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"du noir puisons la lumiere" : dada et le primitivisme(1)

Publié le 24 janvier 2011 par Regardeloigne

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« Pour [Dada], l’art était une des formes, commune à tous les hommes, de cette activité poétique dont la racine profonde se confond avec la structure primitive de la vie affective. Dada a essayé de mettre en pratique cette théorie reliant l’art nègre, africain et océanien à la vie mentale et à son expression immédiate au niveau de l’homme contemporain, en organisant des soirées nègres de danse et de musique improvisées. Il s’agissait pour lui de retrouver, dans les profondeurs de la conscience, les sources exaltantes de la fonction poétique. » Primitivisme et surréalisme : une « synthèse » impossible ? Philippe Sabot UMR « Savoirs et textes », C.N.R.S.-Université de Lille 3

(c’est moi qui souligne en rouge certains extraits des textes) 

« Qu'il existe au XXe siècle, à propos du monde noir, un discours mytho­logique original et différent de la mythologie raciste traditionnelle n'a rien de surprenant. Ce n'est pas un hasard si c'est justement aux alentours de 1914 que commence à se développer, chez certains écrivains, une pensée qui refuse les stéréotypes dépréciatifs usuels et qui valorise systématiquement les cultures nègres. Ce « primitivisme nègre » a, en effet, pu voir sa naissance favorisée par la convergence de deux ordres de facteurs historiques. Pour schématiser, il y a eu d'une part, chez les artistes et les écrivains, un besoin de renouvellement des sources, des techniques et des finalités ; d'autre part, il y a eu, au même moment en Europe, apport d'un matériau culturel nègre de nature à satisfaire le besoin de renouveau. Une analyse un peu plus détaillée de ce phénomène de conver­gence accidentelle entre une « demande » et une « offre » permettra de faire ressortir déjà l'originalité du « primitivisme nègre » au XXe siècle. ».Jean Claude Blachere.LE MODELE NEGRE. Nouvelles editions africaines

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Le primitivisme est aujourd'hui considéré comme un ensemble d'idées relati­vement récent, apparu en Europe occidentale au XVIIIe siècle pendant le Siècle des Lumières, lequel coïncida avec le début d'une période d'expansion colo­niale européenne. De fait, le colonialisme est au cœur des théo­ries sur le primitivisme.

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  L'entreprise coloniale des XVIIIe et XIXe siècles fournit une profusion d'exemples de cultures nouvelles pour l'Occident, dans le cadre d'un système de relations de pouvoir inégales qui établissait que le primitif ou, comme on l'appelait le plus souvent « le sauva­ge », était immanquablement le partenaire dominé. Géographiquement, les croyances européennes situaient le sauvage en Afrique centrale et australe, aux Amériques et en Océanie.

En ce qui concerne l’art, le terme ne désigne pas un groupe d'artistes orga­nisés comme tel, ni même un style identifiable ayant émergé à un moment his­torique donné ; il rassemble plutôt diverses réactions d'artistes de cette pério­de aux idées sur le primitif. Traditionnellement, le primitivisme dans l'art moderne(les arts plastiques surtout) s'inscrit dans un contexte où les artistes utilisaient des objets nom­mément primitifs comme modèles d'élaboration pour leur propre travail. Cela étant, le primitivisme englobe bien davantage que de simples emprunts formels à l'art non européen . Son sens réside dans l'intérêt des artistes pour » l'esprit primitif, » et il est en général marqué par des tentatives d'ac­cès à des modes de pensée et de vision considérés comme plus fondamentaux.

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Dans le debut du siècle s’inscrit une  sorte « de crise de l’esprit » selon le mot de Valery accompagnant la prospérité économique .Comme le note Jean Laude dans La   Peinture française et l'art nègre : « La deuxième révo­lution industrielle voit s'ouvrir devant elle des perspectives qui, tout à la fois, exaltent, fascinent, effrayent (...).  L'urbanisation et l'industrialisation avec ses conséquences : intellectualisme, cosmopolitisme et éloignement du rythme universel de la vie (...), une économie fondée sur la consommation, aliénant l'homme à l'objet qu'il produit (selon les marxistes)  (..), l'effon­drement des cosmogonies anciennes dues aux progrès des sciences qui habi­tuent l'esprit à la relativité et au principe d'incertitude, qui  rompent les liaisons déterministes étroites  (...), telles sont les causes qui peuvent être tour à tour invoquées, ensemble ou isolément, pour expliquer cette mutation profonde qui se produit dans l'esprit (...) »

Le syndrome de cette crise de l’esprit, recherche anxieuse des origines de la vie et de l'esprit, va se cristalliser dans la fascination exercée par les « mystères de la nature » d’où une  nostalgie de l’origine, de la matrice originelle univer­selle ,  d’où une quête du paradis primordial que la civilisation matérialiste nous aurait fait  perdre, paradis originel dont certaines sociétés humaines seraient encore assez proches. En ce sens le primitivisme moderne retrouve celui  né au siècle des lumières, dont le mythe du « bon sauvage »

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.L'un et l'autre sont les manifestations d'une inquiétude de l'individu submergé par une « civilisation » qui perdrait son âme, entrainant une nostalgie de l' « avant » ou de l' « ailleurs »; l'un et l'autre sont nés à ces époques grosses d'orages à venir ;  l'un et l'autre enfin sont apparus à des époques d'expansion coloniale — où l'Europe « découvre », absorbe, soumet, baptise et administre l’ « Autre ». Le terme primitivisme permet justement de donner sens à cette quête : d’abord réservé à l'imi­tation des   premiers grands peintres antérieurs à la Renais­sance,(les Primitifs) il va maintenant  désigner par une simple extension de sens un phénomène artistique et  littéraire : l'intérêt porté aux « primitifs »,(au sens ethnologique de peu évolué), à leurs valeurs morales ou à leur production artistique. jean claude BLACHERE dans son ouvrage le modèle nègre a  ainsi étudié autour d’Apollinaire, de Cendrars et de Tzara, le courant de sympathie portés par ces écrivains aux cultures méprisées ; d’où  la constitution d’un nouvel imaginaire collectif ,de nouvelles valeurs esthétiques, un nouveau modèle d’inspiration  menant à une révolution poétique de g.apollinaire  aux surréalistes. Jean Claude Blachère en souligne le mérite comme les illusions ou ambigüités. 

 

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« Nous appellerons primitivisme la croyance à l'existence de formes pre­mières d'une culture donnée et la croyance conjointe que ces formes archaïques peuvent constituer un modèle, ou du moins peuvent receler des solutions aux problèmes qui se posent aux sociétés modernes. Le primitivisme est un acte de foi dans le passé de l'humanité, un acte de défiance à l'égard du progrès. Cette croyance s'applique indifféremment aux diverses valeurs d'une civilisation ; elle peut toutefois, selon les circonstances, privilégier le domaine religieux, celui de l'art, celui de la langue ou de la littérature. Comme toute croyance, la foi primitiviste est irrationnelle ; cala est bien perceptible dans le fait que le primitivisme privilégie systématiquement toute manifestation culturelle qu'il imagine « primitive », c'est-à-dire compatible avec l'idée qu'il se fait du primitif. Ainsi, le primitivisme linguistique imagine que les langues primitives sont concrètes, n'ont pas de grammaire, n'autorisent pas la concep-tualisation ; les écrivains qui s'emparent de ce mythe valorisent ce que Cendrars appelait « la langue des sauvages ». Il est évident que le primitivisme ainsi défini est une attitude d'esprit non-scientifique ; plus précisément, le primitivisme s'appuie sur quelques notions d'anthropologie mal assimilées ou sur des idées depuis longtemps abandonnées, telles les théories évolutionnistes. La croyance primitiviste est de l'ordre du mythe, elle trouve tout natu­rellement son terrain d'élection dans le domaine de la littérature. »

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  Comme primitif ou primitivisme, le terme nègre comporte une grande ambigüité d’usage : Ce mot ne se réfère pas, dans le cas considéré, à une « race », à des caractères ethniques précis. Lorsque Tzara recueille ce qu'il appelle des « poèmes nègres », il mélange des textes mélanésiens, malgaches et nègro-africains. Ce mot ne renvoie pas non plus à des traits cultu­rels constants ; l'Anthologie nègre de Cendrars  recueille, pêle-mêle, des contes, des poèmes, des proverbes, des devinettes ; lorsque Cendrars parle des nègres, il fait indif­féremment référence aux Négro-Africains, aux Négro-Américains du Brésil, de Louisiane, des Antilles. L'emploi de « nègre » dans « art nègre » témoigne d'une confusion encore plus grande. On baptise ainsi les bronzes du Bénin, les fétiches à fonction sacrée et les objets à destination profane... En réalité, cette confusion (qui se prolongea bien longtemps après la première guerre mondiale) s'explique dans la mesure où le Blanc ne perçoit le Nègre que par opposition à lui, et non par ses caractéristiques propres. L'expression « art colonial » qu'on a parfois utilisée comme synonyme d' « art nègre » est éclai­rante : elle se réfère explicitement à une situation politique, qui se justifie elle-même par l'infériorité, la primitivité prétendues des peuples soumis.
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« Chaque époque d'art a cherché dans le passé son double, et, quoique résultant d'une synthèse continue de toutes les acquisitions au cours des siècles, on peut affirmer que le cycle des tendances artistiques résume le déroulement même de l'évolution humaine, aussi bien sous l'aspect historique que sous celui de la per­sonnalité. Chaque époque donne naissance à une sensi­bilité nouvelle : il est aisé de concevoir que Renoir, par exemple, passant devant la boutique du père Heymann, ait pu rester insensible devant une sculpture nègre, sans que pour cela la qualité de sa sensibilité puisse être mise en doute. Ce sont les préoccupations particulières de Matisse ou de Picasso, éveillant en eux une sensibi­lité plastique correspondante, qui leur a fait entrevoir les possibilités virtuelles de développement de l'esthétique nègre, possibilités que les autres arts classiques ou consacrés étaient incapables d'offrir. Toute nouvelle génération a pu constater l'épuisement des vertus fécon­dantes d'une époque d'art du passé et, corrélativement, la mise en lumière d'une période négligée.

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Il est à remarquer que, pour les Cubistes, la dénomi­nation d'art nègre comprenait les statuaires aussi bien africaines qu'océaniennes. Ce n'est que bien plus tard qu'une distinction plus nette put être établie. Les collections de Frank Haviland, de Marius de Zayas, de Paul Guillaume, de Level, de Rupalley, etc., contenaient indistinctement des pièces africaines et océaniennes, leurs attributions respectives étant, par ailleurs, des plus imprécises. On peut dire, en général, que la sculpture africaine fut mieux connue, et que l'art océanien était surtout représenté par des objets de la Nouvelle-Calédo­nie et des Marquises apportés par les coloniaux. C'est l'Afrique qui a principalement influencé l'art moderne au moment où les recherches d'ordre plastique devaient marquer une réaction contre le Romantisme de la cou­leur par lequel les Fauves en leur temps s'étaient opposés aux Symbolistes maniérés et aux Impression­nistes attardés. Le Cubisme est alors apparu comme une sorte de classicisme, et c'est dans la rigueur de la statuaire africaine, dans le dépouillement des volumes réduits à leur expression essentielle, que les tenants de la nouvelle tendance s'efforcèrent de retrouver les fon­dements de la grande peinture traditionnelle.

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Jean claude Blachère étudiant le primitivisme littéraire  a regroupé les écrivains en deux générations différentes. Celle de 1914, formée des pionniers, qui s'intéressent d'abord à l'art, au folklore, à la poésie nègres (Apollinaire, Cendrars et Tzara). La génération suivante, de laquelle émergent les noms de Breton, Eluard, Soupault, Desnos, Artaud, Crevel, Leiris  —et encore Tzara — participera aux premières manifestations du primitivisme nègre, en particulier au sein du groupe dada puis au surréalisme. Après 1924, l'orientation surréaliste donnée à toute réflexion sur l'art, la littéra­ture, la condition humaine, modifiera  le contenu du primitivisme nègre. Les trois premiers cités furent surtout des poètes qui ont incarné, à des degrés divers, les tentatives de renouvellement de la poésie française autour de 1914. Ils furent donc les témoins privilégiés d'une période d'intense remise en question des valeurs occidentales ; ils en furent les principaux acteurs. Tzara surtout  pous­se aux extrêmes les conséquences du choix des valeurs nègres comme modèle. Le primitivisme nègre est, chez lui, utilisé comme une « arme miraculeuse » dans son combat contre la raison et la morale occidentales.

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Tristan Tzara, de son vrai nom Samuel Rosenstock ,(né le 16 avril 1896 à Moineşti, Roumanie, mort le 25 décembre 1963 à Paris) fut un écrivain, poète et essayiste de langue française et roumaine.

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  En 1915, il adopte le pseudonyme de Tristan Tzara : Tristan en référence au héros de l'opéra de Richard Wagner « Tristan et Isolde » et Tzara parce que cela signifie "terre" ou "pays" en roumain. Élève de philosophie et mathématiques à Bucarest il a quitté son pays pour Zurich. Avec d'autres réfugiés de diverses nationalités (son ami roumain Marcel Janco, Hans Arp, Richard Huelsenbeck), il participe aux soirées d'un cabaret, le cabaret Voltaire, ouvert par un réfractaire allemand, Hugo Ball, homme de théâtre et écrivain. D'abord marqués par la « modernité » sous tous ses aspects (Blaise Cendrars et Marinetti, Modigliani et Picasso...), les spectacles de cabaret, puis la Revue dada qui en naît bientôt vont, entraînés par Tzara, rompre définitivement avec l'avant-garde littéraire et artistique.

La légende veut que Dada soit né le 8 février 1916 au café Terrasse à Zurich, son nom ayant été trouvé à l'aide d'un coupe-papier glissé au hasard entre les pages d'un dictionnaire. Plusieurs auteurs en ont revendiqué la paternité, alléguant des preuves qui doivent toutes être tenues pour fausses. On estime que la première performance dadaïste a eu lieu en février, lorsque Tzara, âgé de dix-neuf ans, est entré au Cabaret Voltaire portant un monocle et chantant des mélodies sentimentales devant les spectateurs scandalisés, quittant la scène pour laisser l'espace aux acteurs masqués sur des échasses, et retournant sur scène dans un costume de clown.

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« ... Dada ne signifie rien [...] Je suis contre les systèmes, le plus acceptable des systèmes est celui de n'en avoir aucun [...] Que chaque homme crie : il y a un grand travail destructif, négatif, à accomplir. Balayer, nettoyer [...] Abolition de la mémoire : DADA ; abolition de l'archéologie : DADA ; abolition des prophètes : DADA ; abolition du futur : DADA [...] Liberté : DADA, DADA, DADA, hurlement des douleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences : LA VIE. »

Les dadaïstes venaient de Roumanie (Tristan Tzara, Marcel Janco), d'Allemagne (Hugo Ball, puis Richard Huelsenbeck), de l'Alsace annexée (Hans Arp)..., et ils animèrent des soirées poétiques avec musique, danses, présentation de tableaux, ainsi qu'une revue portant le même nom que la salle où ils se manifestaient, le Cabaret Voltaire. «Cabaret Voltaire. Sous ce nom c’est établie une jeune compagnie d’artistes et d’écrivains qui a pour objet de créer un centre de divertissement artistique. Le principe du cabaret prévoit des réunions quotidiennes avec des programmes musicaux et poétiques, exécutés par les artistes présents parmi le public. Tous les jeunes artistes de Zurich, de toutes les tendances sont invités par la présente à venir apporter leur concours et suggestion. » Communiqué de presse.

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« Marcel Janco dessine, crée des masques, Tzara écrit des « poèmes nègres » avec quelques emprunts amusants à la langue roumaine. Après un travail de recherche pour retrouver des textes d’origines africaine, malgache et océanienne, il intègre ces documents aux soirées du Cabaret. Les programmes annoncent des vers de tribus Aranda Kinya ou Loritja… Hugo Ball est toujours aux percussions et Maya Chrusecz accepte de danser avec des masques de Janco, sur des textes de… Tristan. ”Tristan Tzara : L’homme qui inventa la Révolution Dada biographie, François Buot Editions Grasset 

Tzara rédige le « Manifeste dada 1918 » (dans Dada 3 qui porte en exergue sur sa couverture une phrase de Descartes : « Je ne veux même pas savoir qu'il y a eu des hommes avant moi ») . il y démolit toutes les valeurs et lance l'appel à la subversion totale, soutient la prééminence de la vie et de l'acte sur les arts et les idées, invite à jeter bas les idoles « .Tzara étend son doute à des domaines qui en étaient préservés : l'art (tous les arts), la poésie, substituts  de Dieu et des religions .Après sa rencontre à Zurich en 1918 avec Francis Picabia, contempteur de toutes les croyances et proto-dada à New York, Tzara ajoutera au doute originel un pessimisme enveloppant philosophies et sciences un  pessimisme absolu qui  sera la marque de Dada à Paris où Tzara s'installe, à l'invitation de Picabia, en 1920.  Un pessimisme hilare !!

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Tzara récuse toute hiérarchie des valeurs ; il prône l'éphémère, le jour toujours nouveau, l'interchangeabilité des moyens, la confusion des genres. Dada naît dans le spectacle et pour le spectacle, celui qu'il se donne à lui-même et, davantage, celui que le public outré, vociférant lui procure.

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  La Première... (1916) et La Deuxième Aventure céleste de M. Antipyrine (1921) affirment la volonté de Dada d'être spectacle par l'échange, dans une complète incohérence, de mots... ou de projectiles entre la salle et la scène, théâtre où chaque personnage dit ce qu'il veut sans souci de l'autre, où les cris et les mots fusent comme autant de balles à relancer ; Mouchoir de nuages (1924), théâtre totalement refermé sur lui-même, acteurs changeant de costumes, se maquillant à la vue des spectateurs, se parlant entre deux scènes ; seconds rôles commentant la scène passée ou à venir ; utilisation des techniques du feuilleton et des films à épisodes, du « flash back », des projections d'images photographiques, du collage par intégration de trois scènes de Hamlet, bref « la plus remarquable image dramatique de l'art moderne » (Aragon). Apport capital – le plus important sans doute après Jarry – dans la dramaturgie de notre temps. NOEL ARNAUD.ARTICLE TZARA.EU.

Les soirées dada, provocantes, tumultueuses, se multiplient, et les bulletins, revues, tracts, manifestes. Partout Dada est présent  : Cologne, Berlin, Hanovre, Rome, Naples, Prague, Madrid, Zagreb. Dada triomphe, jusqu'au jour où le surréalisme, en germe dans les numéros pré-dada de Littérature, le submergera Dada ne se résume pas uniquement à une chronique scandaleuse.

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  Les multiples revues éphémères, les tableaux, les recueils publiés sous l'égide du mouvement ont, en dépit d'un certain fatras dû aux circonstances (réaction contre la critique, querelles internes), servi de laboratoire à une poésie et une esthétique nouvelles, exprimant directement les émotions, les soubresauts de la conscience individuelle. Par exemple,en 1918, Tzara donne son premier recueil : Vingt-Cinq Poèmes, illustré par Arp, qui comprend plusieurs « poèmes à crier et à danser » interprétés au cabaret et des transpositions phonétiques de chants nègres. « Les contractions elliptiques qu’ils contiennent, expliquera plus tard Tzara, souvent réduites jusqu'à accumuler les mots hors de toute liaison grammaticale ou de sens, avaient pour but de produire une sorte de choc émotionnel. »Plus tard dans un essai « Essai sur la situation de la poésie » le même Tzara rallié au surréalisme en 1929  reprend une opposition, attestée depuis le romantisme, entre la poésie « moyen d'expression » qui participe du penser dirigé ou logique et la poésie « activité de l'esprit » qui appartient au penser non dirigé (rêves et rêveries, fantaisie et imagination)-les deux concepts ayant été formulés par Jung : «  La forme du penser non-dirigé  (ou associatif,  ou hypologique)  se détourne  (de la réalité), libère des désirs subjectifs et reste absolument improductive, réfractaire à toute adaptation > (Jung). Pour Tzara ce n'est pas cependant un simple produit venu de l’inconscient  avec ses irruptions incohérentes, mais  une manière de vivre et, à sa pointe extrême, un rêve projeté dans l'action.

Cette rencontre fut souvent occultée :

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  l’image tumultueuse d’un Rimbaud  de 17ans qui fit irruption au sein de Dada à Zurich dès 1916, oblitérera parfois le reste de sa vie et de son œuvre.  Elle oblitéra souvent  le fait que Tzara fut un des meilleurs connaisseurs et collectionneur de l’art nègre. Son nom figure dès 1930 parmi les principaux collectionneurs de l'époque dont les œuvres furent montrées lors d'une importante exposition devenue historique en la galerie Pigalle. Pas moins de trente-trois pièces furent alors prêtées par Tristan Tzara. La petite histoire retiendra que Tzara, passionnément engagé dans sa collection, partait souvent « chercher des nègres» comme l'on disait à l'époque.La collection de Tzara ne fut pas le fruit du hasard mais  au contraire construite avec rigueur et savoir : il conservait ses objets en l'état originel, se refusant aux « restitutions » (restaurations) abusives. Il respectait l'état de la découverte sans concession à l’esthétique.

Cette passion de la collection  chez Tzara fut en parfaite continuité logique  avec d’autres recherches : ainsi le poète  avait annoncé le préparation  dans le premier numéro de la revue Dada (juillet 1917 ) d’un volume de POEMES NEGRES traduits par lui dans le même temps où il rédigeait des notes sur l'art nègre et la poésie nègre qui furent publiéesdans la revue Sic. . L'ensemble des poèmes nègres ne fut retrouvé qu'après sa mort dans les archives du poète.

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« C'est à plusieurs titres que le nom de Tristan Tzara se trouve associé à l'histoire de la divulgation de ce que, antici­pant le premier un embarras persistant de formulation, il désigna en 1951 comme les « arts dits primitifs ».

Des événements marquants dans la relation de Tzara aux arts dits primitifs, qui ont marqué la mémoire collective, la chronologie doit se lire à l'envers. C'est en 1988 en effet que la disper­ sion de  sa  collection  d'arts  africains  et  océaniens  attira 1 attention bien plus que les premiers textes de Tzara en 1917, sur la poésie nègre ou que son livre de poèmes nègres, et ceci parce que ce projet commencé à la même époque ne parut qu'en édition posthume, pas assez visible dans ses œuvres complètes. A 1ER automne 1988, soit vingt-cinq ans après la mort du •été (1963), la mise en vente de sa collection d'arts primitif mit soudain en lumière aux yeux d'un large public la pertinence d'un ensemble qui était, lui, connu et vivement estimé par les connaisseurs depuis plus d'un demi-siècle. MARC DACHY.PREFACE A LA DECOUVERTE DES ARTS DITS PRIMITIFS DE TRISTAN TZARA. 

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