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Le Capital, nouvelle édition avant la lettre

Par Benard

Les Éditions sociales nous livrent une traduction enfin disponible et sûre de l’ultime manuscrit préparatoire (dit « chapitre VI ») à l’œuvre maîtresse du philosophe révolutionnaire.

LE chapitre VI, Manuscrits  de 1863-1867,  Le Capital, livre I,

de Karl Marx, traduction 
et présentation Gérard Cornillet, Laurent Prost, Lucien Sève.

Éditions sociales, Geme, 2010, 285 pages, 12 euros.

Il faut saluer le très beau travail que représente l’édition – dans le cadre de la Grande Édition de Marx et d’Engels (Geme) en français – du chapitre VI du Capital. Ce texte, qui ne fut pas publié du vivant de l’auteur, est d’un très grand intérêt. En voici désormais une traduction disponible et sûre. Une présentation, sobre et claire, permet de se repérer dans l’écheveau des manuscrits de Marx et justifie les choix de traduction. En particulier celui du terme « survaleur » pour rendre le mot allemand « Mehrwert », rompant avec celui de « plus-value », devenu familier à la langue française. L’argument majeur est que Marx, justement dans ce chapitre VI, utilise en français, mais jouant avec l’anglais, l’expression « produire la survalue », qui nous indique un « surplus » de valeur et non pas sa surestimation dans la vente, contrairement à ce que peut laisser croire l’expression « faire une plus-value ».

Or ce chapitre VI nous fait voir ce qui sans le génie de la théorie de Marx demeurerait invisible : ce qu’est le capitalisme et ce qu’il n’est pas, mais que l’on croit parfois qu’il est. Ce qui le définit essentiellement est que la valeur d’usage, utilité du produit, y devient le support de la valeur d’échange. La production n’y est donc pas liée à « une limite prédéterminante et prédéterminée des besoins », mais cette production de valeur d’échange n’a pour fin que l’accroissement du capital, qui n’est possible que par l’abaissement de la valeur d’échange, qui n’est lui-même possible que par le non-paiement d’une partie du temps de travail de l’ouvrier, qui n’est possible à son tour qu’en maintenant à un niveau bas la valeur d’échange de ce dont l’ouvrier a absolument besoin pour reproduire sa vie. L’exploitation de l’ouvrier rompt le cercle et est le fondement de cet ensemble. L’individu exploité est réduit à une abstraite capacité de travail aussi indifférente à ce qu’elle fait que le capitaliste est indifférent au produit que le travailleur fabrique, utilisé par le capital. Libres l’un et l’autre en droit, ils sont en réalité soumis à la ronde de l’argent. Le travail de l’exploité étant, de plus, soumis, pour la limitation de son temps de travail, à discipline et surveillance.

L’on voit par là que le capital n’est pas le bénéfice fait par le maître-artisan qui produit un service relatif à des besoins, que le capitaliste, contrairement à ce que les capitalistes aiment à croire, ne « donne » pas de travail aux ouvriers, mais les exploite, que son capital ne provient donc pas d’abord des économies permises par son sens des affaires, encore moins de son travail même s’il s’active : il provient de l’extorsion de la survaleur dans un procès bien particulier de valorisation.

Hervé Touboul, philosophe

Source : http://www.humanite.fr/02_02_2011-le-capital-nouvelle-%C3%A9dition-avant-la-lettre-464161


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