Lors d'un précédent billet, j'écrivais que le rythme était un modèle temporel pour l'histoire de l'art, du moins pour celle que j'ai envie de faire. Le rythme n'est pas une simple métaphore musicale, mais au contraire, c'est presqu'un principe de vie. Il y a quelque chose de fondamental dans le rythme : tout le monde a un rythme, une démarche particulière, une manière de faire qui concorde avec son être intime. Certains le cachent peut-être derrière toute sorte de formules, mais il transparaît toujours un peu et c'est lui, au fond, que nous voulons entendre derrière les mots.
Suivre son rythme, ce n'est pas essayer de convaincre les autres ou même d'être convaincu soi-même, mais simplement d'habiter chacune de nos pensées. Le rythme n'est pas un savoir intellectuel, mais une manière d'être au monde qui se passe des pensées. Assumer son rythme, ce n'est pas se battre pour défendre ses positions dans la vie, mais vivre ses positions, tout simplement...Enfin, ce n'est pas toujours si simple.
Nous avons besoin de l'histoire, disait Nietzsche, mais non dans le but d'augmenter nos connaissances sur le passé, mais "toujours en vue de la vie", de l'action (Nietzsche, encore!). Nous avons cette malheureuse tendance de figer les choses pour les conserver, pour les "connaître", alors que la meilleure manière de faire perdurer quelque chose est de prolonger cette chose dans un mouvement continu et de faire en sorte que le mouvement soit transmis. La meilleure manière de connaître quelque chose est de l'habiter dans son propre mouvement, ce que j'appelle le rythme.
Le rythme, au sens musical, représente la répartition des sons dans le temps de la composition. Mais dans un tableau, le rythme représente plutôt la répartition des éléments constitutifs d'une oeuvre dans l'espace de la composition. Le temps et l'espace. La linéarité et la simultanéité. La chronologie et l'anachronie. L'histoire qui m'intéresse connaît l'aspect indissociable du temps et de l'espace tel que l'avait si bien "rythmé" Einstein.
Le rythme est fait de retours, à intervalle, de quelque chose. En musique, c'est le retour d'un son ou plutôt, c'est notre conscience intime du temps qui crée le retour et par la-même le rythme. Un tel modèle temporel engendre une histoire toute faite de retours et de survivances au sein d'une composition mouvante.
J'ai écrit à la manière de tant d'auteurs parce que j'aimais leur rythme. J'ai imité ceux que je considérais les plus "grands" parce que j'admirais leur cadence. Le plus grand défi est maintenant de (re)trouver mon rythme, après tant d'années à danser sur le beat des autres...