Pour inaugurer ma participation au challenge « Regarde ce que tu lis » proposé par nodreytiti sur Livraddict, un cas particulier d’adaptation de livre en film puisque Eric-Emmanuel Schmitt a lui-même écrit et réalisé l’adaptation de son roman au cinéma : Oscar et la dame rose.
Le roman…
Oscar et la dame rose est un livre que j’ai beaucoup aimé. Il raconte les derniers jours de la vie d’un enfant leucémique…sujet difficile que Schmitt parvient à traiter avec beaucoup de grâce et de légèreté.
A l’hôpital, Oscar rencontre une « dame rose » qui travaille pour une association d’accompagnement des enfants hospitalisés : c’est une vieille dame qui semble plutôt brutale, a un langage de charretier, dont Oscar apprécie la franchise…puisqu’il souffre de voir ses médecins et surtout ses parents le traiter avec distance et maladresse depuis qu’ils savent que sa mort est proche. Mamie Rose – c’est le surnom qu’il va lui donner – est la seule à sembler capable de parler franchement de la vérité avec Oscar, et il va donc demander à la voir tous les jours… Elle obtient l’autorisation de le visiter chaque jour pendant douze jours – Oscar comprend bien vite la tragique signification de ces « douze jours » d’autorisation – et lui propose un jeu : chaque jour comptera dix ans pour lui. Elle lui propose également d’écrire chaque jour une lettre à Dieu : ce sont ces lettres qui constituent le roman. On lit donc chaque jour les réflexions et progrès d’Oscar dans sa vie, dans une sorte de croissance et de maturation accélérée, et à chaque âge correspondent certains questionnements.
Les personnages d’Oscar et de Mamie Rose sont magnifiques. Oscar va petit à petit s’apaiser – normal, il gagne dix ans de sagesse par jour !- , pendant que Mamie Rose va inventer mille ruses pour distraire Oscar tout en lui permettant de réfléchir sereinement sur sa situation. Par exemple, elle s’invente un passé de catcheuse et raconte à Oscar ses combats avec les redoutables Plum Pudding et Téton Royal ! Cela donne des moments à la fois drôles – un faux combat de catch avec un vocabulaire de poissonnière, ça ne se manque pas ! – et bouleversants, car on voit Oscar avancer dans sa vie – il vit les affres sentimentales de l’adolescence, puis épouse Peggy Blue, une de ses voisines de chambre, puis rencontre le démon de midi et est bien content ensuite d’avoir passé la cinquantaine… - en proposant une réflexion lumineuse sur la maturité.
Ce tout petit livre – comptez une heure de lecture – est donc un petit bijou, drôle, bien écrit, profond et bouleversant…
Le film…
Eric-Emmanuel Schmitt a choisi d’adapter lui-même son roman, et je pense que cela a permis de conserver intacte une bonne part de la poésie du livre, au prix de quelques transformations bien trouvées…
L’action, qui dans le roman se passe de nos jours, est transposée dans une époque plus indéterminée, plus ancienne, sans doute pour atténuer le côté trop cru qu’aurait donné dans le film la vision d’un hôpital contemporain. Une géniale infirmière-sorcière apparaît, jouée par Amira Casar. Cela crée un effet proche de ceux des contes – on ne sait ni quand ni où les choses se passent, mais tout nous est familier –, et c’est une bonne idée.
Schmitt a également trouvé une jolie astuce pour montrer les combats de catch de Mamie-Rose : ils se passent dans une petite boule à neige, dans la chambre d’Oscar, avec les commentaires de Mamie-Rose : là aussi, c’est très onirique et très réussi…
La transformation que j’ai trouvée la moins intéressante est peut-être celle de Mamie Rose en livreuse de pizzas… c’est peut-être lié au fait que c’est Michèle Laroque, plus jeune que Mamie Rose (et que Danielle Darrieux qui l’avait incarnée au théâtre), qui l’incarne, et que, du coup, on s’attend à ce qu’elle ait une activité professionnelle…mais je n’ai pas vraiment saisi l’intérêt de cette modification.
Mais c’est dans l’ensemble une adaptation très astucieuse, Schmitt a réussi à conserver la poésie de son livre en ajoutant des éléments merveilleux et oniriques dans son film…On sent qu’il a voulu avant tout préserver l’émotion que suscite son roman, en l’adaptant au langage cinématographique, et j’ai trouvé cela plutôt réussi, même si le film n’est pas aussi incroyablement bouleversant que le livre.