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Pour Moubarak les «Cairotes sont cuit(e)s» ! ses partisans sanguinaires ont gâché la fête démocratique

Publié le 04 février 2011 par Kamizole

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Nous pouvions nourrir quelques doutes sur la “contagion” de la révolution tunisienne aux autres dictatures - n’ayons pas peur des mots - arabes. Des immolations par le feu en Algérie ou Egypte. Depuis vendredi dernier - «jour de colère» au Caire - nous savions Moubarak en sursis. Tout comme Ben Ali, il pouvait annoncer tout et n’importe quoi, le peuple affamé – au sens littéral aussi bien que de libertés – n’avait plus d’oreilles. Tout comme à Tunis, sa police fit de nombreux morts. Tout comme à Tunis, ce fut l’armée – rouage essentiel notamment de l’économie, aussi paradoxal que cela pût paraître – qui prit le relais et tout aussi paradoxalement, avec l’aval du peuple.

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Malgré le pessimisme de Karim Bitar, chercheur associé à l’Iris, interviewé par le Nouvel Obs le 31 janv. 2011 affirmant qu’il s’agissait “d’un processus irréversible à moyen terme” dans le monde arabe par «l’effet domino car il y a plusieurs tendances lourdes dans le monde arabe» mais qui, en même temps, doutait que l’Egypte pût connaître un «happy end» à la tunisienne, je ne pouvais m’empêcher – incorrigible rêveuse ! mais non dénuée de sens critique - d’espérer un scénario à la tunisienne : la rue chassant le dictateur en manifestant pacifiquement. En bonne ex-soixante-huitarde, je pensai : «Moubarak, t’es foutu, ton peuple est dans la rue !»… D’autant que l’armée semblait avoir pris fait et cause pour les insurgés, disant qu’elle ne tirerait pas sur la foule dont les revendications étaient légitimes. J’en étais donc restée aux images du 1er fév. 2011 montrant une gigantesque foule bon enfant – selon les sources, de plusieurs centaines de milliers de manifestants à un million, voire deux.

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Me disant qu’en France, avec quasi le même nombre, nous n’avions pas réussi à faire plier Sarkozy sur la réforme des retraites, preuve s’il en est que nous ne vivons plus en démocratie : ce que veut le peuple, il s’en bat l’œil. On comprend mieux pourquoi il serre dans ses bras à peu près tout ce que la planète connaît de dictateurs, surtout quand ils servent ses intérêts économiques et géo-politiques. Entendre ceux des multimillionnaires du COUAC-40, invités de la si longue nuit du Fouquet’s.

Décidément, “Calamity MAM” n’en rate pas une ! Nous l’avions quittée proposant ignomineusement les services de la police française à la Tunisie mais elle fait encore l’actualité cette semaine. D’abord le scandale dévoilé mercredi par le Canard enchaîné Michèle Alliot-Marie a profité de l’avion d’un proche de Ben Ali (Le Monde du 1er fév. 2011). Elle plaide les liens d’amitié de sa famille avec celle d’Aziz Miled et son entourage s’évertue à nous faire croire que Miled ne serait nullement un proche des Ben Ali, mieux : il aurait même été victime du clan, obligé de leur céder 20 % de sa société (les vraies victimes en perdaient bien d’avantage !). Il n’empêche, il fut démontré qu’il aurait financé la dernière campagne de Ben Ali… Contraint ou à l’insu de son plein gré. Et pour finir en beauté, j’ai vu dernièrement sur BFM ou i-télé une vidéo bien embarrassante pour la ministre des Affaires étrangères : elle y vantait la qualité des relations entre Nicolas Sarkozy et Hosni Moubarak… Ça l’affiche plutôt mal en ce moment !

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Mardi, je dus m’absenter une grande partie de l’après-midi. Rentrée fourbue et m’étant levée comme à l’accoutumée vers 3 heures du matin, je mangeai très rapidement avant d’aller dormir sans même regarder la télévision ni écouter France-Info. C’est dire combien je fus accablée de tristesse – le mot est faible – et de colère en découvrant le lendemain matin dès potron-minet les terribles images des pro-Moubarak assaillant les manifestants.

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Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que ceux d’entre eux qui n’appartiennent pas directement au PND de Moubarak furent “achetés” par ses sbires (plusieurs sources concordantes) pour quelques poignées de livres égyptiennes et quant à ceux qui les ont imités à dos de chameau, j’ai entendu et lu (20 minutes du 2 fév. 2011) Revivez les événements en Egypte de mercredi: le bilan officiel fait état de trois morts et 639 blessés qu’il s’agirait des chameliers de Guizeh mécontents de la situation car il n’y a plus de touristes et ils ne peuvent plus travailler. Amis touristes, quand vous visiterez à l’avenir les pyramides, n’hésitez pas à leur faire le doigt d’honneur qu’ils méritent : balpeau pour le bakchich !

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Un pouvoir aux abois. J’attends avec anxiété la manifestation annoncée pour ce vendredi, dite «jour du départ». Apparemment, l’armée s’est – enfin ! – interposée entre les manifestants et les assassins à la solde de Moubarak ou de son nouveau vice-président, le général Omar Souleïmane – 75 ans ! soutenant Hosni Moubarak 83 ans… encore un fameux exemple de gérontocratie. Un faux-nez : il est de notoriété communément admise qu’ils sont copains comme cochon (je ne choisis pas mes mots au hasard !) Souleïmane ayant sauvé la vie du raïs. Et encore, a-t-on pour l’instant échappé au pire : Moubarak envisageait la succession de son fils ! Dictateurs de père en fils : Duvallier, Bongo, El Hassad, et j’en oublie certainement. En Tunisie, c’est Leïla Ben Ali qui projetait de prendre le pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat fomenté par ses proches. Bingo ! elle a maintenant Interpol aux fesses. Un scénar digne de Morris West.

Mais surtout, je m’interroge sur le rôle de l’armée égyptienne. Nous l’avions vue lors de la grande manifestation du 1er février fraterniser avec les manifestants et contrôler tous les accès à la place Tahrir – en français : de la Libération – au demeurant aidée par les citoyens qui contrôlaient les cartes d’identité pour éventuellement filtrer les policiers en civil. Comment ont-ils pu laisser passer en masse les pro-Moubarak - de surcroît armés, y compris de sabres ! - lors même qu’ils étaient prévenus de leur intention de venir perturber le bon déroulement de la manifestation ? Prétendument pour éviter un bain de sang !

Je me demande bien combien il y aurait eu de morts (au moins 6 en deux jours) en ayant garde d’oublier les centaines de blessés, en deux jours d’affrontements sanglants. Tous à mettre au compte des pro-Moubarak. Je ne vois qu’une explication, à savoir que les militaires auront joué double jeu. Mais ce faisant, ils ont jeté les manifestants pacifiques dans la gueule du loup.

On ne compte plus les journalistes étrangers pris à partie, victimes d’exactions, de violences, le matériel ou les enregistrements confisqué sans autre forme de procès, interrogés, interdits de filmer à partir de l’hôtel Hilton qui surplombe la place Tahrir, certains ayant été privés momentanément de libertés. Selon ce que j’entendais hier sur BFM ou i-télé, une équipe de trois journalistes qui manqueraient à l’appel… dans ma déjà longue vie je n’ai hélas que trop rencontré de conjoints de “disparus” jamais retrouvés.

Toujours le procès de l’étranger – un complot ! – visant à donner une mauvaise image de l’Egypte. Ils y suffisent grandement par eux-mêmes et ces tragiques évé-nements ne devraient rien arranger. Une dictature aussi liberticide que sanguinaire, avec un Moubarak prêt à tout pour se maintenir. Prétendument pour éviter le chaos… Même son de cloche que Ben Ali. Si ce qui se déroule en ce moment sous nos yeux hagards n’est pas total chaos, j’aimerais que l’on m’expliquât ce qu’il faut entendre par chaos.

Toujours le même argument : éviter le péril islamiste et notamment les “Frères musulmans” mais d’après tout ce que j’ai pu lire, quand bien même auraient-ils pris – assez tardivement au demeurant - fait et cause pour la révolution, ils n’ont nulle envie de se mettre en première ligne comme en témoigne l’interview de Joshua Stacher, chercheur à l’université de Kent (Ohio, Etats-Unis) donnée au Monde le 1er fév. 2011 Pragmatiques, “les Frères musulmans préfèrent ne pas être aux avant-postes”. L’Histoire nous dira la suite… Je ne suis ni Mame Soleil ni la Pythie et n’ai aucune propension à ratiociner.

Contre la doxa islamophobe qui voit des terroristes partout voire des “Occupants”– n’est-ce pas, Marine Le Pen ? – je ne pense pas que les Frères musulmans représentent réellement un péril en Egypte. Certes, le régime de Moubarak les a-t-il pourchassés depuis des dizaines d’années, au nom de la lutte contre le terrorisme – ce qui lui valut de substantielles aides de la part des Américains – mais il s’en faudrait de beaucoup qu’ils fussent considérés comme illégitimes par la majeure partie de la population égyptienne au sein de laquelle ils sont parfaitement intégrés et que surtout, ils aident matériellement et financièrement quand les temps sont trop difficiles.

Si je peux risquer un parallèle, je dirais qu’ils agissent comme le fit l’Eglise catholique en France dans les moments troubles des grandes invasions et des sanglantes luttes pour le pouvoir entre les rois mérovingiens ou carolingiens (lire notamment Grégoire de Tours) ou d’autres chefs quand la barbarie sans nom n’épargnait pas les populations. Devant la désorgani-sation du pouvoir, l’Eglise fut en effet la seule institution à rester debout, grâce notamment au maillage du territoire par les paroisses et les évêchés. Elle s’efforça, elle aussi de prêcher la “modération” aux princes et rois rivaux et à leur soldatesque tout en aidant la population.

J’ai lu par ailleurs (Le Point du 2 fév. 2011) que s’ils redoutent l’arrivée au pouvoir des islamistes Les coptes d’Égypte se joignent aux manifestations - ils repré-sentent à peu près 10 % des 80 millions d’Egyptiens - car ils souhaitent tout autant le départ d’Hosni Moubarak… Contre l’avis de Chenouda, primat de l’Église copte, qui a rendu hommage à Moubarak… Celui-là il doit en tirer sans doute pas mal d’avantages, tant pis pour la population et avoir le trouduc aussi large qu’une bouche de métro. Mais ses fidèles ont choisi un autre camp. Celui de la liberté et de la démocratie.

Je m’en voudrais de ne pas tailler un costume toutes saisons à Benyamin Netanyahou qui d’après ce que j’entendis il y a quelques jours n’aurait même pas eu honte de demander aux Américains de ne pas soutenir la révolution égyptienne ! Peu lui important la dictature et les conditions de vie des Egyptiens. Il se borne à exiger que tout gouvernement égyptien respecte la paix avec Israël (dépêche AFP du 1er fév. 2011)… Mais j’oserais la question qui tue : quid de la paix avec les Palestiniens ? C’est “L’arlésienne” du Proche-Orient : on en parle beaucoup mais sans jamais la faire, ou à moitié comme après les Accords d’Oslo. Ensuite, il a suffit qu’un exalté ultra-religieux assassine Rabin pour tuer définitivement (?) la paix. J’en ai pleuré ce jour-là.

Si aujourd’hui les Israéliens ne sont plus en guerre avec l’Egypte, c’est grâce à “la paix des braves” entre Anouar El Sadate et Menahem Begin : l’accord de paix signé à Washington (1979) qui leur valut à tous deux le prix Nobel de la paix la même année. Paix séparée qui valut au demeurant à Sadate d’être mis au ban des nations arabes. Qu’ont-elles jamais fait pour la paix ? Rien. Elles se sont même lavé les mains en 1948 quand les Israéliens pourchassèrent les Palestiniens. De mon avis, la Guerre des Six jours (juin 1967, l’année de mes 20 ans !) fut même une sinistre autant qu’inutile connerie voulue par l’Egypte mais dont seuls les Palestiniens payèrent les frais : territoires occupés et perte de Jérusalem.

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En zappant sur la bande FM j’entendis la semaine dernière une taspé hystérique – je peux la “traiter” sans qu’elle me fît quelque procès : je ne connais ni son nom non plus que celui de la radio – glapir entre autres conneries et avec une joyeuse férocité que la paix n’interviendrait jamais, les Israéliens se fichant éperdument du sort des Palestiniens… Ben voyons ! Ma cocotte, si vous préférez la guerre permanente à la paix durable ! Continuez comme ça.

On ne vous demande pas d’éprouver de l’empathie à l’égard des Palestiniens mais de faire preuve d’un peu de jugeote. S’il plait aux Israéliens de consacrer des millions voire des milliards pour entretenir l’armée et tout l’arsenal de guerre cependant que certains Israéliens sont dans la misère la plus noire, de vivre sous le menace constante d’attentats-suicide ou de tirs de missiles, qu’ensuite ils ne viennent pas se plaindre : «Qui sème le vent, récolte la tempête» (Osée 8-7). Je reste persuadée quant à moi que la douleur d’une mère qui perd son enfant est la même des deux côtés de la frontière et qu’en outre la paix est inéluctable à terme. Israéliens et Palestiniens étant “condamnés” tant par l’histoire que la géographie à s’entendre. Il ne saurait y avoir d’autre solution que deux Etats souverains avec des frontières reconnues internationalement. Le statut de Jérusalem restant à définir. Il me semble depuis déjà longtemps qu’au moins la partie historique devrait être sous statut international dans la mesure où Jérusalem est considérée comme “ville Sainte” pour les trois religions dites “du Livre” (la Bible) : juifs, chrétiens, musulmans (par ordre d’apparition historique).

Je ne suis guère rassurée quand je lis dans Le Monde que Benyamin Nétanyahou veut “renforcer la puissance d’Israël” (2 fév. 2011). Ce sont encore les Palestiniens qui vont morfler ! Selon ce que je lis sur Le Point (3 fév. 2011) La hantise d’Israël Netanyahou envisage un scénario catastrophe : «Comme cela s’est passé dans plusieurs pays, y compris en Iran, l’islam radical pourrait, à la faveur du chaos, prendre le contrôle de l’Egypte, menaçant ainsi la paix, la stabilité et les intérêts de l’ensemble du monde éclairé». Parce que Netanyahou est “éclairé”, peut-être ? J’ai toujours considéré que les lueurs de l’intelligence lui faisaient cruellement défaut.

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Perso, je ne crois pas du tout à un scénario à l’iranienne. En 1978 et 1979 je suivis les événements de mon lit d’hôpital en regardant les infos à la télé et en lisant Libération. Je subodorai bien que ces jeunes filles qui arboraient fièrement le tchador par défi – au-dessus de leurs jeans ! – ne resteraient pas libres longtemps sous la férule de Khomeyni, alors réfugié en France. Les temps ont changé en 30 ans. Chat échaudé craint l’eau froide et je ne pense pas que les femmes égyptiennes soient prêtes à accepter pareille soumission.

Il ne faudrait pas non plus comparer les Frères musulmans - confrérie créée en 1938 et largement composée d’intellectuels, de cadres et de professions libérales - aux Talibans, pauvres imbéciles aussi ignares que fanatisés.

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Le 1er février, l’opposant El Baradei disait vouloir une “sortie honorable” (Flash-actu du Figaro). Il y a belle heurette que je suis persuadée que le sens de l’honneur est une vertu cardinale totalement absente chez Moubarak. Avec les exactions sanglantes de ses partisans, lui restera collée pour l’Histoire, l’image d’un dictateur ne répugnant à aucun procédé pour se maintenir au pouvoir et a qui fait le choix de la guerre civile.

Mais lâché par la communauté internationale. Les Etats-Unis – Obama aussi bien qu’Hillary Clinton – exigeant une «transition» pacifique vers la démocratie, de même que l’Union européenne et la France. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’altruisme mais d’intérêts économiques bien compris : les Bourses ont accusé le coup et, s’agissant de la France, outre la BNP, nous trouvons notamment Vinci, Bouygues, Lafargue et Alstom pour la rénovation du métro et la construction de nouvelles lignes. Sans oublier le Club Med, Air-France et tous les “tour-opérators”, Alcatel-Lucent et Veolia (gestion des déchets à Alexandrie).

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Vous y ajoutez le risque d’un blocage du Canal de Suez par où transitent de nombreux pétroliers : les cours du brut ont grimpé en flèche… Les Bourses détestent l’incertitude et souvenons-nous que le premier “choc pétrolier” survint en 1973 après la Guerre du Kippour (encore une belle connerie !).

Toujours en bonne ex-soixante-huitarde : «Moubarak t’es foutu, le peuple & les Bourses auront ta peau» ! Effectivement, ça chie grave sur la Planète finances… et c’est sans doute ce qui en dernière instance fera la différence. Egyptec: les Bourses du Golfe, à l’exception de l’Arabie, dans le rouge (Le Parisien du 30 janv. 2011). Et plus grave encore : L’Egypte coûte à Wall Street sa plus forte baisse depuis novembre (dépêche AFP du 28 janv. 2011).

Or donc, pas besoin d’être économiste chevronnée pour comprendre pourquoi il est lâché par la communauté internationale. En guise d’épitaphe. Qu’il parte ou qu’il crève, vous pensez bien que cela ne me fera ni chaud ni froid. Pas de Requiem mais bien plutôt un Te Deum. Avec du champagne pour vin de messe. Que nos frères et sœurs d’Egypte acceptent cette “action de grâces” qu’ils fussent musulmans, coptes ou laïques. Il est des “communions” qui s’imposent spontanément : dehors, le tyran !

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