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Morricone island

Publié le 21 janvier 2011 par Bertrand Gillet

Quand Ennio dégainait des BO pop

Morricone island
"Vous voyez, le monde se divise en deux catégories, ceux qui tiennent la plume et ceux qui les écoutent ; vous, vous écoutez". A l’occasion de vacances romaines au combien stimulantes sur les pas invisibles du grand Stendhal, je me suis replongé dans l’œuvre d’un compositeur pas vraiment rock. Non. Mais un musicien dont le nom résonne éternellement dans notre inconscient collectif : Ennio Morricone. Un nom. Associé à un autre, celui de Sergio Leone, le résultat est détonnant. Un nom donc. Une œuvre. Ce que l’on appelle communément la musique de film ou bande originale. L’appellation pourrait paraître triviale. Il n’en n’est rien chez ce compositeur qui semble en fait étroitement lié au monde émergeant de la pop. Dès 1964 avec le premier épisode de la trilogie de l’homme sans nom, Pour une poignée de dollars, il invente une grammaire musicale en totale adéquation avec les images de Sergio Leone. Mieux,la musique s’apparente à un dialogue, une réplique permanente à la force visuelle surgie du cerveau bouillonnant du mythique metteur en scène italien.Malin, il reprend les codes du rock, ces guitares aiguisées qui feront le miel du courant psychédélique américain deux ans plus tard, mais aussi les artifices de la pop à travers des arrangements fastueux. Une pop sans parole donc. Chœurs,cordes et autres percussions constituent les étages d’un édifice complexe qui constituera sa signature pendant sa période westernienne. Cette formule d’une modernité sans équivalent à l’époque, il la déclinera sur Et pour quelques dollars de plus, Le bon, la brute et le truand puis sur les deux premiers volets de la trilogie américaine : Il était une fois dans l’ouest et Il était une fois la révolution. Un cycle s’achève et les futures BO emprunteront ensuite des thèmes plus symphoniques. Ce que le quidam ignore, c’est que de nombreux autres réalisateurs déclinèrent le style Leone ; certains allèrent même jusqu’à demander à Morricone de signer la musique de leurs métrages. Ce qu’il fit. Le plus admirable tient dans la qualité, l’inspiration de nombreuses partitions écrites pour des réalisateurs de seconds rangs qui malgré tout brillèrent par leur inventivité. La caution Ennio Morricone contribua à faire de ces quelques films des petits classiques du genre. Comment passer à côté de chefs-d’œuvre comme Colorado et Le dernier face à face signés Sergio Sollima. La musique s’y fait intense. Comme ce cor vrombissant qui scande le thème du duel dans Colorado (et repris trente deux ans plus tard par Tarantino dans Inglourious Basterds) ou l’orgue tout en nappes qui illumine l’ouverture du Dernier face à face. Sur le thème principal de Death rides ahorse de Guilio Petroni, une flûte virevoltante annonce les envolées de Ian Anderson, leader poilu de Jethro Tull. Autre collaboration fructueuse, le tandem qu’il constitue avec Sergio Corbucci, auteur du fameux Django. Morricone signe la mélodie mortuaire de son classique absolu, Le grand silence. On sent déjà les influences classiques, les guitares se faisant rares, voire même absentes. Avec Le mercenaire, Morricone retrouve les motifs mexicains qui firent son succès quelques années avant. Cette mélodie sublime, emprunte d’une profonde nostalgie, colle à merveille à la scène finale, duel entre le génialement photogénique Franco Nero, moustache en u que ne renierait pas Lemmy Kilmister, et le méchant Jack Palance. Duel au soleil, dans une arène, scope littéralement saisissant alors que le sifflement virtuose a laissé place à des cuivres puissants, portés par les percussions vengeresses et les chœurs célestes. Pour tout dire, ces trompettes rutilantes semblent avoir laissé des traces : souvenez-vous des arrangements somptueux qui émaillent lechef-d’œuvre de Love, Forever Changes. Et c’est là où je veux en venir. La musique d’Ennio Morricone représente une influence majeure pour tous les musiciens pop qui surgissent alors, dans cette période faste de la fin des sixties. Qu’il s’agisse d’institutions du rock ou de groupe bis, le style Morricone est partout. En témoignent les entrelacs hispanisants qui se déroulent dans l’unique album de C.A. Quintet, Trip Thru Hell en 1968. Ecoutez donc Colorado Morning pour vous en convaincre. Quant aux guitares acides, elles donneront leur nom à un mouvement né à San Francisco, l’acide rock. Le années passant,de nombreuses formations ont digéré ces influences : TV Personnalities, The Apartments, Belle & Sebastian. Mais c’est dans la musique des Coral quel’on perçoit le mieux la patte morriconienne. Don't Think You're The First, A Warning To The Curious ou plus récemment Roving Jewel. La boucle est bouclée quand des rockeurs utilisent le terme cinématographique pour évoquer leur musique. Sans doute parce qu’elle ouvre des panoramiques incroyables à l’image de ces plans complètement fous où les yeux de Clint Eastwood, alias l’américain, le manchot ou blondin, investissent les moindres recoins de l’écran. Oui, d’une certaine manière Ennio Morricone fut pop entre 1964 et 1973.Visionnaire, il demeure le maître incontesté d’un genre qu’il sut transcender comme le français François de Roubaix, montrant que la vieille Europe pouvait encore imposer à la pop culture anglo-saxonne ses partis pris radicaux.

Colorado, de Sergio Sollima :

http://www.youtube.com/watch?v=E6GBLllg4tE&feature=related

Death rides a horse, de Guilo Petroni :

http://www.youtube.com/watch?v=Ff-kQ-UmflA

Le mercenaire, de Sergio Corbucci :

http://www.youtube.com/watch?v=_MR8j4DmZM

The Coral :

http://www.youtube.com/watch?v=BmJ_FZUA014&ob=av2em

http://www.youtube.com/watch?v=0INSxBPwNEM




21-01-2011 | Envoyer | Déposer un commentaire | Lu 1494 fois | Public
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