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Le tombeau de François Salaché à Carcassonne (11)

Par Jean-Michel Mathonière

Le cimetière Saint-Vincent de Carcassonne (Aude) renferme plusieurs sépultures compagnonniques ou corporatives. Christophe Marty nous a signalé celle de François Salaché et nous indique qu'elle est mentionnée en ces termes dans la plaquette de Jean-Louis Bonnet sur les Hommes et femmes illustres ou inconnus des cimetières, éditée par la ville de Carcassonne : "Guillaume Salaché (1807-1869) et François Salaché, d'une famille de mécaniciens et fondeurs du XIXe siècle".

Le cippe funéraire flanqué de deux colonnes est orné d'un compas et d'une équerre entrecroisés. Le compas, à branches courbes, est un compas d'épaisseur, employé par les serruriers et mécaniciens. De fait, Guillaume Salaché était serrurier et son frère François, né en 1809, était fondeur.  C. Marty nous livre d'autres informations sur François Salaché, extraites de publications locales.

Le tombeau de François Salaché à Carcassonne (11)

En particulier, Pierre et Annick Fafeur, dans leur article sur "La mécanique carcassonnaise au XIXe siècle" publié dans le Bulletin de la Société d'Études Scientifiques de l'Aude, Tome XCVI, 1996, p. 185, consacrent aux Salaché les lignes suivantes :

Suite:

"Guillaume Salaché est né en 1807 et deviendra serrurier, tandis que son frère François, né en 1809, sera fondeur. Le 25 juin 1846, les Salaché obtiennent l'autorisation de fondre le cuivre et sont installés à l'angle de la rue neuve St-Jean (rue de Strasbourg) et de l'allée des Soupirs, l'actuel boulevard Jean-Jaurès. Ils réalisent des objets d'ornementation et aussi des pièces mécaniques à la demande, mais comme ils ne semblent pas avoir de machine à vapeur, les possibilités d'usinage doivent être limitées. Entre eux existe une "société verbale" qui sera dissoute le 13 mars 1859, les actifs étant alors évalués à 47.700 F.
Guillaume Salaché ayant atteint l'âge de 52 ans, se retire pour vivre de ses rentes, et cette séparation va être lourde de conséquences. En effet, François, qui est seulement fondeur, va avoir bien du mal à reprendre la partie mécanique jusque là assumée par son frère, et, de ce fait, l'entreprise ne prendra pas le "tournant viticole", alors seul secteur du marché vraiment prometteur. Par ailleurs, la dissolution va entraîner un partage des biens sociaux, ce qui ne sera pas sans créer de sérieux problèmes d'ordre financier. Quoi qu'il en soit, François Salaché est dorénavant le seul patron et doit faire face à cette nouvelle situation.
En 1867, il obtient un brevet pour une pompe à eau à gros débit destinée aux industriels. Cette invention est basée sur le principe de la vis d'Archimède et elle montre qu'il cherche, en dehors du vin, un créneau d'activité à sa mesure. C'est qu'à cette époque, il bénéficie d'une certaine notoriété puisqu'il est membre de la Commission Départementale pour les examens d'entrée à l'école des Arts et Métiers d'Aix. Toutefois, ce brevet ne semble pas avoir relancé l'activité de l'entreprise qui se débat au milieu de grosses difficultés financières, faute d'un marché suffisant.
En 1876, François Salaché est en retraite : il a 67 ans. Son fils, Casimir, lui aussi fondeur, ne désire pas - ou ne peut pas - prendre la succession, car sa santé est précaire (il décèdera à 43 ans) et d'ailleurs, il sera conduit à cesser toute activité dès 1879. Dès lors, la fonderie Salaché est à vendre, mais encore faut-il trouver un acquéreur pour cette affaire peu ou pas rentable. En 1877, l'Annuaire de l'Aude indique qu'au 7 bis de l'allée des Soupirs, on trouve les frères Sicre (Louis est serrurier et Bernard, fondeur) à la fois à la rubrique fondeurs et à celle de mécaniciens. On peut en conclure que ce sont eux qui font fonctionner les ateliers, peut-être dans le cadre d'un accord de gérance."
Un peu plus loin il est question de la participation des Salaché au Concours régional agricole :

"Pour cette fonderie, le jury déclare que "cette maison s'est fait une réputation justement méritée pour ses articles d'ornementation. Elle s'occupe avec un égal succès de mécanique, et bon nombre d'établissements industriels vont se pourvoir dans leurs ateliers". Cette dernière déclaration est quelque peu sibylline dans le sens où l'on n'a guère d'informations sur ce que pouvait être cette activité mécanique. Tout au plus, en 1867, il y aura un brevet de pompe à eau, mais en 1859, il doit s'agir plutôt de fabrication de pièces spécifiques destinées à un usage précis et donc réalisées à la demande."
Enfin, P. et A. Fafeur notent que :

"En 1867, François Salaché expose un Christ en fonte, ce qui est un produit de fonderie sans pratiquement d'usinage. A cette occasion, le jury souligne que "cette entreprise ne fait spécialement de la mécanique, mais que par contre, elle est passé maître dans l'art de la fonte, avec en particulier des articles d'ornementation". Si on compare cette appréciation à celle du jury de 1859, on est conduit à noter une divergence qui vraisemblablement s'explique par le fait que François est fondeur et seulement fondeur. Dès lors, ce devait être son frère Guillaume qui avait en charge la partie mécanique, et comme ils se sont séparés, il n'y a plus  de mécanicien compétent dans la maison. C'est d'ailleurs ce que confirme l'examen du brevet de 1867 car on peut qualifier cette pompe de mécanique "simpliste", et le fonctionnement sur le plan hydraulique ne devait pas être exceptionnel."

Mais tout cela ne nous explique pas le sens de la sculpture figurant sur le tombeau. Guillaume ou François Salaché étaient-ils des compagnons du Devoir, l'un serrurier, l'autre fondeur ? Le "blason" au compas cintré semble écarter une appartenance maçonnique et il est douteux qu'il s'agisse d'un emblème purement corporatif.

Le tombeau de François Salaché à Carcassonne (11)

© Photographies Christophe Marty, D.R.

Un compagnon féru de généalogie sait-il si les frères Salaché, ou l'un d'eux, étaient des compagnons ?

Le tombeau de François Salaché à Carcassonne (11)

L'homme pense parce qu'il a une main. Anaxagore (500-428 av. J.-C.)


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