. Distillé à petites doses, le fan service m'amuse plutôt qu'autre chose. Mais peut-on appeler fan-service les scènes de viol avec violence sadique, torture et mises à mort, de jeunes filles en tenues d'écolières, qui remplissent les trois-quarts du tome 4?

Et encore, admettons que ce ne soit qu'un errement du scénario - de telles scènes n'interviendront plus avec une telle densité dans les tomes suivants. Il n'empêche que je n'ai pas réussi à me débarrasser de ce malaise, qui m'a fait m'interroger sur l'objet que j'avais entre les mains.

Zetman : les héros sont fatigants
Si on regarde le déroulement de l'histoire, c'est bien plus un shonen qu'un seinen : on suit la progression de deux jeunes dotés (par la biologie ou par la technologie) de super pouvoirs, qui toutes les 50 pages se castagnent grave avec des super-méchants, et entre les deux, on a des scènes d'introspection molle et de sentimentalisme gnangnan.  Les garçons sont motivés, l'un par la volonté de protéger ses amis, l'autre, par une haute idée de la justice. Et, plein de courage, il se relèvent à chaque fois. Mais qu'est-ce qu'ils tournent autour du pot. Et qu'est-ce qu'ils bavassent, pendant les combats ! Les héros sont fatigants. Les filles, elles, quand elles ne sont pas des objets sexuels jetables après usage, sont au mieux des cruches qui rêvent du prince charmant sans rien comprendre à ce qui se passe. Bref, je ne vois pas ce qu'il y a d'adulte dans tout cela.

Zetman : les héros sont fatigants
Mais pour faire seinen, l'auteur semble croire qu'il suffit de montrer la violence et le sexe crus, et il se lâche, donc, à plusieurs reprises. Et pour faire encore plus seinen, il enlève toute trace de l'humour que l'on retrouve dans la plupart des shonen. Apparemment, dans un seinen, faut pas rigoler. Ah bon.

J'ai à peu près compris ce que j'avais entre les mains, lorsque j'ai lu la bio et les interviews de Katsura. A son lancement, Zetman avait pour argument commercial : "recommandé par l'auteur de Dragon Ball". Katsura a été assistant et émule d'Akira Toriyama. Finalement, et si Zetman n'était pas autre chose qu'une sorte de Dragon Ball tristoune et torturé, avec de vrais morceaux de cul et de tripaille dedans? Enfin, il est dommage que Zetman ne tranche pas (enfin, en sens figuré, parce qu'au sens propre...) entre les différents genres, comme s'il fallait réaliser cette sorte d'hybride shonen/seinen pour plaire aux fans devenus plus "adultes" avec les années.

C'est d'autant plus dommage que l'habillage, je me répète, est agréable à l'oeil. Entre les filles à la fois réalistes et kawai, et les monstres particulièrement bien dessinés (inspirés de crabes, reptiles, et insectes de toutes sortes - ben oui, vous vouliez pas des lapins et des bambis, pour faire des méchants ?), j'ai réussi à ne pas lâcher les 13 tomes de Zetman. La question est : vais-je lire les suivants? La série étant "à son milieu", comme l'annonce Katsura, il faut attendre un total de 30 tomes environ. Avec un délai de parution qui varie de 4 à 8 mois entre les tomes, on en a en théorie pour 5 ans au moins. Pas sûr que je tienne la distance, pauvre lecteur que je suis. 

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