"Ils rangent chaque soir leurs outils dans un conteneur en fer dont ils ferment la porte à clé. Pour plus de sûreté une masse de béton est déposée devant. Et c'est leur rituel désormais, chaque matin, la première opération : retirer le bloc qui condamne la porte du conteneur.
Un chantier a besoin de rituels.
Celui-ci commence la journée et il rassure. Le chantier ne se met à vivre qu'à ce moment-là, quand le crochet de la grue soulève la tare et libère la porte à outils.
J'y suis familier désormais. Je m'y accorde chaque matin : radio et café debout devant la baie vitrée, je suis déja douché, rasé et habillé. Il faut que je sois là, vif, présent, vivant. J'ignore s'ils m'ont remarqué. Parce que quand même, tous les matins, à la même heure, par tous les vents sur mon balcon, immobile à les attendre."
Extrait de En chantier de Yves Hughes - Stock La Forêt - Janvier 2011