...Venise est toujours enveloppée d'une légère brume qui donne à penser que l'instant va s'éterniser et qu'il n'y aura jamais de lendemain. Il est difficile de s'intéresser aux affaires du monde, car les affaires concernent toujours l'avenir, alors qu'à Venise il n'y aura jamais d'avenir, tandis que le passé ne disparaîtra jamais. Mon souvenir du payasage urbain et des édifices est très vague et je ne me rappelle mal les vues et les panoramas. J'avais atteint un stade où je les remarquais à peine. Or, si je n'étais pas sensible - consciemment, en tout cas - à la beauté des plus grandes oeuvres d'art et des plus beaux édifices du monde, l'effet d'ensemble était prodigieux, tout-puissant. On avait l'impression d'évoluer dans un autre univers, où tout était à sa place...Vieille femme assise sur une marche, palais, serveur disposant des tables, linge séchant sur une corde, embarcations voguant sur la lagune, îles brumeuses le matin, mouettes volant dans le ciel, tous ces éléments faisaient partie du tout, s'accordant parfaitement les uns aux autres et à mon humeur qui passait rapidement et sans à-coup du rêve à l'action.
Je devins vénitien cet après-midi là, alors que, un livre à la main, je me dirigeais vers un point précis de la Riva...
(La chute de John Stone, Iain Pears)
à ma conteuse préférée, joyeux anniversaire.