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MOTEUR COUPEZ ! (Jean Rollin - 2008)

Par Actarus682

http://3.bp.blogspot.com/_43gUC6eEaR0/TOOrOILR-6I/AAAAAAAABrM/7x9SwTZ41dA/s1600/Jean%2BRollin%2BMoteurCoupez%2B%2521.jpg"Tout porte à croire qu'il existe un certain point de l'esprit où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, cessent d'être perçus contradictoirement". Dans son livre de mémoires, le cinéaste Jean Rollin reprend à son compte cette phrase d'André Breton en y ajoutant: "C'est pour trouver ce point que je filme".

J'ai évoqué plusieurs fois au fil de ce blog mon amour du cinéma de Jean Rollin. Ce dernier, décédé il y a peu, publiait en 2008 ce MoteurCoupez !, recueil de mémoires d'un cinéaste en marge, metteur en scène totalement conspué par la critique et le monde du cinéma en général, et pourtant artiste au sens noble du terme, en cela que Jean Rollin imprimait littéralement sa sensibilité et sa poésie sur la pellicule. L'expression de la sensibilité et de l'esprit d'un être à travers un moyen de communication, telle est la définition de l'art. Jean Rollin était un véritable artiste.

Ce point de l'esprit où le réel rejoint l'imaginaire, dont parlait André Breton et qui importait tant à Jean Rollin dans  ses films, constitue effectivement la recherche permanente du cinéaste.

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MoteurCoupez ! transpire de la première à la dernière ligne de cet amour que Jean Rollin entretenait avec l'imaginaire. Cet imaginaire qu'il filmait avec un sens inné de la poésie et une approche surréaliste et bien souvent dadaïste de l'outil cinématographique. Loin de Jean Rollin l'idée de proposer des oeuvres linéaires dans lesquelles l'intrigue se déroulerait selon un schéma classique et usité. Ce qui intéressait le cinéaste, c'était au contraire d'inviter le spectateur à abandonner ses repères (sensitifs, émotionnels, cartésiens) et de le faire pénétrer dans un univers où l'onirisme le disputait à l'étrange, où des femmes vampires erraient sur la plage de Pourville-lès-Dieppe, si chère au réalisateur, où des couples se perdaient dans les dédales d'un cimetière toute une nuit durant, et où des clowns déposaient des bouquets de fleurs sur des pierres tombales.

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C'est un délice de chaque instant que de plonger dans la descriptions que fait Jean Rollin de son amour immodéré pour les créations mettant en scène des héros imaginaires, fantastiques, mystérieux. Ainsi, sa passion pour les illustrés, sur lesquels règnent en maîtres Fantax et Amok, ou encore son attrait pour les serials (le Fantômas de Louis Feuillade, ou les aventures d'Arsène Lupin), parviennent à projeter le lecteur dans un monde où le plaisir de l'imaginaire passe avant la logique et la rationnalité. Rollin parvient même au détour de certaines pages à faire ressentir l'odeur du papier même de ces bandes-dessinées de jadis, dont la magie et le charme planent sur les pages pour nous extirper de notre siècle et nous projeter dans un passé littéralement palpable.

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Par ailleurs, le cinéaste s'attarde (un peu trop) sur la marginalité à laquelle le condamna le monde du cinéma. Jean Rollin fut effectivement moqué, raillé, mis à l'écart par des critiques et des personnalités du monde du cinéma qui le considéraient comme un réalisateur médiocre, dont l'unique obsession était de montrer des femmes nues dans ses films, sans aucun sens de la mise en scène. Si cette dernière n'était effectivement pas le fort du cinéaste (ne soyons pas de mauvaise foi, Jean Rollin filmait selon le minimum syndical), il n'en demeure pas moins que ses films possèdent une véritable puissance poétique, non pas par le choix des cadres et des mouvements de caméra, mais par les décors, les situations, la lenteur hypnotisante de l'entreprise. La magie ne naissait pas de la technique cinématographique à proprement parler, mais de la disposition et de la posture des comédiens, de la présence d'éléments inattendus dans la scène,  ou de l'étrangeté des dialogues. La non-linéarité des histoires pouvait ainsi rebuter, de même que le choix de Rollin de faire se succéder des scènes qui n'avaient aucune articulation logique avec les précédentes (Le viol du vampire, premier long-métrage du cinéaste sorti en mai 68, provoqua ainsi l'ire des spectateurs, ces derniers s'attendant à assister à un film fantastique "classique"). L'on devine à travers les lignes du livre que ces critiques touchèrent Jean Rollin davantage qu'il ne veut bien l'admettre, le cinéaste y revenant régulièrement dans le livre tout en feignant de ne pas en être touché. Le comprendre rend le metteur en scène encore plus touchant.

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Du Viol du vampire à La nuit des horloges en passant par Lèvres de sang ou Perdues dans New York, les mémoires de Jean Rollin égrènent une carrière où le sens de l'amitié, des valeurs et de la débrouille comblait une carence permanente de moyens financiers. Les anecdotes sont ainsi légion et témoignent du caractère profondément artisanal de la démarche rollinienne, loin de la confection classique des oeuvres cinématographiques mainstream, inscrivant de fait les oeuvres du metteur en scène dans la catégorie si chère à ses yeux (et aux miens) de la série B.

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MoteurCoupez ! constitue pour tout amateur de cinéma un véritable trésor révélant les dessous de la série B et témoignant de l'amour inconditionnel que portait Jean Rollin à son art. Un homme pour qui la poésie et la beauté onirique cotoyaient en permanence la réalité. Ou ce fameux point de l'esprit où le réel rejoint l'imaginaire.


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