Nous croyions qu’il nous faudrait un certain temps avant de revenir sur l’art de Fragonard, quand le contexte se prêtera à nouveau à nos divagations sur l’art de la peinture. Car la première fois que nous avons parlé de Fragonard sur ce blog remonte à 2007, au premier mois de l’existence de ce blog. C’était pour l’exposition « Les Plaisirs d’un siècle » au musée Jacquemart-André.
Mais le terme « belle enfant » de l’avant-hier est resté accrocher sur notre âme sensible d’artiste. Si, vertueux et tout, avec une auréole. S.V.P.! La voyez-vous?
Voilà. C’est bien, hein.
Ô tant de moulins à vent! …Pardon! Tant de géants à abattre… c’est grandement servir Dieu que de faire disparaître si mauvaise engeance de la face de la terre. Allons, Sancho Panza!
Aujourd’hui, c’est cette belle enfant à moitié nue tenant tendrement contre elle deux chiots qui a apporté de l’eau au moulin. Une fille qui a tant d’amour à donner à ces divines créatures abandonnées par leur mère canine. Touchant, n’est-ce pas?
Mais bon sang! Comment expliquer la logique de cette jeune fille au visage à peine pubère qui dénude son torse pour des chiots qui s’appuient contre elle comme Romulus et Rému qui tâtonnent les mamelles de la louve nourricière?
De la logique pour une lecture pondérée de cette image? Aucune. Des images suggestives? Par contre, nombreuses.
Du cadeau que faisait la déesse Isis aux hommes du Nil à la promesse de Dieu à Moïse de mener son peuple vers un pays ruisselant de lait… et de miel, une seule explication : c’est de l’art au service des hommes libertins, entre l’amour et le sexe, seul le point de vue diffère.
Sur une note moins caricaturale, au début du 17e, malgré sa nature provocatrice et son art clair-obscur naturaliste, Le Caravage ne peut se soustraire des thèmes mythologiques et religieux, des sujets sérieux, pour repousser les limites de l’acceptable. Peindre un adolescent au sexe bien visible sous les traits de l’ange Amour n’est pas acceptable mais compréhensif. Un prétexte bien déguisé. Au temps de Fragonard, 100 ans plus tard, les mœurs de la société avant la Révolution sont déjà favorables à ce qu’un amateur de peinture de Fragonard ou un commanditaire de l’artiste accroche chez lui un tableau montrant une jeune fille nue aux chiots qui, soit disant en passant, peut être sa fille ou une jeune fille de son entourage. Nous ne croyons pas que le 18e siècle soit un temps où les femmes jouissent d’une telle liberté sexuelle, mais bien l’idée que les hommes conçoivent de la nudité du sexe opposé.