La culture « au-delà des murs »

Depuis le 26 janvier, Georges de la Tour, Le Caravage, Théodore Géricault ou encore Andrea Mantegna se sont introduits dans la prison de Poissy (Yvelines). Dix reproductions d’œuvres du Louvre recouvrent partiellement les murs gris  de la cour de promenade. L’exposition « au-delà des murs » permet de repenser la place de la culture en milieu carcéral.

Dans la maison centrale de Poissy, plus de 80% des condamnés le sont pour des peines de plus de vingt ans. D’ordinaire, la télévision et la bibliothèque de l’établissement constituent les principaux intermèdes culturels permis aux prisonniers. Un partenariat entre la centrale, le Louvre et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) des Yvelines a rendu possible l’élaboration d’une exposition inédite en son genre. Dix détenus volontaires ont été invités à choisir chacun une œuvre parmi les 26 peintures du Louvre qui leur étaient proposées.  Les reproductions grandeur nature des dix oeuvres choisies sont exposées dans la cour de la prison.

Ces œuvres s’inscrivent au cœur d’un véritable projet pédagogique. Les détenus ont réfléchi avec un architecte-scénographe à la façon dont ils allaient accrocher les reproductions. Des ateliers d’écriture ont aussi été créés afin d’encourager les prisonniers à s’exprimer sur les œuvres. Un catalogue de l’exposition a été réalisé grâce aux textes qu’ils ont écrits.

Selon Henri Loyrette, le directeur du Louvre, ce projet est « une nouvelle occasion de s’engager auprès des publics éloignés des pratiques culturelles ». Le Louvre s’est lancé depuis de nombreuses années dans une politique d’ouverture. Jean-Amédée Lathoud, le directeur de l’administration pénitentiaire a évoqué les avantages de ce type de projet. Les deux hommes mettent en avant la nécessité d’inclure des lieux d’exposition dans les futures constructions d’établissements pénitentiaires.

L’exposition « au-delà des murs » met une nouvelle fois en avant la nécessité de développer les activités culturelles dans le milieu carcéral. Si les projets de ce type restent encore relativement rares, les principes d’une action culturelle dans les établissements pénitentiaires ont pourtant été définis dès 1986. Un accord entre le ministère de la Culture et le ministère de la Justice avait alors été signé pour notamment « encourager les prestations culturelles de qualité ». Cet accord tient compte d’un avis largement partagé selon lequel la culture permettrait aux détenus de mieux supporter l’enfermement, de s’instruire, et même, de mieux se reconstruire. Selon le personnel de surveillance les activités culturelles contribueraient à atténuer les tensions. 

Les activités culturelles ne prétendent pas non plus résoudre toutes les difficultés rencontrées en milieu carcéral. Certains spécialistes du système pénitentiaire français mettent en avant le risque de faire des détenus des « privilégiés ». La culture ne doit pas être perçue par les détenus comme une échappatoire permettant d’oublier la faute commise. Cependant, la réalité carcérale, teintée de violence, semble encore très sombre. Les tableaux factices exposés à Poissy pourront peut-être permettre aux détenus de développer de nouveaux espoirs et de croire en un nouveau départ, bien réel.