LEGEND OF A SUICIDE
( SUKKWAN ISLAND )
Une lecture très perturbée par des tentatives de trouver la faille, le hic, un truc dans ce livre qui était censé me retourner - un truc amusant en plus, avais-je cru comprendre...
... mais commençons par le commencement!
Ce livre, je le vois partout sur la blogo depuis un moment, et les lecteurs ne tarissent pas d'éloges à son sujet. Je sais vaguement que ça se passe en Alaska, que c'est l'histoire d'un jeune ado, qu'il y a un suicide... Tout cela me parle moyen, voire pas du tout... Il y a des thèmes comme ça, on sent tout de suite si ça nous correspond ou pas, même si on ne doute pas une seconde que l'histoire ait pu emballer d'autres lecteurs.
Sauf que bon, je suis curieuse quand même, et faible face aux arguments enthousiastes. Un jour, je passe en librairie, et oooh, je tombe sur ce livre en VO, et ma foi, son épaisseur m'encourage, ce livre fait quelques 200 pages, du lu en moins d'une semaine, quoi... Au pire, une semaine de souffrance si je ne rentre pas dedans, me dis-je.
Je commence, et là, ben, au début il ne se passe rien de particulièrement transcendant mais rien de rebutant non plus (rien, quoi
). Un jeune ado qui raconte l'histoire de sa famille, le divorce de ses parents, du banal au premier coup d'oeil... bon...J'arrive au chapitre "Sukkwan Island", et là, je sens que le récit prend un autre ton, il s'ouvre comme un conte, on rentre dans un autre univers, quelque chose de différent en ressort, je me sens bercée par le talent de conteur de l'auteur, mais je ne suis toujours pas transcendée pour autant, juste, cette nouvelle partie se laisse lire très agréablement.
C'est alors que je retrouve Cryssilda qui a adoré ce livre et qui me dit "alors, alors?" - et moi, "ben... rien, pour l'instant". Elle feuillette mon livre, me demande où j'en suis, apparemment je parle de choses qu'elle n'aurait pas lues. Je crois comprendre déjà, par ses mimiques étonnées, que le père meurt différemment, et là j'apprends que la version française commençait par la partie "Sukkwan Island" (en gros, je m'étais tapée des pages pour rien...). Le début que j'aurais lu correspondait à la "réalité", et avec "Sukkwan Island", on rentrait dans la fiction. Aaaah?? Intrigant tout ça... ! Bien, bien, l'espoir renaît, d'autant plus qu'en feuilletant le livre, elle s'arrête à une page et fait "aah oui... mmmh... c'est moins amusant en anglais". Moi de suite, "quoi qu'est-ce?" et là, silence radio, "non non tu verras" - "oui mais ça veut dire quoi?" - "mmmh... non c'est une question de pagination... mais il se passe un truc, tu pourras pas passer à côté." Moi, on me dit des trucs comme ça, forcément, regain d'intérêt, curiosité, harcèlement pour avoir plus de détails... mais, nada, je n'ai pas pu en savoir plus.
Je lis donc dans mon coin, hantée par la découverte de ce truc qui me fera trouver l'auteur génial, et quand je tombe dessus, oui, j'ai un léger choc dans ma tête, c'est que c'est assez inattendu - d'ailleurs je tiens à préciser que la pagination n'aurait rien changé pour moi car j'ai relu le truc deux ou trois pour être sûre - et ce, d'autant plus que la première partie (inexistante en français donc) ne me laissait pas du tout imaginer cette tournure des événements.
Sauf que d'autres courts chapitres suivent celui de "Sukkwan Island", ceux-là non intégrés dans la version française si j'ai bien compris, et ça m'a un peu perturbée car du coup je me demandais si j'étais bien tombée sur LE truc ou si c'était à venir, et surtout, quelle était la réalité dans tout ce mic-mac.
En fin de compte et avec le recul, je vois ce récit comme un "conte" sur la mort, conte car, malgré le glauque et le tragique de situation, il y a quelque chose de beau, d'émouvant, de fort, et même de comique, qui ressort de cette histoire. On sent qu'à travers sa petite farce qui ressemble à un règlement de comptes assumé, l'auteur a fini par accepter le suicide de son père et a pris sa revanche sur cette fatalité, et vu sous cet angle-là, on comprend mieux la construction de ce récit et son développement. J'ai trouvé ça très beau cette manifestation d'amour filial à coups de non-dits, de malentendus, de maladresse, de remords... tout ceci est évoqué par l'auteur avec justesse, finesse et humour.
Au-delà du récit, ce qui me touche, c'est ce processus de deuil étalé sous nos yeux sans pesanteur, l'idée que, pour pouvoir accepter ce qui nous dépasse, surtout quand cela tend à nous culpabiliser, on puisse se persuader d'une autre réalité, refaire l'histoire en quelque sorte pour pouvoir prendre sa revanche sur l'inexplicable et l'irréversible, et se rendre justice au passage.