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Istanbul est un conte de Mario Levi

Par Sylvie

TURQUIE

 

Istanbul était un conte

Editions Sabine Wespieser, 2010

 

Voici le roman fleuve (700 pages !) d'un auteur majeur de la littérature turque représentant la minorité juive, Mario Levi. Issu d'une famille juive sépharade arrivée d'Espagne après la Reconquista, l'auteur a à coeur de se remémorer toutes ces communautés juives, grecques, arméniennes, qui ont fait le charme de cette ville cosmopolite.

 

Dans ce roman, l'auteur convoque 47 personnages (qui nous sont présentés brièvement en préface) du début du 20e siècle à nos jours, d'Istanbul à Paris, en passant par Alexandrie, Odessa ou Vienne).

 

Le narrateur navigue de personnages en personnages ; imaginons une barque qui se laisse flotter sur une rivière et qui est attirée par des dizaines de petites îles ; c'est l'idée que je me fais de la narration de ce roman.

Un itinéraire, une vie nous sont racontées sur une vingtaine de pages puis nous passons lentement mais sûrement à un autre parcours de vie.

 

Nous nous perdons facilement dans tous ces méandres mais pour notre plus grand bonheur ! Car le dénominateur commun de tous ces personnages, c'est la nostalgie, les regrets, la mélancolie et un goût prononcé pour une autre vie rêvée ; ce n'est pas pour rien que Mario Levi est surnommé le Proust turc. Une fiancée laissée à Londres ; un émigré rêvant à sa ville natale ; un homme qui attend le bateau vers "le paradis blanc" ; une femme qui attend toute sa vie son fiancé ; une autre qui se dit ancienne actrice....Entre regrets, rêves et mensonges, les personnages ressassent leurs regrets et leurs désirs. L'auteur excelle dans la description de ces vagues à l'âme sans pour autant sombrer dans le ressentiment ou le misérabilisme. et c'est en cela que réside la poésie de l'oeuvre.

 

Car que ce soit chez les personnages ou chez le narrateur, le lecteur ne sait jamais si les personnages rêvent leur vie ; comme dit le narrateur, le mensonge enjolive nos vies. Nous avons toujours l'impression que le narrateur enquête sur ces dizaines de personnages mais qu'il ne sait pas tout ; alors, il se met à rêver les pièces manquantes...

 

D'ailleurs, nous ne saurons jamais qui est ce narrateur ; nous savons juste qu'il a fréquenté de près cette famille sur trois générations ; mais à savoir vraiment qui il est...c'est l'un des grands suspense du livre.

 

Ne vous imaginez pas un récit de voyage dans les petites rues tortueuses d'Istanbul. Il ne s'agit pas non plus de découvrir de façon précises les traditions juives même si nous assistons aux fêtes traditionnelles et aux repas. Nous partons davantage à la découverte d'un petit peuple, celui des artisans émigrés, qui ont fait le charge de cette ville cosmopolite. On sent que Mario Levi regrette le nationalisme qui a sonné le glas de ce charme.

 

Mais, plus largement, pour moi, ce livre fleuve parle tout simplement de l'âme humaine ; que l'on soit de Paris ou Londres, de Vienne ou de Rome, d'Odessa ou d'Alexandrie, chaque lecteur se reconnaîtra dans le portrait de cette nostalgie universelle.

 

Roman proustien ou Conte des mille et une nuits ? Également une réflexion envoutante sur les pouvoirs de l'écriture et de l'imagination pour remédier au vide de la vie réelle.

 

Un seul conseil : laissez-vous perdre dans ce roman fleuve !


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