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Comment rater sa vie en deux leçons

Publié le 05 février 2011 par Hongkongfoufou

Par GoudurixYZ

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"Depuis la mort de ma femme, je suis très triste. Je pense à elle presque tout le temps. Elle me manque, sauf quand je monte sur scène. Là, cette tristesse s'amenuise. Je pense toujours à elle, mais tout va bien, tout va bien." Ce veuf éploré, c’est Wilko Johnson dans Oil city confidential, le film de Julien Temple sur Doctor Feelgood. Tout va bien ? On peut se le demander pour qui voit ou revoit Wilko Johnson, son caster noir, sa télécostard, heu… presque et sa méthode Coué. Comment dire ?... Possédé, charismatique, excentrique et plus énigmatique qu’une équation à quatre inconnues. Wilko Johnson ! Pourquoi ma mère ne m’a pas appelé Wilco ? Wilko Johnson écrivait des choses poétiques sur des choses prosaïques. Lee Brillaux chantait d’une manière frénétique les choses prosaïques que Wilko Jonhson avait écrites d’une manière poétique. En 1975, Wilko Johnson, c’est Boris Karloff sous amphés qui réussit enfin à s’échapper. Il est plus que parfait. En 1975, Wilko Johnson, c’est le tueur à gages de Lucky Luke qui ne rate plus sa cible. En 1975, Lee Brillaux chante comme un barman. Comme un barman du bar d’Old Trafford un soir de derby. Comme un barman du bar d’Old Trafford un soir de derby qui a avalé un cintre et qui est fâché avec son pressing. Un comble. Il est parfait. En 1975, Doctor Feelgood est parfait. C’est l’équipe de la gagne. C’est Glen Hoddle et Mark Hateley, le créateur et le finisseur devant une défense de fer : John Big figure Martin le batteur infatigable et John Sparko Sparks le bassiste inlassable. Une tactique basique et le tour est joué. En 1975, c’est Canvey qui gagne la Cup à Wembley. C’est une Ford Cortina qui gagne les 24 Heures du Mans. C’est Patrick McGoohan palme d’or à Cannes. C’est Michael Caine anobli par la reine… Heu, là c’est pas la peine. Doctor Feelgood est le meilleur groupe anglais du monde. Reprenons nos esprits. Où est passé le bouton rewind de la télécommande ? Comment ne pas se repasser trois fois, non quatre fois, non cinq fois Oil city confidential ? C’est à notre inconscient ou à notre âme pour les plus chanceux que ce film s’adresse. Julien Temple réhabilite les morts, les vivants, les morts-vivants. "On a mis le feu ce soir-là. Le son était fantastique. La batterie sonnait comme un canon. Le soleil se couchait juste, la lumière était juste parfaite. Je n'ai jamais entendu le groupe si bien jouer. Cela nous a rendus célèbre en France." Ce soir là, c’était le 16 août 1975. Le… 17 août 1975, par Lou Reed alléché, j’arrive par les moyens du bord à Orange au Woodstock français. On va voir ce qu’on va voir. I feel good. Je crois que l’on pourrait me remettre le diplôme du plus jeune spectateur. Ca m’en ferait au moins un. Pluie et défection ne m’atteindront pas. Tout juste le blabla de Rock n’folk 15 jours plus tard sèmera le doute dans mon esprit. Et si je m’étais trompé de soirée ? Et si j’étais arrivé un jour trop tard ?

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Le 19 juillet… 2008, goodbye Barcelona. On rentre à la maison. I feel good. Pas besoin de doctor. Hier on a vu ce qu’on avait à voir : We are scientists, Ian Brown, Edwyn Collins, Interpol, Blondie, Primal Scream, the Verve. Bitter sweet symphony d’une nuit d’été au Summercase festival. La deuxième mi-temps est pour ce soir, mais je ne veux pas chanter I always stay too long de Plan B. Fuyons le bonheur avant qu’il ne se sauve (c’est pas de moi)… Home sweet home. Canapé, sweet canapé. Ah, c’est vrai il me restait ça à regarder, histoire de rester dans l’ambiance… "On s'est mis à jouer, j'ai regardé John, j'ai pensé "Putain, c'est génial". J'adorais, c'était un moment magique, tout était en place dans l'univers. Enfin on était un vrai groupe. J'étais guitariste, ça m'allait. J'étais défoncé. Et puis ils ont coupé le jus…" La voix off qui parle, qui parle de son premier concert au St Martin’s College, c’est celle de Steve Jones. Une ombre chinoise en rajoute : "L'Angleterre n'a pas compris que les Sex Pistols ce n'est que du music-hall !" Neither do I comme on dit en anglais. Comme je suis influençable ! Je savais déjà que Pretty Vacant est une des plus belles chansons qui soit, mais là… Où est le bouton rewind de la télécommande ? Comment ne pas se repasser trois fois The Filth and the fury, le film de Julien Temple sur les Sex Pistols. Nostalgie, humilité, lucidité, le tout emballé comme jamais. C’est à l’inconscient que ce film s’adresse. Julien Temple réhabilite les vivants. Quelle heure est-il ? Qu’est-ce que je fous là ? Les Sex pistols passent bien au Summercase ce soir ? Oui. Même en roulant vite… Et si j’étais parti un jour trop tôt ? Partir, revenir. Ou plutôt revenir et partir. Un jour trop tard. Un jour trop tôt. Comment rater sa vie ? Peut être comme cela. Certains l’ont bien raté en ratant un train. Bon d’accord j’ai vu les Inmates. J’ai failli regretter d’être dans la station de métro du Music Machine à la fin du concert d’Eddie and the Hot Rods, mais bon. Je crois que je ne regarderai plus jamais un attaquant qui tire sur les poteaux, surtout s’ils sont carrés, de la même manière. Comme disait Thierry Roland "si elle est dedans c’est pareil." Pas sûr, pas sûr du tout. Pourtant ou à moins que, je ne sais que choisir… "Je pense à elle à chaque instant. Les seuls moments où je ne sois pas triste, c’est quand je joue. Je suis dans mon imaginaire. Dans ce monde-là, l’espace d’un instant, on peut presque échapper à la mort…"


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