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Daddy est mort, retour à Sarcelles, d'Insa Sané

Publié le 18 janvier 2011 par Onarretetout

daddyestmort_001Insa Sané écrit pour toi. Il écrit comme on raconte à voix haute, il écrit pour un lecteur qu’il ne va pas lâcher pendant plus de 250 pages, lui rappelant que lui, lecteur, est assez bien placé pour comprendre ce qui se passe. Mieux placé sans doute que les protagonistes eux-mêmes. Toi, lecteur, tu es tantôt cousin, frère, frangin, ami, soce, et même une fois sœurette.

Il écrit comme il parle alors ? Non, pas tout à fait. Il écrit comme il chante. Il y a de la musique partout. Pas seulement dans la bande son en page de garde du roman, pas seulement en ouverture de chaque chapitre. Au cœur même du texte, il y a de la musique. Parfois c'est scandé comme un rap, parfois, c’est une phrase d’une chanson qui s’introduit dans le récit. Et, comme dans une sorte d’opéra, des phrases reviennent, autour desquelles se construit l’histoire.

Et elle est bien ficelée, cette histoire ! Elle te balade du 19e arrondissement de Paris à la banlieue Nord, dans des endroits qui te deviennent presque familiers, si tu as mis une fois les pieds dans une ville de banlieue ou une cité. L’auteur évite les évidences et les facilités. Il raconte une histoire d’avant l’euro (mais ça, il a l’air de ne pas s’en préoccuper : l’argent, qui est parfois évoqué, on n’en voit jamais la couleur), une histoire d’avant les grèves de 1995 contre le Plan Juppé. Ça s’inscrit dans un contexte social bien marqué et il y a quelques pages qui te disent ce qui se passe dans la tête d’un jeune qui part en guerre contre un autre quartier et qui se terminent comme ça : « Et si ce gars piégé c’était toi, frangin, m’en veux-tu ? Voudras-tu la revanche, le pardon ou l’oubli ? » Ce chapitre, intitulé « Les braves, les barges et les couards », est construit d’une façon remarquable : il assimile les titres de la collection Exprim’ de l’éditeur (autopromotion quand tu nous tiens !), il cite même La Fontaine (Le loup et l’agneau), Shakespeare (Hamlet), et d’autres, il nomme les villes, les quartiers, il évoque les jeunes, les parents, il dit que les jeunes s’inventent des blases pour ne pas porter le nom que leurs parents leur ont donné, comme si c'était la rue elle-même qui les baptisait, et il te saisit, toi, lecteur, et te met au beau (?) milieu de tout ça. Tu ne peux pas faire comme si tu n’avais rien vu.

Mais ce n’est pas un livre de sociologie. Il y a un jeune homme qui meurt, Daddy. Tu vas apprendre à le connaître, lui et ses amis, et le voir disparaître. Et l’auteur ne te lâchera pas tant que tu n’auras pas compris ce qui s’est passé, pourtant là, sous tes yeux.


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