Magazine Côté Femmes

Le « choix » d’un enfant

Publié le 22 janvier 2008 par Willy
Le « choix » d’un enfant

  Par  Stéphane LeBlanc - http://www.capacadie.com/

Samedi dernier, dans le cadre d’une conférence à laquelle je participais, j’ai eu l’occasion de rencontrer une personne incroyable et j’ai eu l’occasion d’apprendre à quel point certains choix ne sont pas vraiment des choix.

En novembre dernier, j’ai lu un qui m’a déstabilisé. L’article d’Ariane Lacoursière dans La Presse traitait du cas d’un ancien enfant soldat originaire de l’Afrique qui vivait maintenant à Montréal et qui poursuivait des études à l’Université Concordia. Cet homme de 17 ans se nomme Alusine Bah.

Voici l’histoire du « choix » qu’Alusine a dû faire à l’âge de 14 ans :

Alusine est né en Sierra Leone, un pays dans l’ouest de l’Afrique qui été fortement secoué par une guerre civile entre 1991 et 2002. Il avait 14 ans quand son village natal a été attaqué par les rebelles du Front uni révolutionnaire, un groupe armé principalement financé par des trafiqueurs de diamants. Alusine se trouvait à l’école au moment de l’attaque, et, quand il est arrivé chez lui, sa famille avait disparu.

Seul, il décide de fuir son village avec des voisines et leurs enfants. Après trois jours de fuite, la milice armée les rattrape à l’entrée d’une zone dite « sécuritaire ». C’est à ce moment qu’il a été confronté à un « choix ».

Les miliciens ont d’abord laissé partir les femmes et ont séparé les enfants. On a annoncé à ces derniers qu’ils avaient le choix de devenir des soldats ou subir des « conséquences ». Un des enfants, qui avait environ 9 ans, pleurait de façon incontrôlable. Il a alors subi la « conséquence » mortelle en avant des autres enfants. Alusine, et les autres, a alors fait son « choix ».

Pendant deux ans, il a fait partie des nombreux enfants soldats enrôlés de force par l’armée nationale. La vie d'Alusine devient un enfer. Tous les jours, muni de sa mitraillette AK-47, il entre dans des villages et pille les habitants pour nourrir les miliciens.

Au moment de sa libération, par des membres d’un groupe humanitaire lié à UNICEF, il a été envoyé dans un centre de réhabilitation, où il a dû tenter de réapprendre à vivre normalement. C’est une étape de sa vie qu’il a trouvée très difficile. Il avoue avoir été méchant avec les gens qui tentaient de l’aider.

Avant d’arriver au Canada il y a quatre ans, Alusine a vécu des moments difficiles et a dû s’exiler à plusieurs reprises.

Aujourd’hui, il se compte chanceux.

Oui, chanceux.

C’est à ce moment que le discours d’Alusine devient le plus percutant. Malgré toutes les atrocités qu’il a vécues, il est maintenant au Canada, aux études et à une semaine d’obtenir sa citoyenneté canadienne. Pour lui, c’est cent fois mieux que d’avoir gagné le gros lot.

À plusieurs reprises il demande à la foule de ne jamais tenir pour acquis les droits et les libertés que nous avons ici au Canada. C’est un refrain qui m’est familier, mais venant d’Alusine, il porte beaucoup plus de poids.

Normalement, j’ai tendance à dire qu’il faut, justement, tenir pour acquis certains droits et certaines libertés. Il faut le faire car, en principe, ce ne sont pas des acquis temporaires.

Ceci dit, il est important de ne pas succomber à la complaisance.

Au tout début de son discours, Alusine nous partage ses souvenirs des années 1980. Des souvenirs qui ne sont pas très différents des nôtres alors que son pays était stable et relativement prospère. Un rappel à tous qu’il est important de toujours être vigilant.

Alors, à quoi ressemble l’avenir d’Alusine ?

Presque dix années après les évènements, il a découvert, grâce à la Croix-Rouge, que sa mère et le reste de sa famille avaient survécu à l’attaque. Dès qu’il aura son passeport, il fera un voyage dans son pays natal pour la rencontrer.

Pour l’instant, il se concentre sur ses études et l’obtention de sa citoyenneté. Une formation qui lui permettra d’aider son pays. Il travaille et envoie de l’argent à sa famille, en Sierra Leone. Il sest impliqué auprès de Jeunesse en action, la section montréalaise d’Enfants Entraide (Free the children).

Et, il continue de se dire chanceux.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Willy 401 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte