Magazine Enfants

Jouets dangereux : "La meilleure pression sur les fabricants, c'est de privilégier la qualité sur la quantité"

Publié le 16 janvier 2011 par Lilimome

Le tapis-puzzle a été interdit à la vente pour une durée de trois mois, lundi 13 décembre.

Le tapis-puzzle a été interdit à la vente pour une durée de trois mois, lundi 13 décembre.AFP/ISABELLE WIRTH

Je ne me foule pas aujourd'hui, et je vous retransmets telle quel une interview fort intéressante d'Elisabeth Ruffinengo, chargée de mission à l'association WECF (Women in Europe for a Common Future) au Monde.

Comment peut-on savoir si un jouet est dangereux ou pas pour son enfant ?

A priori, il n'y a pas de solution à donner en une phrase, c'est difficile. Il faut regarder d'abord s'il y a des logos autres que le logo "CE", qui n'est pas un gage suffisant de sécurité au niveau des jouets. Il faut chercher des indications telles que "sans phtalates", "sans PVC", "spiel gut" ou "œkotex" pour les textiles.

On peut aussi se fier à l'indication "GS". Mais cette liste n'est pas exhaustive.

Les composants ne sont généralement pas mentionnés sur les jouets. C'est un problème, non ?

C'est une différence entre jouets et cosmétiques, par exemple. Pour les cosmétiques, il y a la liste de tous les ingrédients du produit. C'est souhaitable pour les jouets, cela permettrait aux parents de se repérer plus facilement.

Au niveau de l'étiquetage, il faut attendre l'émergence d'un écolabel au niveau européen, qui soit plus exigeant. On a déjà des labels nationaux, comme le label allemand "Ange bleu" ou le label "NF environnement" pour les jouets.

Le guide jouets que nous avons édité donne plus de détails, on y donne des conseils généraux sur la manipulation des jouets, sur les gestes simples à faire pour réduire les risques.

J'ai moi-même passé beaucoup de temps à jouer avec des enfants sur un tapis de ce type. Le risque est-il important en cas de simple contact avec la peau ?

Ce produit peut causer des irritations de la peau. Ensuite, tout dépend du tapis lui-même, puisqu'on n'a pas de certitude sur le fait de savoir si tous les tapis-puzzles sont concernés. Il faut attendre les résultats des tests en cours en France pour le savoir. Mais a priori, on ne peut pas exclure ni rendre systématique le risque lié au formamide, une substance qui est reprotoxique – elle perturbe le système reproducteur. Elle est classée comme telle par l'Union européenne.

Les autres risques sont des allergies, des irritations de la peau et des yeux et des troubles des voies respiratoires.

Le système Rapex avait épinglé ces puzzles, mais à cause de la taille des éléments qui les composent, des petites parties, qui peuvent être ingérées. Si en plus il y a ingestion d'une partie d'un puzzle, c'est d'autant plus dangereux.

La suspension de la vente des tapis-puzzles témoigne-t-elle d'une implication nouvelle du gouvernement français sur le sujet ?

Il existe des politiques de santé publique en Europe et en France qui doivent prendre en compte les impacts de l'environnement sur la santé. Il y a le Plan national santé environnement en France, qui vise les populations vulnérables, les enfants en premier lieu.

Toute une partie est dédiée par exemple à la qualité de l'air intérieur, à l'étiquetage des cosmétiques pour enfants, etc. Ensuite, il faut traduire ce plan en actions, il faut mettre le plan en œuvre, et on voit encore malheureusement que les pouvoirs publics réagissent à un problème plutôt que de prévenir les atteintes à la santé de l'enfant liées à l'environnement.

On peut souligner quand même qu'il y a un progrès au niveau des objectifs politiques affichés, et ensuite il faut que ces objectifs se traduisent par des mesures concrètes.

J'ai l'impression que les alertes aux consommateurs sur les jouets dangereux sont d'abord lancées par des associations. N'est-il pas temps que le gouvernement se saisisse de ce sujet ?

Si, bien sûr, il est temps. On peut voir que malheureusement, c'est une réaction plutôt qu'une prévention qui est faite. A un moment, un produit est montré du doigt, ce qui débouche sur un retrait du marché.

Mais il faudrait dépasser la démarche substance par substance et produit par produit. Je pense notamment au bisphénol A et aux biberons. Nous souhaiterions que le principe de précaution soit appliqué aux politiques de protection de la santé, notamment de la santé de l'enfant. Et sur le thème des puzzles en mousse, je m'interroge sur le silence du ministère de la santé, sur le fait qu'il n'y a pas eu de déclaration ou d'action commune des deux ministères : protection du consommateur et ministère de la santé.

Sur ce thème des jouets, l'Allemagne, en tant qu'Etat membre de l'Union européenne, demande officiellement une révision de la directive européenne "sécurité des jouets" adoptée en 2009, sur le thème des substances chimiques, dont plusieurs sont ciblées par cette demande.

Les jouets des marchés de Noël, souvent achetés en gros dans des entrepôts, répondent-ils aux normes CE ?

On ne peut pas a priori les taxer d'être plus dangereux que d'autres. Il se peut que certains n'aient pas de marquage CE. Dans ce cas, évidemment, il ne faut pas les acheter.

Ensuite, il est difficile de connaître la composition d'un jouet a priori sans test, puisque les tests réalisés par exemple en Allemagne récemment ont montré la présence des substances dangereuses dans des jouets à la fois plutôt chers et dans des jouets très bon marché.

Quid des bracelets en silicone tant à la mode en ce moment dans les cours d'école ?

Certains produits, comme les accessoires de mode pour enfants, ne sont pas considérés comme des jouets. Je ne sais pas si ces bracelets sont considérés comme des jouets.

Si ces bracelets sont en silicone alimentaire, comme le dit l'internaute, celui-ci est vraiment très sûr. Un conseil : nous vous invitons à envoyer au distributeur du produit une lettre, dont nous proposons un modèle sur notre site Internet, pour savoir si le produit contient certaines substances chimiques identifiées par la réglementation européenne sur les substances chimiques.

Comme ils sont en plastique mou, on pourrait trouver dans ces bracelets des phtalates, qui sont des assouplissants du plastique connus pour perturber le système hormonal. Mais seul un test peut permettre de déceler la présence de phtalates dans ce produit.

Ne pensez-vous pas qu'interdire ces "tapis-puzzles" est une goutte d'eau dans la mer car les substances nocives sont omniprésentes dans la vie quotidienne des enfants ?

Evidemment, les substances nocives sont omniprésentes dans l'environnement de l'enfant. Mais cette mesure est un signe encourageant qui montre que les pouvoirs publics peuvent agir très vite, et pour nous, c'est plutôt un signe positif.

Les parents peuvent aussi agir pour exiger des politiques plus protectrices de la santé de l'enfant, notamment en soutenant les associations qui agissent dans ce cadre au quotidien.

Nous vous invitons à vous renseigner sur les ateliers "nesting" que nous proposons sur notre site projetnesting.fr.

Cette polémique alimente le discours protectionniste anti-chinois. Mais les fabricants européens et français sont-ils insoupçonnables?

C'est une bonne question. Nous ne souhaitons pas associer la dangerosité d'un produit à sa provenance géographique. Actuellement, plus de 90% des jouets vendus en Europe sont fabriqués en Asie, principalement en Chine, mais les fabricants chinois et asiatiques développent aussi de bonnes pratiques.

Des entreprises françaises s'engagent aussi dans l'éco-conception et proposent des produits plus sûrs. Sur la question du protectionnisme, je voudrais dire que quel que soit le pays, il nous apparaît important de privilégier des produits locaux, de qualité.

Par exemple, imaginons une entreprise qui est dans le Jura et qui fabrique des jouets en bois brut à partir de bois locaux qui seront non vernis et donc auront une haute qualité.

Certains jouets en bois sont-ils dangereux ? Et si oui, lesquels ?

Pour le bois, le risque qu'on peut y associer, c'est la présence dans le bois de colles contenant du formaldéhyde, c'est-à-dire du bois contreplaqué. Le formaldéhyde est un cancérigène, et notamment un irritant des voies respiratoires.

Pour le bois, il faut vérifier aussi que les peintures sont de qualité alimentaire, qui seront plus sûres que d'autres. Il faut donc privilégier des jouets en bois brut ayant été peints avec des peintures alimentaires.

Il existe de nombreux sites de vente de jouets écologiques : par exemple Natiloo, Jeujouethique ou Lethichou.

Un rapport récent a souligné le caractère dangereux des lampes LED blanches et bleues pour les enfants. Pourtant, les hypermarchés continuent à en vanter les mérites. Qui croire, que faire ? Faut-il jeter les guirlandes achetées l'année dernière pour décorer le sapin ?

Il ne faut pas utiliser les LED en lampe de chevet. Ni les LED ni les ampoules basse consommation.

Comment faire pression sur les fabricants pour les contraindre à ne plus utiliser de substances toxiques ?

Tout d'abord, en tant que parents, en s'informant. Et la meilleure pression est de privilégier la qualité des jouets sur la quantité. Je parlais tout à l'heure des modèles de lettres à envoyer aux fabricants et aux distributeurs. C'est l'une des actions que peuvent avoir les parents pour montrer qu'ils sont attentifs au contenu des produits.

Plus il y aura de demandes de la part des consommateurs, plus les fabricants verront un intérêt sanitaire et économique à fabriquer des produits répondant à leurs attentes. Il faut souligner que cela reste difficile pour la grande majorité du grand public de s'informer en profondeur sur ce thème, mais c'est la seule façon à ce jour de faire pression. Il faut aussi poser des questions.

Est-il possible d'imposer des normes "écolos" pour les jouets ?

La France élabore actuellement un référentiel pour la marque "NF environnement jeux et jouets" qui ira bien plus loin que la directive européenne.

Une façon de faire pression est de privilégier l'achat de jouets écologiques, plus sains, et labellisés de manière indépendante. Je vous invite à consulter notre guide jouets, qui donne des conseils en la matière. Une fois que la réglementation est votée, la marge de manœuvre est déjà plus réduite. C'est pourquoi il est important de soutenir l'ensemble des ONG qui agissent en amont, lors de la prise de décision sur les réglementations.

Dans quels autres produits – jouets ou pas – trouve-t-on ce formamide dont on n'avait jamais entendu parler ?

Le système Rapex avait rappelé en 2006 une veste en cuir qui contenait des taux élevés de formamide. C'est la seule indication sur cette substance que j'ai. Malheureusement, actuellement, sur le marché, il y a un très grand nombre de substances chimiques utilisées, et il est difficile d'en avoir un inventaire complet.

On peut encourager les citoyens à demander à leurs élus locaux, pourquoi pas, la mise en œuvre de la réglementation Reach adoptée en 2006, qui vise entre autres à informer le consommateur sur les substances chimiques dangereuses présentes dans les produits de consommation courante.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Lilimome 10 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog