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Le pouvoir fait-il perdre le bon sens?

Par Citoyenhmida

Le départ, pour le moins précipité, du président tunisien Ben Ali, s'inscrit dans la droite ligne de l'histoire des dirigeants en déphasage avec leur peuple.

Les dernières décennies ont en effet vu un certain nombre de dirigeants autocrates abandonner le pouvoir et quitter leur pays, la queue entre les jambes, mais les poches surement pleines de billets verts.

On peut en citer, au hasard, sans prétendre à l'exhaustivité :

Joseph Désiré Mobutu, le zaïrois
Jean-Claude Duvalier, le haïtien,
Idi Amin Dada, l'ougandais,
Ferdinand Marcos, le philippin,
Haïlé Miriam Mengistu, l'éthiopien,
Jean-Bedel Bokassa, le centre-africain,
Alfredo Stroessner, le paraguayen,
Anastasio Somoza Debayle, le nicaraguayen.

Après des années de pouvoir absolu auquel ils ont le plus souvent accédé par la force, ces dictateurs ont fini par lâcher ce à quoi ils tenaient le plus, le pouvoir. La richesse, qui en découlait, ne semblait pas les intéresser autant que le pouvoir lui-même. Cette richesse profitait en fait plus à leurs proches et au premier cercle de leur cour.

Pourtant, ces déchéances, souvent pathétiques et parfois consécutives à des événements dramatiques pour leurs populations, n'ont jamais servi de leçon aux autres candidats-dictateurs qui ont suivi, soit sous les mêmes cieux soit ailleurs.

Cette méconnaissance historique ou peut-être cette amnésie sélective chez les dictateurs m'a toujours interpelé.

Comment des personnes relativement intelligentes ou du moins suffisamment roublardes pour comploter, magouiller, tisser des réseaux, monter les alliances les plus improbables, peuvent-elles perdre tout sens de la mesure et tout discernement dès lors qu'il s'agit de leur propre situation.

Le philosophe roumain Emil CIORAN a pu ainsi dire à propos des tyrans qu'ils " ont une grande connaissance des hommes. Ce ne sont pas des idiots. Ils savent exactement comment on manipule les peuples. On ne peut être à la fois un tyran et un imbécile. "

La seule explication que je trouve à cet autisme est cette constatation de MACHIAVEL, formulée dans " LE PRINCE " il y a de cela bientôt cinq siècles:

" Le pouvoir corrompt ; le pouvoir absolu corrompt absolument ".

Pour appréhender le sens de cet aphorisme, il faut bien cerner le sens de " corrompre ". Le sens de " corrompre " ici est " altérer ", " changer l'état naturel de quelque chose en le rendant mauvais " ou encore " provoquer le pourrissement, favoriser la décomposition ".

Ce vocable recèle comme une connotation particulière et expliquerait que le comportement des dictateurs relèverait donc plus d'une pathologie liée l'exercice du pouvoir.

Cette pathologie a été mise en évidence par David OWEN dans son ouvrage " In Sickness and in Power ". se caractérise par " la perte du sens des réalités, l' intolérance à la contradiction, les actions à l'emporte-pièce, l'obsession de sa propre image et l'abus de pouvoir ".

Ces symptômes, que l'on peut observer à des degrés divers chez la plupart des dictateurs, sont le signe de ce que les spécialistes nomment " le syndrome d'hybris ". Il faut rappeler que l'hybris doit être entendu comme le " mouvement fautif de dépassement de la limite ".

Doit-on penser que les dictateurs ne sont pas des personnes saines d'esprit ? Surement, ou du moins ce sont des individus qui n'ont jamais pris en compte cet enseignement de Blaise PASCAL: " Surtout ne vous méconnaissez pas vous-même en croyant que votre être a quelque chose de plus élevé que celui des autres [...] Car tous les emportements, toute la violence, et toute la vanité des Grands vient de ce qu'ils ne connaissent point ce qu'ils sont ".

P.S. : Au moment où je finis la rédaction de ce petit billet, j'entends à la télévision le retour à Haïti de Jean-Claude Duvalier, le dictateur haïtien qui avait mis à feu et à sang son pays après l'avoir pillé. Est-ce là le comportement d'une personne sensée ?


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