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[Critique] Le Discours d’un Roi

Par Kub3

Article originellement publié le 20 janvier 2011

Parole du pouvoir, pouvoir de la parole

Loin du film historique auquel on pouvait s’attendre, Le Discours d’un Roi resserre son sujet autour de la lutte d’un homme de pouvoir contre son bégaiement. Un film beau et touchant, sublimé par l’interprétation majestueuse de Colin Firth.

[Critique] Le Discours d’un Roi

La maîtrise de la parole et l’exercice du pouvoir ont toujours été intimement liés en politique. Ce qu’on appelle la rhétorique, étymologiquement entendue comme “technique, art oratoire”, a dès la Grèce antique été considérée comme le vecteur essentiel dans la pratique oratoire afin de persuader l’auditoire. Depuis, cette rhétorique s’impose jusqu’à nos démocraties modernes : un bon dirigeant doit avant tout être quelqu’un qui parle bien.

Que peut alors faire un homme promis au trône lorsqu’il est physiologiquement incapable de prononcer un discours éloquent ? En se penchant sur la vie du futur Roi George VI d’Angleterre à la fin des années 1930, Le Discours d’un Roi prend d’emblée une dimension universelle. Souffrant de bégaiement depuis sa plus tendre enfance, l’homme est contraint de trôner suite à l’abdication de son frère, tandis que le nazisme menace l’Europe. Dans un contexte tendu, l’intimité traumatisée du personnage se confronte à un enjeu politique mondial. Le film trouve sa force dans la tension permanente entre deux échelles : la vie personnelle d’un homme complexé et son apparente incapacité à exercer sa responsabilité de chef de la nation.

Entre les mains de Tom Hooper, qui s’était auparavant exercé à la réalisation de téléfilms britanniques, Le Discours d’un Roi peut sembler trop académique et sage, calibré pour les Oscar. Un grand rôle, de grands personnages, une belle histoire : le film étonne peu dans sa construction narrative et, sans surprendre, fait simplement appel à une écriture impeccable et à une distribution excellente. En concentrant la narration sur la relation entre le futur Roi et Lionel Logue – son thérapeute du langage -, le scénario évite le traditionnel biopic en jouant sur la complémentarité entre ses deux acteurs principaux : Colin Firth et Geoffrey Rush. Les personnages, en résonance permanente, s’enrichissent mutuellement lors de scènes nerveuses, tantôt comiques, tantôt dramatiques.

Autour de son casting (par ailleurs irréprochable), la réalisation faussement classique vient compléter l’interprétation de Colin Firth, tout en justesse. Les traumatismes du personnage, sa nervosité, mais aussi sa solitude, sont remarquablement mis en valeur par des compositions de cadre jouant avec les optiques tandis que les plans, plongées et contre-plongées expriment tantôt le déséquilibre, le vertige, l’instabilité. Le Discours d’un Roi est un modèle de virtuosité discrète, jusqu’à sa dernière demi-heure glorieuse et symphonique au son de Beethoven, laissant exploser une véritable émotion esthétique peu à peu amenée par la mise en scène.

Parole du pouvoir, pouvoir de la parole : autour du thème de la communication décliné sous des approches très diverses (le bégaiement du roi, les niveaux de langage selon le milieu social, le développement de la radio comme média de masse…), Le Discours d’un Roi ne s’embarrasse cependant pas de réflexions politiques. Loin d’une leçon d’histoire, le film de Tom Hooper est avant tout le récit d’une guérison, d’un épanouissement, d’un apprentissage du bonheur, le tout filmé avec un vrai talent de cinéaste.

[Critique] Le Discours d’un Roi

En salles le 2 février 2011

Crédits photos : © Wild Bunch Distribution


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