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Ce que j'ai vu et pourquoi j'ai menti - Judy Blundell

Par Emmyne

41y6HHOL2YL__SL500_AA300_Floride, 1947. Un ancien soldat au passé trouble, une femme trop belle, un homme aussi séduisant qu'énigmatique... quel fil invisible les relie ? Dans un hôtel au luxe défraîchi et la chaleur étouffante de septembre, Evie surprend l'ombre de mensonges et de terribles secrets. Un roman sombre et haletant, qui décrit le brûlant passage à l'âge adulte.

- Gallimard Jeunesse - Pôle Fiction -

Roman et romance initiatiques, on aurait pu sombrer dans le mélo, on plonge dans le noir glamour.

Contrevérités, trahisons et robes plissées, on joue déjà à réécrire l'Histoire. Rythme et suspense qui, sans être soutenus, sont parfaitement gérés sur une intrigue sans surprise mais extrêmement bien menée faisant la part belle aux portraits des personnages, à une atmosphère plombée et sensuelle sous la chaleur suffocante et accablante de Floride.

Roman policier réaliste, le contexte social de l'après-guerre aux Etat-Unis est retranscrit de façon remarquable, entre road-movie et huis-clos. La morale, les valeurs de réussite et l'optimisme de rigueur sont malmenés avec pertinence sans appesantir le récit. Les personnalités y sont plus complexes que cette quatrième de couverture pourrait le laisser paraître. Bien que focalisé sur la narratrice adolescente, le roman raconte le retour des GI, ces héros qu'il faut fêter sans poser de questions. S'ils ont changé le cours de l'Histoire, ont-ils changé le monde ? Que ramènent-ils de cette guerre ? Un modèle de bonheur obligatoire, consommable et exportable, une culture volontaire et pailletée de l'avenir et de plaisir. Le contexte est dense, témoignant des mentalités que la barbarie européenne n'a pas fait évoluer - l'antisémitisme toujours latent, la ségrégation, la loi du plus fort, la fin justifiant les moyens -.

Les scènes de procès et de sa médiatisation - qui expliquent le titre - font flamber les décors hollywoodiens de carton-pâte - miroir déformant et flatteur de cette nouvelle ère américaine - ouvrant les yeux d'une héroïne bercée de musiques entraînantes et de discours confiants. C'est la fin des rêves de midinette, une fatale et amère initiation. Non, baby " le soleil n'a pas toujours rendez-vous avec la lune ". Oui, il va falloir mentir et l'on va te qualifier de putain, parce que, justement, parfois, les adultes ne font plus semblant. Ta génération l'apprendra vite, c'est toujours la guerre. 

" La vérité ? La justice ? Si les juges jugeaient, si les avocats ne trichaient pas, si les reporters disaient ce qui s'était passé plutôt que ce qui fait vendre...Autant rêver. Vérité, justice...Je pensais que c'était des références absolues, comme Dieu. Maman. Ou la tarte aux pommes. Or on pouvait faire une tarte aux pommes avec des crackers Ritz, ou des gâteaux sans sucre. La guerre nous avait appris à nous débrouiller.

Quel sens avait le mot loyauté ? Loyauté envers les siens, envers l'Eglise, envers ses voisins, envers les Brooklyn Dodgers. Pourquoi la loyauté s'arrêterait-elle là ? Pourquoi ne se poursuivait-elle pas au-delà ? Elle n'était pas destinée à faire le tour du monde, ça, c'était certain. "

"" Être adulte, était-ce ça ? S'obliger à faire ce qu'on n'avait aucune envie de faire, avec un simple haussement d'épaules ? "

" Je serais diseuse de vérité, et ce, dès aujourd'hui. Ce serait dur. Mais j'étais plus dure. "

- Une interview de Judy Blundell en dernières pages que je cite :

" Mais bien sûr, c'est un film noir ! J'ai une belle blonde, un étranger mystérieux, un hôtel vide, c'est la morte saison, et tous les personnages ont quelque chose à cacher. C'est très important, parce que c'est une autre caractéristique du passage à l'âge adulte : ne pas savoir ce que cache le monde des adultes. Les grandes personnes ont des conversations qui leur appartiennent et on ne sait pas exactement ce qu'elles disent. [...] N'est-ce pas toujours comme ça que nous découvrons la vérité quand nous sommes enfants ? En surprenant la conversation des adultes ? "

- A partir de 13 ans - D'autres billets référencés sur BOB -

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