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Les meilleurs films 2010, selon les autres et d'autres faits et gestes du cinéma

Publié le 22 janvier 2011 par Petistspavs

inrocks2En écoutant le CD accompagnant le numéro des Inrocks 2 consacré à Clint Eastwood (très beau numéro, déjà nostalgique, très documenté, doté d'une iconographie impeccable de la dernière icone de l'Hollywood classique) je me demandais si le Clint compositeur (depuis Unforgiven (Impitoyable),  presque tous les films sont accompagnés d'au moins un titre écrit, parfois interprété par Clint, et HereAfter ne faillit pas à la règle) n'était pas simplement sous l'influence d'Ennio Morricone, comme il est resté longtemps sous celle, paternelle, de Sergio Leone (puis Don Siegel, qui, lui-même était un frère d'arme de Leone).

Il y a dans certaines plages de Morricone comme l'annonce des espaces musicaux larges au sein desquels la musique ténue de Clint (un accord de guitare, une volée de touches de piano) s'envole et se déploie du mode très mineur, fragile, au mode, parfois concertant, parfois symphonique, épousant le cinémascope. Ça rappelle le héros létal dont l'image peine à vivre, tremblante et minuscule au début, dans le fond de l'écran (ça ne s'appelle pas la 3 D, mais la profondeur de champ), avant se s'approcher sans précipitation, puis s'imposer au tout premier plan, mortel et beau, comme ton pire cauchemar.

Pour l'exemple et le plaisir nostalgique, le générique de fin de Million dollar baby.

VOIR UN FILM SANS PAYER ET SANS TÉLÉ

Un cinéma qui n'entretient plus aucune relation avec le succès, la mode ou le financement, on en trouve sur le Net. Je vous ai présenté, sans grand succès à voir les chiffres de fréquentation de ce blog, il y a quelques jours, un film de Jean Genet Un chant d'amour, qui est beaucoup mieux qu'un chef d'oeuvre, un essai d'accorder le cinéma au monde fantasmatique de l'auteur, sans autre ambition artistique particulière.

Alice_Liddell_by_Lewis_Caroll
Je vous propose aujourd'hui de découvrir sur l'excellent site de VOD payant MUBI (mais là, c'est gratuit, il vous faudra éventuellement créer un compte mais c'est sans risque), la première adaptation cinématographique de l'Alice de Lewis Caroll. Assez loin de la 3 D de Burton, voire de la fantaisie surréaliste friquée et réussie des studios Disney, voici un film des origines, restauré (avec colorisation d'époque) et qui nous renvoie à la modestie du message cinématographique. Un cinéaste suisse célèbre mais boudé par les spectateurs et délaissé par une partie de la critique qui ne le comprend plus, affirmait dans une sentence à laquelle j'adhère entièrement ; "le cinéma n'a rien à dire mais tout à montrer" (JLG).
Ce film plutôt court de 1903 montre, illustre et, en montrant le fantasme onirique de Caroll, l'objective. Le charme de ce petit film (qui n'a, certes, rien d'un chef d'oeuvre) est celui des bonbons anciens (pour moi, forcément parfumés à la violette) dont le goût s'est égaré dans les trous abyssaux de notre mémoire. Les hématomes laissés par le temps sur la pellicule attirent ces images évanescentes vers un psychédélisme  de l'innocence.
Ce film de Cecil Hepworth, cinéaste enseveli dans les plis du temps, vous coûtera 10 mn d'attention. Non intégrable dans ce blog sous forme de lecteur vidéo, Alice in Wonderland (1903) peut être vu en cliquant sur la photo d'Alice Riddell, photographiée par Lewis Caroll, inspiratrice supposée du personnage le plus fantasquement séduisant de l'histoire de la littérature.

LE CLASSEMENT DES FILMS 2010 DES AUTRES

Franchement, je trouve amusant, sans plus, de comparer les Top 10 ou 15 ou 20 de certains titres de la presse que j'aime. Certains manquent (Libé, Positif), mais quatre c'est déjà pas mal, delà suffisant pour voir se rapprocher ou s'écarter les lignes.

Disposant d'un égo surdimensionné, j'ai colorié en rouge les titres figurant dans mon propre palmarès, arrêté avant de prendre connaissance de ceux qui suivent. Je rappelle à ceux qui me lisent que j'ai raté quelques films comme l'essentiel (il y en a d'autres) Mystères de Lisbonne, ou encore Policier adjectif ou Mourir comme un homme. Sans vouloir tirer de simples jeux des enseignements tendanciels, on peut dire qu'on voit s'affirmer en France une césure qui frise le schisme entre une critique de plus en plus consensuelle et en phase avec le lobby cinématographique français qui va bientôt s'éjaculer sur le ventre avec les Césars (Télérama, par exemple) et une nouvelle jeune garde (Les inrocks) liée à l'ancienne (Les Cahiers) qui défend un cinéma de rupture, dont la qualité première est la prise de risques. Critikat, dans cette bataille navale un peu veine, s'en sort bien.

Critikat

Des choix très équilibrés (Toy story 3, Copie conforme ET Apitchapong) qui affirment une cinéphilie curieuse, attentive, forcément iconoclaste.

1. Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures de Apichatpong Weerasethakul

2. Bad Lieutenant : Escale à La Nouvelle-Orléans de Werner Herzog

3.  Toy Story 3 de Lee Unkrich

4. The Ghost Writer de Roman Polanski

5. Mother de Bong Joon-ho

6. Film Socialisme de Jean-Luc Godard
7. Mystères de Lisbonne de Raul Ruiz
8. Copie conforme d’Abbas Kiarostami
9.
Tournée de Mathieu Amalric
10. Mourir comme un homme de João Pedro Rodrigues

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C'est, très nettement, le choix le moins cinéphile des quatre proposés. Celui des lecteurs (LE film de l'année pour les lecteurs de Télérama est le fade Des hommes et des Dieux) marque même une sorte de rupture avec la cinéphilie. C'est intéressant car Télérama semble suivre la voie d'une certaine critique (Le Masque et la Plume) qui se détourne de l'exigence constante de singularité qui fut sa marque pour rejoindre une sorte de culture moyenne, consensuelle et sans risque pour personne. C'est très dommage. Commentaire personnel : certes, Mammuth est un film très sympa ; mais le préférer à Film socialisme ou Oncle Boonmee est un choix éditorial moins décevant que surprenant. Comme si la fameuse phrase de Serge Daney, sur les cinéastes qui doivent se donner l'impression, en faisant dans le film, d'un saut dans le vide, n'avait plus de sens pour cette frange devenue majoritaire de la critique. Télérama n'indique pas les réalisateurs sur son site, et je ne lui servirai pas de dactylo (malgré toute l'estime que j'ai pour les dactylos).

1. Social Network

2. The Bright Star

3.  Mystères de Lisbonne

4. The Ghost Writer

5.  Another Year

6.  Poetry

7. Des hommes et des dieux

8. Tournée

9. Fantastic Mr Fox

10. White Material

11. Mammuth

12. L'Illusionniste

13 Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu

14. Policier, adjectif

15  Dans ses yeux

Cahiers

Les Cahiers, impeccable, juste ce qu'il faut d'élitisme décalé (Toy story 3 ET Chouga...) pour plaire au plus petit nombre.

1. Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures de Apichatpong Weerasethakul

2. Bad Lieutenant : Escale à La Nouvelle-Orléans de Werner Herzog

3. Film Socialisme de Jean-Luc Godard

4.. Toy Story 3 de Lee Unkrich

5. Fantastic Mr Fox

6. A serious man d'Ethan et Joël Cohen

7. Mourir comme un homme de João Pedro Rodrigues

8. The Social Network de David Fincher

9. Chouga de Darezhan Omirbaev

10. Mother de Bong Joon-ho

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Dans sa générosité, Les inrocks a choisi 20 films, mais je n'en reproduis en liste que 15. Dans ce choix, on retrouve bien la ligne de la revue phare de la modernité exigeante qui ne refuse pas une certaine originalité de ton, et c'est très bien.

1. Mystères de Lisbonne de Raul Ruiz

2. Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures de Apichatpong Weerasethakul

3.  The Ghost Writer de Roman Polanski

4.  Film Socialisme de Jean-Luc Godard

5. Mourir comme un homme de João Pedro Rodrigues

6. Bad Lieutenant : Escale à La Nouvelle-Orléans de Werner Herzog

7.  Social Network (The) de David Fincher

8. Policier, adjectif de Corneliu Porumboiu

9. La vie au ranch de Sophie Letourneur

10. Sexy dance 3 de John Chu

10. Kaboom de Gregg Araki

12. Carlos (version longue) d'Olivier Assayas

13. Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu

14. Fantastic Mr Fox de Wes Anderson

15. Bright Star de Jane Campion

Allez voir les films au cinéma, chers amis. Ne comptez sur la télé que pour revoir ou rattraper les retards, mais à la télé il manque une dimension essentiel du cinéma : la vision collective.


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