Magazine Info Locale

Interview de Florent Marchet : : "Je possède une certaine liberté"

Publié le 02 février 2011 par Toulouseblog

Avec son troisième album Courchevel, Florent Marchet transcende la musique hexagonale et se révèle un as du songwriting et des mélodies lynchées : Entretien fleuve avec un artiste hors norme.

C’est dans une journée marathon qu’on a pu s’asseoir en compagnie de Florent Marchet pour s’éterniser sur son travail, son talent et ses craintes. Homme autant exigeant que talentueux, toujours animé par un travail parcimonieux sur les textes et les sonorités, son dernier opus est une bombe incandescente, nostalgique, mélancolique, parfois dépressive mais qui se dégoupille avec plaisir. Un coup de cœur immédiat en première partie de Jacques Higelin le 3 février à la Halle aux Grains.

Commençons par le début, si tu veux bien. Quand as-tu été happé par la musique pour la toute première fois ?
Des souvenirs lointains je t’avoue. A vrai dire je ne m’en souviens pas vraiment. J’étais attiré par le piano, quand je rentrais dans une maison avec un piano, je me jetais dessus, et j’y collais des petits coups de poing. A cinq ans mes parents ont acheté un piano, je rentrais de la maternelle. C’est mon premier souvenir. Je me souviens être entré dans ce salon, avoir vu ce piano droit en leur demandant s’il allait rester. J’avais toujours peur qu’il se passe un truc. Quand un chat arrivait, je me demandais s’il allait rester. Au final, il s’est fait écraser. Plus difficile pour un piano…

Dans ton Berry natal, la musique était omniprésente je crois ?
J’ai toujours un peu baigné dans la musique. Mes parents, dans un village dans le Berry, organisaient des petits concerts. J’étais un peu le seul musicien du village, mais il y avait des musiciens du monde qui passaient à la maison. Je me souviens du pianiste de Chuck Baker. Il ne se passait pas beaucoup de choses dans le Berry. Mais il y avait ça et beaucoup ça. Puis, il y a eu l’envie, et à l’âge de dix ans, je ne me concevais pas de faire autre chose que de la musique. Ce qui est un peu problématique car l’intérêt de l’école diminue sacrément.

Des artistes t’ont marqué à cette époque là ?
Les pianistes m’ont appris des gammes incroyables. Des trucs que je ne connaissais pas car j’avais une formation assez classique. Mes modèles au début ont toujours été des gens morts comme Chopin… J’ai eu un cursus classique jusqu'à l’âge de 15 ans. Je faisais que ça. J’ai découvert plus tard la pop, la guitare…

Pour l’excellent album Courchevel, tu as créé ton propre label. Peux tu m’en dire plus ?
L’album est en faite sorti chez Pias. Donc, une maison de disque. J’ai monté ma structure, ma boite de prod pour être indé. Ce qui m’a permis de monter ce qui est réellement mon troisième projet, frère animal. Je n’ai pas un label proprement dit, il faut des gens pour y croire… Aujourd’hui, c’est devenu essentiel pour nous musiciens d’avoir notre outil de production parce qu’on ne peut pas attendre de long mois les maisons de disques.

Il te faut une certaine liberté en faite pour créer.
D’abord, et puis il me faut du temps pour écrire. Si on doit attendre d’être en studio pour enregistrer un album, on est en studio tous les deux ans. Cela n’aide pas pour progresser, pour avancer. Je viens de l’école du home studio. Dès mon premier contrat avec Barclay, l’idée était de me financer le matériel pour ne pas aller en studio. Du coup, j avais déjà cette forme d’autonomie. J’avais ce matériel riche chez moi…

En plus, tu es un collectionneur d’instruments !
Oui oui ! Quand tu écoutes Pierre et le Loup, tu arrives à repérer des instruments classiques et acoustiques qui ont compté pour l’histoire de la musique. Et par contre, il n’y a pas de Pierre et le Loup pour les claviers des années 70, 80 et 90 . Alors qu’ils sont aussi importants pour la musique. Cela participe à l’histoire de la musique autant pour la pop que le classique. Mais, c’est plus difficile de les repérer.

C'est-à-dire ?
Je suis pianiste de formation, quand j’écoute un album, notamment les vieux trucs, on ne sait pas ce que c’est. J’ai mis du temps mais quand j’ai pu repérer ce qu’était un clavinet, peu importe… J’ai essayé de les avoir, car je pouvais en jouer. C’est une palette aussi. On peut avoir des palettes de sons énormes avec un maximum de claviers.

Des palettes que tu utilises à bon escient dans Courchevel.
Il y a beaucoup d’instruments et notamment de claviers car ce sont de bons vieux instruments. Aujourd’hui, même en électro, on continue d’utiliser ces vieux instruments… Car la recherche s’intéresse aux softs, aux processus d’enregistrement. Les vieux synthés n’étaient pas parfaits, un peu mécaniques. Ce n’est pas parfait mais cela crée des sons très intéressants. Certains se désaccordent, par exemple quand ils chauffent trop. C’est des matières qui m’intéressent.

Courchevel est un vrai travail d’orfèvre. C’est quoi qui vient en premier : les textes, la mélodie ?
Tout en même temps. C’est l’avantage d’avoir un home studio. Très souvent je pars de fulgurance, de quelques phrases, et si je n’ai pas de mélodie, j’avance comme ça en chemin faisant. Quand j’ai le corps de la chanson, j’entre en studio pour poser. J’enregistre plusieurs fois. L’important est que je peux m’attarder car j’ai plus de temps. Peut être aussi moins de prise de risque. Mais c’est bien de perdre du temps, d’essayer, d’explorer plein de pistes.

T’as toujours travaillé comme ça sur les albums précédents ?
Oui, du coup. Mais beaucoup sur celui-ci. Avoir le studio à disposition, on se lève, on a envie d’y aller. On pourrait se noyer dans les détails, mais c’est important. En tout cas pour moi, c’est important. Parfois, on met trois heures pour un son de clavier, parfois pour rien mais c’est un vrai plaisir que j’ai. Je ne suis pas raisonnable, mais j’aime explorer plein de trucs et savoir dire maintenant ça suffit.

Quand on écoute les sons et tes textes mélancoliques, parfois nostalgiques, il y a quelque chose d’entraînant, c’est quelque chose que tu voulais faire ?
Oui, totalement. J’ai abordé la réalisation de cet album comme un photographe. Un photographe fait attention à la lumière, au cadre, au sujet… On ne fait pas une photo comme un sagouin. Pareil pour la musique, j’avais besoin de cette lumière, je savais que je la donnais avec les sons. Et puis, j’aime le contre point en abordant des sujets qui sont durs, des problèmes de sociétés…

Comme Benjamin…
Carrément, le personnage ne va pas super bien.

D’ailleurs, comment as-tu rencontré Arthus de Perguern pour le clip et à qui on doit l’hilarant Grégoire Moulin ?
J’ai beaucoup aimé ses courts métrages comme son long métrage, mais cela a plus de dix ans. J’avais suivi son parcours. Je l’avais perdu de vue même si je ne le connaissais pas. J’ai rencontré des gens pour le clip, et ce n’était pas évident car je n’aime pas travailler avec des gens qui font que du clip. Je voulais une extension de la pochette, avoir un vrai artiste pas un faiseur de clip. Et, j’ai trouvé un partenaire de travail en la personne d’Arthus. Et, il avait une vraie ambition artistique. J’étais alors en confiance car c’est un véritable directeur d’acteur pour capter beaucoup de choses.

C’est une évidence d’être Benjamin dans le clip…
Oui bien sûr, car j’incarne les personnages sur scène, et ça me plaisait bien. Je ne voulais pas être le chanteur en retrait. Je n’avais pas envie de chanter en play-back. On s’est surtout marré à le faire, c’était une fête de deux soirs de nuits blanches. Et, c’était une occasion de réunir mes potes autour d’un même projet.

C’est un excellent clip mais qui a du mal à être diffusé…
Quand je vois qu’il est interdit de diffusion sur M6 par le syndicat des mères de familles, je suis navré. Elles ont fait pression sur la direction de la chaîne. Autant, ils vont me programmer sur des émissions où je suis passé, par contre pas de clip. Tout cela à cause de l’alcool, on y voit une bouteille. On marche sur la tête. Je pourrais être dans cet état là en buvant du Champomy. Mais heureusement qu’on a viré la clope. C’est incroyable, quand on voit les clips où l’image de la femme est plutôt abîmée, où elles sont traitées comme des p... , ça les mères de famille approuvent. C’est de l’hypocrisie pure et dure.

Pour ce troisième opus, j’ai l’impression que le public commence à suivre, loin des sorties dans l’anonymat des premiers albums.
Oui le public suit. Benjamin commence à tourner en radio. Et puis l’album est récent il date d’octobre. Mais ce n’est pas une fin en soi de passer en radio au départ. C’est une nécessité. J’ai eu un succès d’estime au début ce qui ne suffit pas pour monter une vraie tournée. Là, on va avoir plus de 100 dates, et on va pouvoir faire le prochain album sans pression.

T’es déjà dans le suivant là ?
Oui, on est toujours dans le suivant. Mais on a plein de doutes, de stress mais c’est avant tout un plaisir alors pourquoi attendre. Si par-dessus des convergences économiques se rajoutent, c’est dur. C’est pour ça que je veux un maximum de liberté. La priorité des maisons de disques c’est un single, après tu peux toujours faire un album autour. Cela a desservi beaucoup de gens. Pas moi, car je possède une certaine liberté.

La scène est un moment majeur dans la carrière d’un artiste. C’est ton cas aussi ?
C’est devenu essentiel depuis pas si longtemps. Au début, je n’y voyais aucun intérêt. Je voyais qu’imperfection. Je ne retenais que les fausses notes. Le coté plus vivant, plus animal, je l’ai découvert chemin faisant au cours des tournées. J’ai repéré aussi que mon écriture évoluait, même ma façon de jouer et de chanter. Et cela nourrit un album. On s’abandonne sur scène, c’est la même chose que de faire l’amour. Il n’y a pas d’intérêt sans abandon. Cela donne des accidents, on recherche des moments de fulgurance, des choses inconscientes, un moment où des choses vont sortir.

Revenons au but de cette interview, ton passage par Détours de Chant. C’est important de faire partie de ce festival ?
C’est important de rencontrer un public plus large, de montrer ses chansons. C’est chouette. Je ne vais pas mentir : être dans des festivals clé, c’est important. Ça fait plaisir, ça gratifie ton travail. C’est la possibilité de faire un album suivant sans difficulté. Je ne dis pas non plus que ce sera facile au niveau de l’exigence ou de la création artistique mais tu possèdes alors une certaine assise sur la scène. La pression est moindre.

Toujours un peu de stress avant d’entamer un set ?
Oui, toujours. Mais c’est marrant, je pensais que le stress s’en irait alors que j’en ai toujours autant. Il y a toujours l’envie d’avancer. J’ai toujours envie que cela progresse. La scène peut permettre l’évolution. Je sais que c’est mieux maintenant mais ce n’est pas encore ça. C’est ça qui est excitant, car c’est quelque chose sans fin. On essaye aussi de repousser les barrières.

Dernière question : Qu’est ce qu’une bonne chanson ?
Un truc à la Jean Pierre Coffe (rire). Qu’est ce qu’une bonne chanson, euh, pour moi, c’est une chanson qui émotionnellement provoque tellement de choses que cela devient une obsession de la réécouter. Une chanson qui, sans vraiment savoir pourquoi, atteint son but émotionnel d’un coup. Elle participe à notre construction d’individu. Après l’écoute de la chanson, on n’est plus le même, cela donne une grande responsabilité. Si elle ne me marque pas au fer rouge, elle est ratée. C’est ça en gros !

Florent Marchet sera en concert à la Halle aux grains jeudi 3 Février, en première partie de Jacques Higelin. L'occasion de passer à coup sûr une magnifique soirée. 

> Le programmation du Festival Détours de Chants 2011

Détours de chant du 28 janvier au 6 févier 2011 à Toulouse et ses environs.

Aller plus loin....
Agenda concerts



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Toulouseblog 2132 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine