Magazine Culture

Stranded Horse - "Humbling Tides" 2011 Talitres

Publié le 05 février 2011 par Audiocity

 

Premiers contacts et premiers regrets. Et puis, une fois n'est pas coutume (même si je trouve que cela m'arrive trop souvent), l'impression de m'être à nouveau laisser berner par ma première intuition, celle qui me pousse à acquérir un album sur quelques mélodies entendues, sur une voix subrepticement percue, sans plus; sans chercher à approfondir le sujet jusqu'à la certitude de ne pas me tromper, d'être sûr de l'intérêt de l'artiste sur qui j'ai misé de belles espérances, jusqu'à la chute, trop rapide, et qui pousse au regret de m'être durement trompé (et aussi d'avoir investi quelques euros). J'ai pu lire beaucoup d'écrits ici et là, tous dithyrambiques à propos de Stranded Horse et ne targuant pas d'éloges à son propos, certains suggérant de l'oeuvre qu'elle pourrait être à elle seule le renouveau d'un genre se diluant entre un folk minimaliste à la Nick Drake et des inspirations africaines, rien que ça. Seulement ce mariage n'est en fait qu'un PACS qui ne durera qu'un temps, soit un peu plus de 48 minutes (ça c'est pour la forme car j'ai tout de même forcé l'écoute plusieurs fois pour me persuader de mon erreur de jugement trop hâtif). Au risque de paraitre dur, je trouve Humbling Tides vide de sens dans la forme et dans le fond. Le piètre salut ne tient qu'au fait de la brève collaboration de Ballake Sissoko qui intervient sur le titre "Shields", par ailleurs le seul morceau qui mérite qu'on s'y attarde vraiment et pour lequel le maître griot sauve les meubles du mieux qu'il peut le temps de conclure le titre (la grande classe). Le reste est profondément ennuyeux et très rébarbatif.

Yann Tambour, originaire du Contentin, est un musicien et chanteur qui revendique son indépendance d'esprit et de création, naviguant comme bon lui semble au gré de ses sentiments sans chercher ni à plaire, ni la moindre compromission artistique d'un choix imposé. Il ne fait que ce qu'il aime, et comme il l'entend (finalement, cette détermination reste la seule qualité que je lui reconnaisse vraiment). D'abord guitariste, il monte un premier groupe de rock alternatif appelé Encre avec lequel il produit plusieurs albums ou EP passés relativement inaperçus, avant de changer d'orientation artistique après qu'il ait découvert, lors d'un festival de musique africaine, la kora, cet instrument dont le manche en bois retient 21 cordes de pêche (en nylon), tendues et maintenues par un chevalet sur une calebasse trouée, elle-même recouverte de peau, et très largement employé dans la musique d'Afrique de l'Ouest. Il en tombe amoureux (qui ne le serait pas), et s'engage alors avec elle sur une musique beaucoup plus acoustique, l'utilisant régulièrement dans ses compositions, invitant même Ballake Sissoko à le rejoindre sur le EP de 4 titres "Thee, Stranded Horse & Ballake Sissoko" paru en 2008. C'est ainsi qu'il se fait connaitre auprès d'un plus large public (tout est relatif), et que l'on commencera à parler de lui dans les petits milieux de la musique indépendante, jusqu'à la sortie très récente de l'album dont il est question maintenant, "Humbling Tides", paru en janvier 2011.  
La pochette représente un homme totalement immergé dont seuls les bras font surface, et qui tente désespérement de retenir sa kora afin qu'elle ne finisse pas noyée avec lui (la symbolique est mignonne mais la réalité du contenu bien plus tragique). Si je voulais pousser ma critique à l'extrême, je dirai qu'elle parait l'écraser sous son poids, refusant surement de se voir ainsi mal employée. Lui, cherchant à résister, mais manifestement loin d'y parvenir, ne peut que soutenir l'instrument, sans réussir à sortir la tête de l'eau, submergé et totalement incapable de s'en sortir (c'est dit). Stranded Horse, littéralement "cheval échoué", c'est bien ça.
La kora, cet instrument à part dans la tradition des musiques ouest-africaines, est un instrument noble capable d'allié les rythmes et les mélodies, le tout sur un même thème. C'est l'expressivité que l'on parvient à en dégager qui fait l'essentiel de sa force. Il faut pour cela de l'énergie, de la souplesse, un sens du rythme et de l'intuition prononcée, ainsi qu'une dextérité importante des doigts pour réussir à en tirer quelque chose de "parlant". Tous les griots vous diront qu'on ne s'improvise pas koriste mais qu'on le devient à force de persévérance (ceux avec qui j'ai pu jouer me l'ont toujours affirmé et passent leurs vies à peaufiner leurs techniques), et c'est bien là tout ce qui manque à Yann Tambour. Je comprends tout à fait son envie de vouloir l'employer dans ses compositions (moi même je suis un admirateur de Toumani,  Ballake ou bien d'autres), mais je n'admets pas qu'il n'ait pas fait preuve de plus de recul et d'objectivité pour s'apercevoir que l'utilisation qu'il en fait est désuète, proche de l'amateurisme (sans mentir, 3h de découverte de cet instrument suffiraient à ce que vous puissiez jouer les même arpèges), et finalement bien trop occidentalisée pour que cela en vaille la peine; jamais plus d'une note à la fois, il semble se limiter à l'utilisation d'une dizaine de cordes, pas plus, et n'utilise pas le quart du potentiel offert par l'instrument (ouf, il n'en joue que sur 4 titres).

Finalement, il s'en sert comme d'une guitare (il n'y a d'ailleurs aucune différence de son, qu'il prenne l'un ou l'autre de ces instruments), simplement pour "gratouiller" quelques arpèges basiques joués sans aucune réelle recherche esthétique (toute l'originalité de cet instrument s'évapore au contact de ce son pauvre et frileux). Du coup, beaucoup de titres semblent, en plus de leurs aphasies regrettables, interminables et monotones ("They've Unlashed The Hounds For The Wedding", "Le Bleu Et L'Ether"). Reste une voix, intéressante, mais engluée dans des rhétoriques fades et plates, sans aucune force de caractère ("What Does It Make", "And The Shoreline It Withdrew In Anger"... et sur "Halos" on frôle la syncope). On est en fait bien loin du compte. Bien loin de revendiquer la singularité que beaucoup lui accorde, ne serait-ce que passagère. Seule reste avouable la cohérence de ne jamais trop vouloir en faire, de ne pas se surpasser dans l'effort (encore quelque chose que je lui reconnais). Heureusement que, contrairement à d'autres bloggeurs, je n'accorde aucune note aux albums chroniqués, car j'ai beau chercher, je ne trouve absolument rien de mémorable dans cet opus bien vite relégué au fond de la classe, avec les paresseux, les doux rêveurs,et tous ceux qui cherchent encore leur voie.

L'album le plus surrévalué de ce debut d'année. 

Ballake Sissoko

Enfin, et pour finir, si vous souhaitez vraiment découvrir cet instrument magique (car il l'est, croyez moi), je vous conseille vivement de vous rabattre d'urgence sur la musique folklorique africaine, et notamment malienne ou sénégalaise (Toumani Diabate - Ballake Sissoko - Lamine KonteSoriba Kouyate). Réécouter des disques de kora a d'ailleurs été la 1ère chose que j'ai faite une fois mon "énervement primaire" digéré.
Et puis comme je ne voulais pas vous laisser sur une mauvaise impression, profitez donc du titre interprété par le duo Taj Mahal - Toumani Diabate que je laisse plus bas. Un bon vieux blues des familles, où comment, cette fois-ci, réunir avec brio et sur un même projet 2 cultures et 2 artistes majeurs capables d'insuffler de la vie dans leur musique, n'en déplaise aux fans de Yann Tambour.  

Taj Mahal & Toumani Diabate: Catfish Blues

Acheter l'album

Myspace


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Audiocity 526 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines