"Rencontre avec Benjamin Siksou
Vous souvenez-vous de votre premier contact avec le projet ?
J’avais entendu parler de Regarde-moi mais je ne l’avais pas vu. La veille du casting, je l’ai regardé et j’ai été impressionné par le travail d’Audrey. Son film dégageait une vraie force. J’ai ensuite lu le scénario de Toi, Moi, Les Autres et du coup, j’étais à la fois intimidé et très motivé pour notre rencontre. Je me doutais qu’une comédie musicale mise en scène par Audrey donnerait quelque chose de tout à fait spécial, mais c’est un genre de cinéma auquel je n’aurais jamais pensé participer un jour.
L’idée d’avoir à jouer et danser en plus de chanter vous effrayait-elle ?
À la base, je me sens davantage chanteur que comédien. Chanter et être musicien me viennent bien plus naturellement que jouer la comédie. Je me fais violence pour être acteur mais cela me permet aussi d’avancer. Je m’ouvre plus, je découvre des choses de moi et des autres qui résonnent jusque dans mon travail musical.
Pour ce qui est de la danse, j’étais surtout curieux. Nous avons répété pendant six mois en travaillant les fondamentaux de la danse et du jeu. Nous y sommes allés progressivement et tout s’est fait en douceur, étape après étape. Gladys et Audrey nous ont très bien accompagnés. Cette phase a également permis aux comédiens d’apprendre à se connaître, aussi bien dans la vie qu’à travers leurs personnages. Nous avons eu de nombreuses improvisations qui ont étoffé le vécu de nos rôles et notre façon de travailler ensemble.
L'univers musical du film est particulier. Comment réagissez-vous par rapport a votre propre univers musical ?
A la lecture du scenario, j’ai été un peu derouté par beaucoup des chansons qui ponctuent l’histoire. À vrai dire, je ne me voyais pas les chanter. La plupart datent d’une trentaine d’années, mais ce n’est pas tant le côté générationnel qui les éloignait de moi qu’une simple question de goût. J’écoute beaucoup de choses aussi anciennes, voire même plus ! Mais j’avais confiance en Audrey et si elle avait choisi ces titres, elle avait une bonne raison. Je me suis donc effacé en tant que musicien, auteur et compositeur, quitte à m’écarter de ma sensibilité musicale pour m’aventurer dans cet univers. Avec le recul, il n’est pas si éloigné de ce que j’aime.
Comment présenteriez-vous votre personnage ?
Gabriel est un fils de bonne famille du seizième arrondissement. Son mariage est prévu dans deux semaines, avec Alexandra, une jeune fille vraiment très bien mais qui ne lui correspond pas du tout. L’existence de Gabriel est toute tracée et ça l’emmerde ! Il est coincé dans des codes, dans un milieu qui ne lui ressemble pas. Sa rencontre avec Leïla va tout changer. Tout à coup, il découvre quelqu’un de vivant, qui ne fait que ce qu’elle croit, qui dit ce qu’elle pense ! Elle va faire exploser sa petite vie bien rangée et chacun va trouver chez l’autre ce qui lui manque.
Gabriel va dépasser son milieu, c’est aussi une des histoires du film. Il est question de surmonter ses limites et les préjugés…
Au-delà de son enveloppe sociale, Gab a du cœur, il a une vraie notion de la justice et même si son père a tout fait pour l’étouffer et le faire rentrer dans un moule, il a encore une personnalité. Elle est en sommeil et sa rencontre avec Leïla va la réveiller. L’amour, le vrai, va le pousser à devenir lui-même et à enfin agir en conscience.
Gabriel et Leïla sont chacun les vitrines de leur milieu. Leur rencontre va les inciter à les casser. Chacun va se battre de son côté pour ouvrir les esprits de ses proches qui se bornent aux préjugés. Aucun des deux «camps» ne veut de leur union. Que ce soit dans le seizième ou dans le quartier de Leïla, les deux communautés sont complètement réfractaires. Gab et Leïla vont ouvrir une brèche.
Comment envisagiez-vous l’univers de la comedie musicale ?
Souvent, je trouve qu’il y a un côté manichéen dans les comédies musicales, avec les bons d’un côté et les méchants de l’autre. Cela ne me touche pas énormément. Dans son film, Audrey a heureusement mis d’autres enjeux, d’autres nuances, et on peut s’intéresser au parcours des personnages, se sentir concerné par les thèmes plus sérieux. Ce mélange de comédie musicale et de fond social est le meilleur moyen de faire passer ses idées, de parler du malaise des sans-papiers, toujours d’actualité. Passer par la fiction pour parler du quotidien est beaucoup plus efficace et le message passe bien mieux que par les infos et les reportages. Cette idée-là m’a plu. Concrètement, sur le tournage, comme pour les chansons, une fois dépassée la première perception un peu surprenante, il faut vraiment prendre le parti de se lancer dans le genre pour mieux s’en détacher et l’emmener au- delà, vers quelque chose de neuf. La préparation et les répétitions nous ont vraiment aidés pour cela. Nous avons tellement travaillé, nous avons expérimenté tant de choses qu’une fois sur le tournage, nous avions presque l’impression que le plus dur avait déjà été accompli, alors qu’il restait tout à faire !
Comment avez-vous travaillé avec Audrey ?
Audrey nous a accompagnés depuis le début, des castings jusqu’à la fin. Elle est le point de départ de toute cette aventure et c’est elle qui a rassemblé tout le monde. Elle a créé le lien entre nous pour provoquer un rapprochement semblable à celui du film. Bien que j’aie moins de scènes avec Cécile, Audrey nous a organisé beaucoup plus de répétitions pour travailler sur l’histoire de notre couple. Comme les personnages du film, j’ai moins vécu avec Leïla, sauf au moment des répétitions juste avant le tournage. Audrey s’appuie toujours sur une réalité qu’elle importe dans sa fiction. Elle travaille avec vous, vous écoute, vous observe jusqu’à comprendre comment vous fonctionnez pour aller chercher l’émotion juste. Ensuite, elle vous pousse à lâcher prise, jusqu’à l’explosion d’un sentiment authentique. Elle cherche toujours à dépasser le point de confort et d’équilibre.
Elle savait ce qu’elle voulait mais certains détails pouvaient être ajustés jusqu’à la dernière minute. Audrey écoute, discute, s’adapte. C’est un vrai travail de collaboration où tout le monde peut s’exprimer.
Cest un projet avec beaucoup de femmes. Comment avez-vous travaille avec vos partenaires ?
Il est vrai que j’étais bien entouré ! Beaucoup de femmes en effet, et toutes avec de vrais caractères et un vrai charme. Au rayon masculin, il y avait quand même Angelo - joué par Renaud Astegiani - qui essaie de me casser la figure et qui d’ailleurs pendant les répétitions, m’a mis un vrai coup de boule, et mon «père», joué par Nicolas Briançon, face à qui Gab finit par se rebiffer.
Il valait mieux pour moi être avec Leïla ou Cécile ! De nous trois, c’est moi qui avais le moins d’expérience en matière de jeu. Elles m’ont aidé, m’ont apporté leur appui et c’était important pour moi. L’histoire est plus centrée sur Leïla et Gab. Entre nous, il y avait beaucoup de fraîcheur, même pour les scènes de chorégraphie que nous avions moins répétées que les scènes de jeu. Il y avait quelque chose de vivant et j’espère que le public le ressentira.
Cette expérience vous a-t-elle permis de vous sentir autant comédien que musicien et chanteur ?
Bien que l’on me confie des rôles depuis plus de deux ans maintenant, j’ai encore du mal - malgré ma fascination et mon envie à me considérer comme un comédien. Les répétitions ont commencé pendant que je terminais une tournée et j’étais encore plongé dans la musique. À l’époque, j’étais en train d’écrire un album. Je l’ai mis entre parenthèses pendant le film parce que les deux demandent un engagement complet. On ne peut faire ni l’un ni l’autre à moitié. Je me suis donc entièrement consacré à ce film, mais dès que le tournage a été terminé, je suis retourné à ma musique et j’ai repris le chemin des studios.
Connaissez-vous aujourd’hui la place de cette expérience dans votre parcours ?
À chaque projet, je grandis et j’évolue, mais cette expérience m’a changé plus que n’importe quelle autre. Ce film était un projet énorme, avec tellement de personnes, beaucoup d’idées, de talents différents et de rencontres... À titre personnel, c’est mon rôle le plus important, dans un genre complètement nouveau pour moi. J’ai été bousculé dans mes émotions, à la fois à travers le travail physique pour la danse mais surtout, par Audrey et mes partenaires. J’ai encore un peu plus appris à lâcher pour donner."
"Rencontre avec Audrey Estrougo (extraits)
Comment ce projet atypique est-il né ?Après avoir réalisé Regarde-moi, j’ai accompagné le film un peu partout et j’ai ensuite réalisé le documentaire des vingt ans du groupe iAm pour Canal+. j’ai rencontré beaucoup de producteurs qui voulaient travailler avec moi, mais presque tous me proposaient de faire soit la suite de Regarde-moi, soit une déclinaison, soit des remakes de mon propre travail. je n’avais alors pas d’envie précise mais j’étais consternée par le manque d’ambition des propositions. C’est mon agent qui m’a poussée à me rendre au rendez-vous proposé par Olivier Delbosc et Marc Missonnier de Fidélité. Eux m’ont parlé d’un projet de comédie musicale. Ce n’est pas vraiment mon univers et a priori, je ne m’y serais jamais aventurée de moi-même, mais l’idée de découvrir autre chose et d’y amener ce qui compte vraiment pour moi m’a tentée.
A quel moment avez-vous choisi vos comédiens ? Leur cahier des charges était un peu particulier.
Au-delà de leurs capacités à incarner les personnages, tous devaient pouvoir chanter et danser. Ce n’était pas toujours évident mais je tenais à ce qu’ils le fassent eux-mêmes, et s’il a parfois fallu batailler, y compris contre leurs propres doutes, je ne le regrette pas parce que cela donne une autre authenticité au film. Le casting s’est fait de manière différente pour chacun, à chaque fois de vraies rencontres.
pour le rôle principal, celui de la jeune fille, j’ai envisagé plusieurs co- médiennes mais il y avait toujours quelque chose qui ne collait pas avec le personnage. Leïla Bekhti était la seule que je ne connaissais pas. La première chose que j’ai vue d’elle était une interview pour un film auquel elle avait participé alors qu’elle était encore très jeune. j’ai tout de suite aimé sa manière de parler très sincère et j’ai su que c’était elle. je ne l’ai dit à personne, je ne suis pas passée par son agent et j’ai réussi à obtenir son numéro. Lorsque je l’ai appelée, elle était sur un tournage en province. Dès le week-end suivant, nous nous sommes rencontrées dans un parc et nous sommes restées à discuter jusqu’à ce que la nuit tombe et que l’on se fasse virer ! Entre nous, il y a eu un coup de cœur humain et j’ai eu envie d’écrire pour elle. À partir de ce moment, tout a été facile pour moi et le film a commencé à exister. Leïla était inquiète car elle ne savait ni chanter ni danser. je l’ai poussée, elle a travaillé et la voir s’épanouir dans ce rôle a été une vraie satisfaction.
Comment avez-vous choisi l’homme écartelé entre ces deux très belles jeunes femmes ?
J’ai rencontré tous les comédiens de la jeune génération mais aucun ne me convenait complètement. Benjamin Siksouavait déjà un par-cours impressionnant dans la musique. pourtant, j’ai hésité lorsque les producteurs m’ont proposé de le rencontrer. Benjamin est arrivé paralysé par le trac. il a joué une scène avec Leïla, une avec Cécile et une impro avec les deux. Au-delà d’un charme très concret, une chose m’a impressionnée : il a fait preuve d’une telle sincérité qu’il a réussi à surprendre Leïla, qui n’est pourtant pas du genre à se laisser déstabiliser. j’ai senti qu’ils fonctionnaient parfaitement sur l’émotion. Ensuite, Benjamin a parlé musique avec Cécile et ils ont eu une vraie complicité. Il avait réussi à nouer une relation particulière avec chacune d’elles. j’ai su qu’il serait bien avec les deux.
Pouvez-vous nous parler des autres personnages ?
Marie-sohna Condé joue Tina, la jeune mère sans-papiers qui se cache avec sa petite fille. marie-sohna, je la considère comme ma grande sœur. Elle était dans Regarde-moi et dès que l’on m’a parlé de comé- die musicale, j’ai eu envie qu’elle y participe. j’ai écrit le personnage en pensant à elle, et elle lui apporte son énergie et son humanité. Elle porte l’un des moments les plus forts du film.
Le rôle de la femme du préfet de police n’était pas évident. je voulais qu’elle ait sa propre personnalité, qu’elle ne soit pas une simple épouse. C’est elle qui assure la cohésion de cette famille. C’est aussi une mère qui a son histoire et que l’on devait pouvoir cerner très vite. Chantal Lauby arrive à faire passer tout cela à travers ses scènes. on sent en elle quelque chose de très fragile, elle est capable de rire mais les larmes ne sont jamais loin. une comédie musicale implique une bonne lisibilité des personnages, et Chantal permettait cela immédia- tement malgré la complexité de son rôle. il n’y avait qu’elle pour jouer une femme de gauche mariée à un préfet de police.
Nicolas Briançon joue le seul véritable méchant du film mais je ne voulais pas quelqu’un qui serait évident dans ce registre. nicolas est charmant et il peut paraître trop jeune pour le rôle d’un préfet, mais il est tellement bon comédien et tellement juste qu’il lui donne toute sa dimension. Pendant les essais avec Benjamin, Nicolas dégageait une autorité naturelle qui a tout de suite défini entre eux un rapport père/ fils. par son jeu, on saisissait à quel point cet homme avait pu écraser son fils. De plus, son côté décalé fonctionnait très bien avec Chantal. une grande partie des autres rôles est tenue par des comédiens qui avaient déjà joué dans Regarde-moi, tout comme l’équipe technique. C’est l’histoire qui continue !
Vous souvenez-vous du premier tableau structuré que vous avez-vu ?
«La bonne étoile» a été le premier tableau que j’ai vu exister. il n’y avait que les deux comédiens mais quand Leïla et Benjamin sont ensemble, c’est magique, on y croit. il était onze heures du matin. En scooter, j’étais passée chercher Leïla qui n’était pas bien réveillée. Les comédiens jouaient en play-back sur la chanson qui n’était alors chantée que par les voix maquette, et pourtant, tout à coup, il s’est passé quelque chose. j’ai décidé de filmer les répétitions avec une petite caméra numérique, ce qui nous permettait ensuite de faire une sorte de prémontage pour savoir exactement ce dont nous avions besoin pour que la scène fonctionne. Tout l’enjeu était de doser l’équilibre entre la danse et la narration. parfois, cela pouvait être frustrant pour les pros de danse qui donnaient tout, mais je restais sur les personnages et l’histoire. La cohésion du film était à ce prix.
L’image du film est très travaillée. Comment avez-vous défini votre style visuel ?
J’ai travaillé avec Guillaume Schiffman, avec qui j’avais déjà fait Regarde-moi. je n’imagine pas faire un film sans lui. je fais d’abord un découpage seule puis il me donne son avis. Guillaume est plus qu’un chef opérateur. il connaît vraiment le cinéma, il sait ce que l’image doit contenir pour raconter votre histoire. nous étions d’accord pour ne pas être clinquants, pour rester dans le réalisme tout en sublimant certaines scènes - ce qu’il sait parfaitement faire grâce à sa lumière. notre relation est faite d’une franche bonne humeur qui n’empêche pas de se dire les choses. il est l’un des rares à avoir accès à mon monde secret, il sait les images que j’aime et celles que je n’aime pas.
Avez-vous vu surgir dans le film achevé quelque chose que vous n’aviez pas iagminé ?
Je suis surprise de la façon dont le film touche un aussi grand nombre de personnes. Le public semble plus touché que je ne l’avais imaginé. j’en suis émue. D’un point de vue plus personnel, je suis heureuse d’avoir partagé cette aventure avec tellement de gens. C’est le travail de toute une équipe, dont je fais partie. je trouve que Benjamin a vraiment évolué pendant le film, il s’est libéré. il a vu ce dont il était capable et a pris confiance en lui. Cécile m’a impressionnée par son potentiel. C’est un soleil dont je crois avoir réussi à capter quelques rayons que l’on avait trop rarement vu briller. Leïla est une fabuleuse rencontre. Entre nous, il y a quelque chose de fusionnel. je me suis rendu compte en voyant d’autres films que j’avais eu accès à des choses plus intimes de sa personnalité.
De quoi êtes-vous la plus heureuse sur ce film ?
Que ce film existe parce qu’il est tel que je l’avais imaginé. Tous ceux qui l’ont vu m’ont dit qu’il me ressemble. il a une identité. Ce n’est pas un film de plus pour ne rien raconter. il me reste tellement de moments forts... je n’oublierai pas le tournage de «La bonne étoile» sur un toit. Après une première nuit où tout le monde se cachait derrière ses pudeurs et ses doutes, j’ai tout interrompu. Le lendemain, nous n’avions plus le choix. j’étais seule avec Leïla, Benjamin et le steadicamer. Le reste de l’équipe était à l’étage du dessous. il faisait hyper froid et nous avons tourné de dix-huit heures à trois heures du matin. magique, vraiment. nous allons enfin pouvoir partager tout cela avec le public."
"Rencontre avec Leïla Bekhti (extraits)
Comment définiriez-vous votre personnage ?
Leïla est une jeune femme qui se sent responsable de beaucoup de choses. Je crois que ce qui la définit le mieux est le rapport qu’elle a aux autres. Elle prend tout très à cœur. Leïla est très impliquée vis-à-vis de ses proches, de son petit frère, de Tina, de ses amis du salon. Chaque relation révèle un peu plus ce qu’elle est.
Dans le film, elle est celle qui ramène de la réalité. Toutes les situations sont amenées avec un point de vue réaliste. Quand Leïla ment à sa famille en lui faisant croire qu’elle a obtenu son diplôme d’avocat, Gabriel l’emmène sur les toits de Paris où ils vont chanter «La belle étoile». C’est une situation vraie que tout le monde peut comprendre, mais présentée dans d’autres codes que ceux que l’on voit d’habitude. En chantant «Et si tu n’existais pas», Gab, Alexandra et Leïla montrent au spectateur dans quel état ils sont. On retrouve toujours ce mélange de sentiments vrais dans un contexte décalé. Dans le même ordre d’idées, j’ai souvent une petite fleur violette dans les cheveux et, lorsque je reviens de la préfecture, je suis en jean - la réalité - mais je garde cette petite fleur - le rêve. Tous ces détails sont venus enrichir le personnage pendant les répétitions et le tournage. Il n’y a rien de plus agréable pour un comédien. J’aime Audrey et j’admire son travail, elle sait où elle veut aller tout en laissant une vraie liberté à ses comédiens pour nourrir le dialogue ou la mise en scène.
Comment vous êtes-vous préparée pour le rôle ?
Je n’avais que quelques mois pour arriver au niveau de ce que demandait le film et il m’a fallu travailler vite. Gladys, la chorégraphe, nous a motivés et poussés en tenant compte de nos spécificités. Elle m’a aidée à progresser mais dans la limite de mon potentiel. Nous avons mis au point des chorégraphies cohérentes avec ce que je suis et avec le personnage. Nous n’avons pas imaginé de salto, par exemple, parce que je n’y serais jamais arrivée ! Pour faire exister le personnage, mon premier levier était toujours l’émotion, le jeu, et ensuite s’ajoutaient la danse et le chant. Au début, j’ai redouté de ne pas être au niveau de Benjamin, qui chante remarquablement, et de Cécile qui chante aussi très bien et qui en plus, danse comme une pro. Alors j’ai travaillé et j’ai essayé de donner de la densité au personnage. Chaque jour, je disais mon angoisse à Audrey qui me rassurait. J’étais tellement peu sûre de moi que j’ai eu peur de regarder les rushes. La seule chose dont je suis certaine, c’est d’avoir été sincère, d’y être allée de tout mon cœur, sans tricher, en étant moi-même.
Vous souvenez-vous de la première scène où vous avez chanté et dansé ? Qu'avez-vous ressenti ?
Bollywood est la première scène où j’ai chanté et dansé. J’étais en sari et la costumière, Emmanuelle Youchnovski, n’avait pas fait les choses à moitié : les cheveux bouclés, maquillée comme jamais, la totale ! Je me suis retrouvée dans le quartier indien, sous le regard des habitants, et je n’étais pas très à l’aise. J’avais sans doute peur du ridicule, du regard des gens de l’équipe. Les débuts de tournage sont ma hantise et je les déteste. La première semaine, on ne connaît personne. Or, quelles que soient les scènes, j’ai besoin de rire avec l’équipe, besoin de sentir une complicité, d’être un peu en famille. On a fait trois prises et Audrey est venue me parler. Elle m’a rassurée, elle m’a dit que l’on ferait autant de prises que nécessaire mais que je devais me lâcher, vivre ce moment, m’amuser. Je suis censée être amoureuse, alors il fallait y aller. J’y suis retournée, puis j’ai commencé à tout oublier, à jouer vraiment et on a tourné, tourné. Au final, malgré le froid et la fatigue, je ne voulais plus arrêter !
Comment les choses se sont-elles passées avec Audrey ?
J’ai eu la chance de côtoyer Audrey un an et demi avant le tournage et nous avons pu tisser de vrais rapports humains. Nous avons le même âge. Nous rions des mêmes choses. Nous dînions régulièrement en copines, mais le rapport réalisatrice/comédienne s’est tout de suite instauré parce qu’elle aime vraiment ses comédiens. Elle cherche avec eux, les incite à explorer. Audrey est à l’écoute et quand on voit tout ce qu’elle projette sur nous, on a envie de s’investir d’autant plus. Même si elle sait où elle veut aller, elle cherche notre avis. Il est fascinant de voir la liberté qu’elle nous laisse pour exprimer ce que nous sentons, à condition que nous partions du point A pour arriver au point B comme elle le souhaite. C’est à la fois une vraie rencontre humaine et professionnelle. Il est assez rare que ce soit aussi fort sur ces deux plans en même temps.
Si vous ne deviez garder qu’un seuL souvenir de toute cette aventure, quel serait-il ?
«La belle étoile». Nous étions sur les toits avec Benjamin, complètement frigorifiés. Nous devions chanter et danser et c’était dans l’histoire la pre- mière fois que Gab et Leïla se retrouvent. Nous devions être crédibles dans tous les aspects de cette danse, sa sensualité, notre timidité, ce qu’elle représente de neuf pour chacun des personnages. Pour la première fois, ni lui ni moi ne savions ce que nous faisions, même dans le jeu. Nous avons essayé, nous avons rajouté des choses, nous nous sommes amusés. Il s’est passé quelque chose que je n’arriverai jamais à expliquer mais dont je me souviendrai toujours.
Il y a eu aussi la séquence sur les quais de la Seine, un vendredi à minuit. Gab et moi devions nous regarder et nous embrasser. Audrey voulait travailler sur nos ombres. Pour nous aider, j’ai demandé une chanson d’Adele - une jeune chanteuse de dix-sept ans très forte. Nous l’avons mise à fond et le temps s’est arrêté. C’était un vrai moment de grâce. C’est un ressenti impossible à expliquer. Sans séduction, sans ambiguïté, une vraie complicité s’est installée entre Benjamin et moi.
Que représente ce projet dans votre parcours ?
Je suis émue et j’espère ne pas décevoir la confiance que l’on a mise en moi. C’est la plus belle des choses qu’on puisse offrir à quelqu’un. Audrey a vraiment cru en moi, les producteurs Marc et Olivier également, et l’équipe m’a soutenue. Sur le plan humain, quelque chose s’est passé. Tous ceux avec qui j’ai travaillé sur ce projet m’ont fait grandir. Ce que nous avons vécu ressemble à l’histoire : des rencontres, des engagements, des sentiments partagés et au final, on en ressort avec une vision du monde bien plus belle."
"Rencontre avec Cécile Cassel(extraits)
Quand avez-vous entendu parler du projet pour la première Fois ?
Mon agent m’a parlé d’une comédie musicale et j’ai forcément été tout de suite intéressée, étant donné que c’est le seul genre de film qui réunit mes trois passions : la comédie, le chant et la danse. J’avais eu l’occasion de rencontrer Audrey cinq ans auparavant lorsqu’elle préparait le court métrage qui allait servir de base à son premier long, Regarde-moi. À l’époque, j’avais refusé d’y participer parce qu’il ne comportait qu’un seul point de vue. Elle ne gardait donc pas un souvenir idéal de moi ! Nous ne nous étions pas rencontrées au bon moment. Nous nous sommes revues, et notre rendez-vous, commencé à 16 heures, s’est terminé à 4 heures du matin!
Comment avez-vous construit votre personnage, Alexandra ?
À la lecture, j’étais hantée par l’idée qu’Alexandra ne soit pas sympathique. J’avais peur qu’elle soit considérée comme une petite-bourgeoise, surtout comparée à quelqu’un d’aussi sympathique que Leïla. Tout l’enjeu était donc de la rendre touchante au point que l’on se demande pourquoi Gabriel la laisse tomber. Nous avons beaucoup travaillé en amont pour faire exister leur couple, qui n’est heureux que dans une seule séquence, à l’ouverture du film. Il fallait que l’on sente tout de suite leur complicité, leur affection. Dans le processus de préparation, à travers des improvisations, nous avons parcouru leurs sept ans de vie. De leur rencontre à leur demande en mariage, de leur premier appartement à leurs premières habitudes, nous avons tout exploré pour que cela se ressente dès qu’on les voit ensemble. Vivre toute cette phase avec Benjamin a été un bonheur.
L’autre façon d’approcher le personnage reposait plus sur ce qu’il vit d’universel. Nous nous sommes tous fait larguer. Nous avons tous perdu quelque chose ou quelqu’un, et cela m’a permis de définir Alexandra. En prenant conscience de tout ce qu’elle perd, l’émotion naît et peut s’exprimer plus facilement à travers la danse. Même si la chanson de la scène de rupture est très rythmée, travailler avec le corps a été très naturel puisqu’après une séparation, c’est aussi le corps de l’autre qui nous manque. La danse me permettait de ramener Gab à moi, de m’y accrocher physiquement. Alexandra aura vraiment tout essayé jusqu’à sa dernière scène.
Saviez-vous dans quel genre de film vous vous lanciez ?
J’ai lu le scénario en sachant qu’il serait réalisé par Audrey et en ayant vu Regarde-moi. Cela teinte tout. Il suffit de la connaître même un peu pour prendre conscience de son énergie phénoménale et de son extrême maturité. J’ai énormément de respect pour ceux qui ont le goût du travail, et jamais je n’ai vu quelqu’un se poser des questions et préparer son film à ce point. Avant même de lire le scénario, j’étais donc déjà rassurée au sujet du projet, même si je savais qu’il était très particulier et associait beaucoup de genres. Audrey a énormément travaillé et elle rend aussi hommage à la comédie musicale. Les fans trouveront des références et des clins d’œil un peu partout dans ce film.
J’ai grandi avec les comédies musicales et j’en suis fan absolue. Je pense que j’ai vu tout ce qui a été fait dans ce domaine sur la planète ! Le film d’Audrey commence comme une comédie romantique, avant de prendre une autre dimension qui, sans rien perdre des intrigues et des styles, les allie pour leur donner encore plus de sens. C’est la vraie richesse du film.
À mon sens, l’autre qualité du film découle du casting d’Audrey. Elle a assemblé une distribution éclectique, juste, sans aucune facilité. Audrey a vraiment choisi en connaissance de cause le moindre figurant. C’était extrêmement rassurant et cela donnait envie de la suivre les yeux fermés dans cette aventure.
Bien sûr, à la lecture, on se demande ce que vont donner certaines scènes mais, au fur et à mesure des répétitions, nous avons vu les choses se mettre en place avec Gladys, Armelle et Aziz, les chorégraphes, qui ont fait un énorme travail sur chaque tableau. Nous avons commencé à quatre dans un bureau, puis six, huit, dix, douze... jusqu’aux deux cents personnes qui participent à ce film. Benjamin, Leïla, Marie-Sohna et moi avons vu le film exister peu à peu, chaque étape s’appuyant sur de bonnes personnes gui- dées par Audrey.
C’est la premiere fois que vous conjuguez toutes vos passions. Qu’avez-vous ressenti ?
Cette expérience-là n’a rien à voir avec ce que j’ai pu vivre auparavant. Pendant six mois, j’ai travaillé sur des grosses scènes de comédie musicale dont la plus importante pour moi, la scène de rupture, culminant avec une chanson de quatre minutes, avec une chorégraphie qui a constamment évolué. J’ai cru que jamais je n’en verrais le bout ! Le tournage de cette scène a duré trois jours dans un château près de Paris, où toute l’équipe s’est retrouvée en autarcie complète. Les journées étaient tellement lourdes qu’il était préférable que rien ne vienne nous distraire. Toute ma vie, je me souviendrai de ce que j’ai ressenti. Trois jours en apesanteur, à lâcher prise après avoir passé six mois dans le contrôle absolu du moindre pas. J’avais soudain le sentiment d’être à ma place. C’est alors que j’ai compris où cela m’avait menée. Ces six mois de travail m’avaient permis de ne penser à rien, d’être juste dans l’émotion de la scène en oubliant tout ce qu’exige le côté technique de la comédie musicale. Le dernier jour, dans le dernier plan de la séquence, mes larmes, au-delà du fait de jouer la perte de Gabriel, étaient une autre façon de décompresser après tout ce que j’avais vécu. Elles sont venues beaucoup plus vite que prévu.
Le lendemain, je me suis réveillée incapable de bouger, avec des bleus partout. Benjamin et moi nous étions jetés l’un sur l’autre tout au long de la scène. Pourtant, même si le travail a été dur, je ne l’ai pas ressenti comme quelque chose dont je pouvais me plaindre. Se retrouver sur un projet aussi passionné et passionnant était une chance immense.
En avez-vous parlé avec Benjamin Siskou ?
La musique nous a tout de suite rapprochés. J’ai apporté ma guitare sur le plateau pour que ça chante tout le temps et qu’il me montre des choses. Benjamin ne peut pas s’empêcher de fredonner. Il le fait en permanence. Être au contact de quelqu’un comme lui est super.
Nous avons aussi parlé du fait qu’il se sentait moins légitime en tant qu’acteur alors qu’il lui est très naturel de faire de la musique. Quant à moi, je me sens plus légitime en tant qu’actrice, même si faire de la musique est une passion. C’est avec lui que j’ai la plus grande partie de mes scènes. Heureusement, Leïla et moi nous connaissions, ce qui nous a permis d’être complètement impliquées lors des essais avec lui. Il était important pour Audrey que les deux filles qui devraient se le partager s’entendent bien ! Avec Benjamin, les choses ont tout de suite été faciles - heureusement car il fallait qu’il tienne la route entre les deux tornades que nous sommes !"
"Rencontre avec Marie-Sohna Conde (extraits)
Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce projet ?
L’idée de retrouver Audrey pour la troisième fois et l’histoire en elle-même m’ont séduite. Les personnages, leurs parcours, tout ce qu’Audrey voulait raconter dans un style si particulier me tentait. Mon personnage devait danser, chanter, et même si j’ai pratiqué ces disciplines pendant ma formation à l’école de la rue Blanche, c’est une expérience assez ancienne ! Mais le fait qu’Audrey me croie capable d’assumer tous ces aspects du rôle suffisait à me motiver. J’ai été touchée par sa confiance et je me suis mise à bosser ! J’étais tout même curieuse de voir ce que ma voix grave et cassée allait pouvoir donner !
Pouvez-vous nous parler de votre personnage, Tina ?
Tina tient un salon de coiffure dans le quartier où vit Leïla. Le salon est un peu le point de rencontre de tous les habitants de la rue. Tina a le sens de l’accueil et elle est aussi un peu la maman adoptive de Leïla, qu’elle a prise sous son aile après la mort de sa mère. Elle est sa grande sœur de cœur. Le jeune frère de Leïla fait ses devoirs avec la fille de Tina, et tous ces liens informels ont créé une espèce de famille recomposée. Tina est une sans- papiers qui vit cachée des autorités, dans la crainte d’une expulsion. Quand le film commence, Leïla est en train de remplir son dossier de régularisation pour l’envoyer à la préfecture. Même si elle a une grande force de vie, Tina vit toujours dans la peur d’être retrouvée et séparée de sa fille.
Comment avez-vous préparé vos chansons ?
J’ai pris des cours de chant avec la formidable Géraldine Ros, notre coach chant pour le film. C’est grâce à elle et au soutien d’Audrey que j’ai réussi. «Je rêvais d’un autre monde» était un moment difficile, mais un vrai moment de grâce. Dès la lecture du scénario, j’ai eu très peur de cette scène dans la prison. Étant maman moi-même, je me suis peut-être projetée dans cette situation de séparation. Si je n’avais pas été mère, peut-être cette scène m’aurait-elle moins impressionnée. Sur le plateau, l’émotion était palpable, avec beaucoup d’écoute et de bienveillance. Cheïna Correa Lafaure, qui joue ma fille dans le film, est une enfant extraordinaire. Elle est tout de suite dans le jeu, dans l’émotion. Il me suffisait de la regarder dans les yeux pour sentir la réalité de la situation. Je n’ai pas abordé cette scène en me disant que j’allais chanter, mais en jouant le sentiment qu’impose la situation. J’ai juste laissé parler mon corps.
Par contre, «Le temps de l’amour» était plus difficile parce que je me suis dit que j’allais chanter ! Je me sens beaucoup plus comédienne que chanteuse. J’ai donc dû me remettre dans le contexte de toutes ces belles choses que j’avais à dire à Leïla : «Profite, c’est maintenant ton temps !».
Comment avez-vous travaille avec vos partenaires ?
Audrey a le don de choisir les bonnes personnes. Sans verser dans l’image- rie d’Epinal, l’ambiance était géniale. Le fait d’avoir préparé le film pendant plusieurs mois avant le tournage a permis de créer de vrais liens. Leïla, Benjamin et Cécile ont été de magnifiques partenaires. Nous avons tous des personnalités différentes, atypiques, des caractères très marqués.
Leïla est hyper juste. Pendant les prises, elle est d’une précision remarqua- ble sur l’émotion du jeu et en dehors, on rigole beaucoup. Travailler avec elle est donc hyper agréable. Benjamin me faisait souvent penser à mon petit frère. Tout le temps sur la retenue mais très attentif aux autres, généreux dans son jeu, présent. Il donne beaucoup, même s’il est moins exubérant que nous toutes.
J’ai peu de scènes avec Cécile, mais j’avais eu le plaisir de répéter avec elle et je l’ai vue jouer. Elle est hallucinante. Elle sait tout faire : jouer et danser magnifiquement, chanter à donner des complexes à tout le monde ! Elle est géniale !
Quel souvenir garderez-vous de cette aventure ?
Ce film est arrivé au bon moment dans mon parcours. Tout est à sa place, de ma relation avec Audrey aux rencontres que j’ai faites, en passant par l’histoire qui trouve un véritable écho en moi. Le film m’a en plus permis d’expérimenter la danse et le chant, mais avec du sens. Je suis heureuse d’avoir eu la chance de participer à ce projet. Lorsque le tournage s’est achevé, il a fallu que je fasse mon deuil de Tina et de toute l’équipe. J’ai l’impression de connaître Leïla, Gab et Alexandra. J’ai l’impression que toute la joyeuse bande du salon de coiffure fait partie de ma famille. C’est un film qui parle d’amour et de dignité comme on le fait rarement. En tant que spectatrice, c’est le genre de film que j’espère. J’adorerais découvrir ce film ! Le travail d’Audrey associe l’émotion, un vrai point de vue et une approche qui fait décoller le tout. Les gens comme elle sont essentiels." La suite sur Commeaucinéma.com
Source : http://www.commeaucinema.com/notes-de-prod/toi-moi-les-autres,174352-note-83907