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Surveiller et agir : la maîtrise de l'environnement stratégique

Publié le 11 octobre 2010 par _

 

Il est communément admis que notre environnement est quelque chose d'incontrôlable car extérieur, quelque chose qui échappe à notre pouvoir. Ainsi la dernière crise économique, l'explosion de la plate-forme pétrolière de BP au large de la Louisiane, etc. Mais en réalité ce constat d'impuissance après-coup n'exprime pour moi qu'un manque de pensée stratégique. L'environnement est quelque chose qui peut et doit être maîtrisé, c'est précisément ce en quoi consiste l'adaptation. L'adaptation n'est pas une réponse ad hoc à une agression extérieure, c'est la construction préventive d'un lieu de pouvoir. S'adapter à un environnement consiste à faire en sorte que l'on dispose de leviers d'action au sein de cet environnement. Un environnement maîtrisé est un environnement sur lequel on peut agir. Veiller ou surveiller cet environnement ne sert donc à rien si on n'organise pas, parallèlement, des voies d'influence et d'action. Les Etats-Unis d'Amérique par exemple, en disposant de personnes de confiance dans la plupart des grandes institutions mondiales, s'assure de puissances d'actions non négligeables. De même Wall Street, en ayant financé pour une large part la campagne de l'actuel président américain Barack Obama, s'est sans doute assuré aujourd'hui d'éviter la taxation de la finance.

La maîtrise de l'environnement consiste en deux pouvoirs : le pouvoir de surveiller et le pouvoir d'agir. Ces deux pouvoirs ne naissent pas comme ça, ils doivent être construits dans le cadre d'une stratégie de maîtrise de l'environnement, ou « éco-stratégie[1] ». Nous allons voir à présent en quoi une telle stratégie peut consister.

Il n'aura pas échappé au lecteur que j'associe « stratégie de maîtrise de l'environnement » et « pouvoir », et que je fais directement référence par là à un des plus grands penseurs du pouvoir, à savoir Michel Foucault, et son ouvrage : Surveiller et punir. Beaucoup de parallèles peuvent d'ailleurs être fait entre le « dressage » des individus dans les sociétés que Foucault décrit et le dressage des salariés dans une entreprise. Mais ce n'est pas de cela dont je veux parler ici. Ce que j'ai appelé « éco-stratégie » ne consiste pas pour une entreprise à discipliner ses collaborateurs par la surveillance et la sanction (ça c'est le rôle du management qui peut être plus ou moins respectueux de la personne humaine), cela consiste à organiser un réseau utile à l'extérieur de l'entreprise afin de disposer de relais informationnel et d'influence au sein de l'environnement. Il s'agit bien de construire un pouvoir mais un pouvoir non coercitif ; le vrai stratège n'est pas un manipulateur, c'est un agent coopérant qui respecte son environnement et le comprend.

La première étape de toute éco-stratégie est donc de comprendre son environnement. Cela signifie, pour une entreprise : identifier les intérêts et le fonctionnement des concurrents et des parties prenantes (Etats, collectivités, clients, associations, société civile, etc.). Pour ce faire, une certaine empathie est nécessaire, il faut savoir se mettre à la place de ces éléments de l'environnement afin d'apercevoir au final le rapport qu'ils peuvent entretenir avec l'entreprise pour laquelle on travaille. Un réseau devra se constituer, un réseau informationnel, où il faudra organiser un système d'échange d'informations sur le mode du donnant/donnant avec les personnes de l'environnement qui détiennent des informations stratégiques.

Une éco-stratégie demande en second lieu d'aménager des leviers d'action afin de peser sur la vie de cet environnement. Un deuxième réseau qui sera un réseau d'influence devra alors se mettre en place. La constitution de ce réseau sera plus complexe car la matière qui est échangée n'est plus de l'information mais de l'influence et de l'action. On fait quelque chose en échange d'une autre action qui sera avantageuse pour l'organisation que l'on représente. Il ne doit pas s'agir pour autant de chantage car le chantage cela ne marche qu'une fois ; ici on veut construire des leviers d'action pérennes au sein d'un réseau de confiance. Il faut trouver des terrains d'entente où chacun y trouve son intérêt. C'est, pourrait-on dire, le réseau diplomatique. Dans ce réseau on négocie de l'influence et des marges d'action.

La maîtrise de l'environnement passe donc par la constitution de deux réseaux : un réseau informationnel qui définit un pouvoir de surveiller, et un réseau diplomatique qui définit un pouvoir d'agir. Il faut prendre garde à ne pas confondre ces réseaux avec, d'une part, l'espionnage et, d'autre part, le chantage. Pour durer, ces réseaux doivent être placés sur le mode de la coopération et du donnant/donnant. Si l'autre partie vit l'échange d'information ou d'influence comme une agression, le réseau n'existe plus et la désinformation et le mensonge deviennent la règle. L'environnement que l'on voulait maîtriser devient alors encore plus incontrôlable et on aura perdu sur toute la ligne. Autre remarque : on ne partage pas et on ne promet pas n'importe quoi sur un réseau. Avant de mobiliser un membre du réseau, il est important de savoir ce que l'on peut donner et ce que l'on ne peut pas donner. La protection de l'information sensible doit rester la règle.


[1] « Eco-stratégie » est à comprendre comme stratégie de l'oikos, c'est-à-dire stratégie du foyer, du chez-soi, du lieu de vie.


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