The horror The Erreur

On est de plus en plus nombreux à crier sur la place publique. Arrête-toi regarde-moi écoute-moi. Ma voix est plus forte que la tienne. J'ai un parlophone dernier cri. Dégage, petit morveux, laisse les grands travailler.
L'art et la manière de taper dans l'oeil et dans l'oreille : il faut y mettre les moyens et beaucoup d'arrogance. Proclamer qu'on est le plus puissant, le plus terrible, le plus assoiffé de sang. Une vieille ruse de guerre. Hurler, gesticuler, couper des têtes, l'ennemi n'en sera que plus terrorisé. La peur de disparaître conduit à beaucoup de déraison. Malheureusement, jamais comme aujourd'hui les discours bruts et goinfrés d'argent n'ont eu autant de marge pour s'imposer et éclipser les petites musiques du coeur. Partout et à tous les niveaux, c'est la volonté du plus fort qui surgit comme la  plus belle. Celui qui a de l'argent et de l'influence pour peindre son logo sur tous les murs de la ville engrange l'adhésion des foules. Internet est un instrument de rêve pour ces gens-là. Un outil born to be wild, consensuel et banalisant. Sur Internet, tout peut être dit, et son contraire aussi. Et la seule vérité qui prévaut, en fin de compte, c'est celle du nombre de clics, c'est celle du nombre de clics et de la masse. Sur Internet, c'est le style pub qui l'emporte. Plus de place pour celui qui s'addresse aux individus. Ce n'est pas bien vu de murmurer des petits mots, aussi subtils et remplis de bon sens soient-ils. L'ère du plus grand totalitarisme a déjà commencé. Nous sommes tous les geôliers des autres, les gardiens du système. Lequel d'entre nous serait-il prêt à se déconnecter complètement demain? C'est ainsi que petit à petit notre capacité de penser et d'exercer un esprit critique diminue. Dans une grande majorité de domaines, nous nous rangeons du côté des idées convenues et qui ne demandent pas trop de jugeotte. Il faut bien dire qu'en général, nous sommes devenus plus abrutis.