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L'ère des opportunités est aussi l'ère des opportunistes!

Publié le 30 janvier 2011 par Lalouve

"Père, gardez-vous à droite! Père, gardez-vous à gauche!" aurait dit Philippe le Hardi à son père pendant la bataille de Poitiers.

C'est à peu près le message que l'on pourrait envoyer à tous les peuples qui luttent, aux peuples tunisien, égyptien... actuellement engagés dans des révoltes et des actes qui ne sauraient être travestis sous le terme de "révolution démocratique" ou de "révolution par les urnes".

Mais on peut aussi adresser ce message au peuple de France!

Parce qu'il est encore beau, le bon gros gâteau franchouillard, pour les capitalistes, il y a encore du gras à manger sur l'os de l'ancien Etat-providence hexagonal pour les clébards de la finance, de la banque, de l'industrie!

Aussi, "Gardons-nous à droite! Gardons-nous à gauche!".

En toute logique, la crise que traverse le capitalisme, si elle nous met à genoux, nous ouvre aussi (théoriquement) des opportunités.

C'est la loi du genre, je ne ferai pas de leçon de dialectique, mais c'est un sport de combat.

C'est la règle de la lutte, qu'elle soit greco-romaine ou de classe, c'est en prenant appui sur les faiblesses de l'adversaire que l'on peut le déstabiliser même quand on est, au départ, beaucoup moins fort que lui.

Des opportunités de révolte, et des opportunités de faire bouger les lignes, voire, peut être, de renverser, non seulement certains régimes, en termes politique, mais également certains systèmes et d'avancer encore, sur la voie révolutionnaire.

Bien sûr, ce sont toujours sur les contradictions internes de "la" bourgeoisie que l'on peut prendre appui, et on ne part jamais de rien.

Bien sûr, c'est à la faveur de cartes que les capitalistes sont en train de rebattre un peu partout dans le monde actuellement que les peuples d'Egypte ou de Tunisie sont en train de se soulever et d'occuper les rues, les places de leurs villes, de leurs villages, même...

Bien sûr que Ben Ali n'est pas tombé "seulement" par la volonté populaire, et que, pour qu'il tombe, il aura fallu qu'une partie de certaines fractions de la bourgeoisie tunisienne et étrangère, soit d'accord pour le destituer. Mais il aura fallu aussi que "le peuple" s'en mêle, sinon, l'autre affreux serait toujours là!

Cela enlève-t-il le mérite de toute une partie du peuple tunisien? Non.

A-t-il été "manipulé" ou "soutenu" par des forces qui lui sont extérieures (et dans ce cas, lesquelles) ? Peut-être. Oui et non. Mais alors? Ce serait bien facile de juger le cul dans mon fauteuil!

La chute de Ben Ali et du clan Trabelsi clôt-elle cet épisode de révolte majeur en Tunisie ? Non, je ne pense pas. Même si probablement cela va ralentir le mouvement, radoucir les colères, et diviser aussi, fatalement, quelques cercles...

Nous sommes humains. Et nous n'aimons pas que le sang coule, pas plus en Tunisie qu'ailleurs. Un pas en avant. Deux pas en arrière...

Les choses ne sont pas terminées cependant.

L'histoire (faite par les masses) prend son temps, il ne faut pas être pressé.

Ni pressé d'enterrer la "révolution" en l'encensant, ni pressé de l'enterrer en la dénigrant et en la minorant.

En revanche, il faut être pressé de soutenir de la façon la plus appropriée possible toutes ces révoltes qui pourraient donner des révolutions, pour peu que les forces populaires qui y sont engagées sachent continuer de saisir les opportunités, tout en se gardant des opportunistes.

Certains hésitent à soutenir ces mouvements, même seulement en paroles, en établissant des comparaisons avec la pseudo-révolte iranienne dite "mouvement vert" en faveur de Moussavi.

C'est évidemment une bêtise.

D'une part la situation économique, politique et sociale de ces pays est très différente, d'autre part, Ahmadinejad n'est pas Ben Ali (quoi que l'on pense d'Ahmadinejad, et quoi que l'on combatte le régime des mollahs). Et d'autre part, les mouvements populaires nés en Iran et en Tunisie n'ont pas grand-chose de commun dans leur gestation, dans leurs causes, ni dans leurs soutiens.

La révolte tunisienne appelée (par qui?) "révolution du jasmin" a en revanche certains points communs avec une autre ancienne révolution fleurie, la "révolution des œillets" portugaise.

Pas seulement parce qu'elles parlent de fleurs et sont présentées toutes deux comme des "révoltes démocratiques" (plus de 100 morts en Tunisie à cette heure, des centaines de blessés, des prisonniers politiques, et des morts aussi au Portugal, dans la période de la guerre coloniale en Angola, au Mozambique, et combien de prisonniers politiques torturés à Caixas? Tu parles d'une "révolution tranquille"!)...

Mais aussi parce que comme toujours, les états européens dominants et néocolonialistes, les ponts avancés de l'impérialisme américain sur la Méditerranée, et l'écrasante majorité de leurs classes politiques, font semblant d'ouvrir les yeux aujourd'hui sur les ferments de ces révoltes possiblement révolutionnaires, font mine de condamner leurs anciens amis, alors qu'en réalité ils sont en train de bouger leurs pions pour protéger leurs intérêts.

Et si le Portugal était en proie à une question coloniale extérieure évidente, qui a beaucoup contribué à la chute de la dictature, si l'Etat portugais, entremetteur d'intérêts impérialistes, opprimait des peuples africains, il était aussi un pays colonisé subrepticement lui-même de l'intérieur.

La Tunisie aussi est aussi un pays colonisé subrepticement, bien qu'ayant acquis en théorie, son indépendance. Ainsi son économie est bien celle d'un pays sous domination étrangère.

Les capitalistes là bas ont eu les mains libres (tant que le peuple les avait liées, lui) pour surexploiter pendant des décennies un peuple qui, à l'origine n'était pas spécialement si pauvre ni misérable, mais que le développement à marche forcé de l'économie de marché et du capitalisme financiarisé ont rendu bien plus pauvre qu'il ne l'était avant...

Souvenons-nous quand CONTINENTAL, cette belle entreprise allemande, offrait un reclassement à Xavier Mathieu et ses camarades en Tunisie pour.... 137 euros par mois! Salaire de l'ouvrier tunisien de Continental. Pas cher ma bonne Angela, hein?

Elle est entièrement à revoir et à reconstruire, cette économie tunisienne, collectivement, et dans une perspective indépendantiste et d'une certaine manière, nationaliste. Et c'est là que va se jouer l'avenir du peuple tunisien s'il veut se garder une chance de faire une "révolution".

Et c'est pour cela aussi qu'il y a bien plus à "virer" que Ben Ali et Trabelsi.

Cela il ne faut surtout pas que le peuple tunisien le perde de vue.

La liberté oui bien sûr, et comment!

Mais "le pain" aussi.

Car sans pain, c'est à dire, sans possibilité de gagner son pain sans vendre son âme, la liberté est un mot creux. Et ce pain, comment le trouver? Quelles sont les chances de la Tunisie face aux prédateurs internationaux ardemment relayés par la bourgeoisie tunisienne?

Il ne faudrait pas que ce souffle de liberté, acquis par une alliance entre la petite-bourgeoisie, la paysannerie et la classe ouvrière, ne finisse par profiter qu'aux seuls avocats! Une fois les fenêtres ouvertes, attention à "l'effet 1848", que la petite bourgeoisie et la bourgeoisie ne s'allient pas pour avorter la révolution à venir, et repousser la classe ouvrière et la paysannerie dans des tranchées profondes.

Comment organiser la lutte contre tant d'ennemis à la fois, extérieurs et intérieurs?

L'histoire d'un peuple sert aux autres peuples, enfin, elle devrait, toutes proportions gardées.

Encore faut il avoir les moyens de la connaître et de la comprendre.

Et c'est là que nous pouvons faire des petites choses utiles, nous, militants communistes, partout dans le monde, qui avons éventuellement la chance de savoir encore un peu d'histoire, en tout cas, de cette histoire que le capitalisme veut effacer, faire disparaître des livres, l'histoire des luttes et des révolutions.

Voire de, peut-être, parler une ou plusieurs langues étrangères qui permettent de communiquer avec tous ces peuples en lutte.

Pour les écouter et retranscrire leurs paroles dans nos langues, afin que nous puissions essayer de comprendre. Essayer de dialoguer entre exploités de tous les pays.

Et pour leur dire aussi "Nous sommes avec vous, et pas par procuration, ici nous travaillons aussi contre nos ennemis communs; frères, camarades, gardez vous à droite, et gardez vous à gauche!".

Quant à nous, ne tournons pas les yeux vers la Tunisie ou l'Egypte en rêvant pour mieux les détourner de la France où il ne faut pas seulement rêver mais aussi agir!

Ne montrons pas avec exaltation des révoltes "là bas" pour mieux se passer de les faire "ici"!

Car dans ce pays aussi, en France, il y a les opportunistes, les faux-amis des salariés, qui ont senti passer le vent du boulet l'hiver dernier lors du mouvement contre la réforme des retraites, qui savent ce qu'est la situation économique de la France, en Europe; il y a les opportunistes et les populistes (ceux qui se servent des aspirations populaires pour les détourner au profit des intérêts de la bourgeoisie), ils sont tous de sortie et ils rôdent, plus ou moins finement, plus ou moins à découvert, excités comme des poux par les élections qui arrivent.

Et eux aussi participent de cette grande partition (au sens musical) que le capitalisme mondialisé, que l'impérialisme qui nous broie, est en train de jouer à l'échelle internationale.

Des opportunistes et des populistes, oui, comme ceux qui nous ont amené le traité de Maastricht, ce traité qui a instauré la loi de fer du déficit budgétaire à 3 % maximum, qui a tué l'emploi de dizaines de milliers de travailleurs "ici", et a jeté dans une misère encore plus grande que celle qu'ils espéraient quitter, des millions de travailleurs "là bas", et qui depuis quelques années nous expliquent, la bouche en cœur, que cette Europe-là n'est pas sociale et qu'il faut, non pas en sortir, mais, "la rendre sociale"!

Ils nous disent: "mettere la coda dove non va il capo"!

Tous les salauds qui assurent leur fonds de commerce politicien en vendant des armes aux capitalistes, tout en nous expliquant que ce sont des "bons compromis", pour hurler ensuite "au meurtre" et que ceux-ci nous tirent dessus, mais eux, eux ne prennent jamais les balles, et continuent à grenouiller, à dénoncer en paroles mais à affermir en actes.

Les éternels pompier pyromanes !

Toutes celles et tous ceux qui continuent à essayer de nous faire croire que le grand clivage politique est celui de "la gauche" et de "la droite", alors que la ligne de fracture se dessine chaque jour un peu plus nettement, avec la radicalisation du mouvement capitaliste dans le monde, entre ceux qui possèdent le Capital et ceux qui, non seulement ne le possèdent pas, mais le subissent, jusque dans leurs chairs.

Or, si la parole est d'argent, l'action est d'airain!

C'est à ce que les Hommes font (et aussi à ce qu'ils ne font pas) que l'on juge le plus sûrement qui ils sont réellement.

Le reste, ce n'est que "pet de bouche" plus ou moins joliment expulsé.

Cette crise du capitalisme mondialisé, qui n'est pas finie, ouvre des opportunités, partout, à tous les peuples, dans le monde entier, à toutes celles et à tous ceux qui ont envie de se battre pour leur émancipation, et pas seulement d'aller "veauter" comme des zombies pour Ariel ou Le Chat (qui lave plus blanc? Qui rase gratis?).

Ici aussi, nous pouvons employer bien mieux notre énergie qu'à coller des affiches et à faire des campagnes électorales qui ne servent quasiment plus à rien, en l'état actuel des institutions et de l'Etat.

C'est comme cela, en nous organisant autour de principes clairs et qui ne souffrent pas de double interprétation, que nous serons utiles aux luttes "d'ailleurs".

Donc, participer aux assemblées, aux réunions, quand c'est possible, et y apporter les exigences de démocratie et d'appropriation des travailleurs. Partout où nous le pouvons.

Soutenir les luttes à sa portée, en bas de chez soi, plutôt que rester à seulement "s'indigner" devant son poste de télé sur l'ignoble Moubarak, c'est aussi soutenir les luttes en Tunisie ou en Egypte.

Continuer à soutenir les GOODYEAR dans la Somme depuis 4 ans.

Soutenir les PANAVI en Normandie.

Soutenir encore celle entamée il y a de longs mois par les salariés de FRALIB UNILEVER justement, dans les Bouches du Rhône.

Soutenir les salariés de RICHARD DUCROS dans le Gard....et j'en passe, hélas.

Mettre les capitalistes au pied du mur ici pour que là bas aussi les travailleurs puissent le faire.

Participer aux meetings des syndicalistes, des chômeurs et des travailleurs à côté de chez soi quand ils ont lieu. Faire signer les pétitions. Construire ou participer à un petit groupe de militants. Proposer son aide aux unions locales si l'on se sent des proximités avec les syndicats. Faire son tract, dire sa parole, les confronter aux autres. Échanger, construire. Participer aux occupations sur les logements aussi! Tout ceci, ce n'est pas en vain.

Se souvenir de toujours chercher à faire le lien entre les exploités "ici" et les exploités "là bas".

Les ouvriers d'"ici" qui mettent en sachet le thé cueillis par les ouvrières de "là bas".

Les ouvriers d'"ici" qui se servent des matières premières extraites par des ouvriers "là bas" pour fabriquer des pneus.

C'est cela aussi l'internationalisme. C'est s'appliquer à faire "chez soi" ce que l'on aide les prolétaires des autres peuples à faire "chez eux".

C'est syndiquer dans nos boîtes mais aussi dans les entreprises où nos patrons sous-traitent notre travail à moindre coût et à des conditions de travail moins bonnes encore que les nôtres.

C'est aussi lutter contre les colonisés "de l'intérieur", contre la même exploitation toujours aussi dégueulasse, des peuples les plus pauvres et les plus opprimés sur notre propre sol.

C'est lutter contre cette "délocalisation de l'intérieur" en se battant pour que tous aient des papiers et les mêmes conditions de travail, les mêmes droits que les nôtres.

Pour continuer ce frémissement que nous avons entrepris de faire vivre à nouveau partout en France il y a déjà plusieurs mois, lors du mouvement sur les retraites, patiemment, il y a donc des choses simples à faire.

Une révolution, c'est aussi un assemblage de résistances et de déterminations locales ancrées dans le concret et la proximité.

Car ce sont ces situations qui permettent de tisser les organisations nécessaires, humaines, les liens de proximité, ces organisations qui se réveillent et qui agissent (quand Facebook, Twitter et Gmail sont écoutés, épiés ou carrément coupés par le pouvoir), ces organisations sans lesquelles il n'y a pas de "révolution", Internet ou pas.

Nous devons, comme nous l'avons toujours fait, soutenir toutes les luttes en cours, faire circuler les idées, et créer à chaque fois que cela est possible, les ferments des luttes à venir.

Et contrairement à ce que disent certains (toujours les mêmes) qui font les dégoûtés, les luttes des travailleurs sont fondamentales pour nourrir les combats plus généraux pour "la liberté", et les combats pour la liberté nourrissent les luttes des travailleurs. Il n'y a pas d'un côté des combats pour la liberté de tout un peuple qui seraient beaux et nobles, et de l'autre des combats d'une partie de ce même peuple qu'on appelle aussi prolétaires, qui seraient dépassés, "has been", inutiles!

Car c'est le même capitalisme qui opprime et le même capitalisme qui exploite.

Oui aux opportunités et à la lutte de classe!

Non aux opportunistes et à la lutte des places!

AVANTI POPOLO!


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