Aujourd'hui, Jules Vernes aurait eu 183 ans. Pour rendre hommage à ce grand monsieur de la littérature de l'imaginaire, voici un article sur une de ses nouvelles (parce que, oui, il n'a pas écrit que Les Voyages Extraordinaires) : une relecture du mythe de Faust.
Maître Zacharius est un vieil horloger de Genève. Ouvrier minutieux, il a consacré sa vie à faire des montres et à perfectionner leur mécanisme. Or voilà que toutes celles qu'il a fabriquées se dérèglent et s'arrêtent. Il a beau les démonter, examiner les rouages, les remonter, les aiguilles restent mystérieusement immobiles. Celui dont la " vie se confond avec celle de ses horloges " se sent menacé de mort.
Maitre Zacharius est un peu à part dans l’œuvre de Jules Verne. D’abord parce qu’il s’agit d’une
histoire de jeunesse. Ensuite parce qu’elle diffère de ce qu’on connait communément de lui, à savoir l’exploration de l’inexploré. Cependant, toutes ces nouvelles sont compilées dans un recueil (Contes et nouvelles de Jules Verne que je vous propose en illustration). Ce recueil est doublement essentiel. En général parce qu’il rassemble ces écrits à part dans l’œuvre de l’auteur. Plus particulièrement parce qu'il contient Maitre Zacharius donc, mais aussi La journée d’un journaliste américain en 2890.Un mot maintenant sur la nouvelle, ou plutôt le conte, que j’ai choisie. Maître Zacharius est donc un horloger digne de nos amis suisses. Il est entouré de sa fille, de son intendante et de son jeune apprenti. Je me représente parfaitement l’horloger, répondant aux stéréotypes du vieil homme sans âge, ou plutôt qu’on ne sait plus dater. En dehors de toute immuabilité. Quelque part, c’est tout le village qui semble fâché avec le temps qui passe tant il semble reclus et huilé comme…une horloge ? Bref, tout va pour le mieux pour Maître Zacharius. Jusqu’au jour où, car il en faut bien un, ses œuvres se déréglèrent. Les admirateurs d’antan deviennent ses plus fervents détracteurs. Et comme bien souvent, réparation est exigée. Or, en dépit de ses efforts, Zacharius ne parvient pas à inverser le dérèglement du temps. A défaut d’une réparation, ses clients exigent dédommagement, bien sûr. Et le vieil homme se retrouve ruiné. C’est alors qu’intervient un homme étrange, Seigneur Pittonaccio. Malgré les sentiments de Gérande (la fille) pour Aubert (l’apprenti) que des sentiments plus fort que le simple amour pour le vieil homme unissent, Seigneur Pittonaccio exige la même de cette dernière. Si Zacharius accepte, ses problèmes risquent fort de connaitre une fin heureuse...
Mais qui est cet homme ? Quelle est cette fin ? Qu’adviendra-t-il des jeunes amoureux ? Ne comptez, bien évidemment, pas sur moi pour vous le dire...
Maître Zacharius ou l’horloger qui avait vendu son âme au diable (Jules Verne devait se dire que son titre n’était pas assez explicite) nous livre ici une réécriture du mythe de Faust. Dans une ambiance sombre et oppressante, le destin d’êtres innocents et bienveillants bascule. Comme lorsque pour une raison inconnue, la vie elle-même connait un dénouement brusque, comme ces montres qui, si bien réglées, s’affolent enfin. Comme lorsqu’un jour, même si cela vous déchire le cœur, vous devez prendre une décision pour laquelle il n’existe pas de bonne solution, comme ici Maitre Zacharius voulant non seulement sauver son propre destin mais aussi assurer prospérité aux gens qui lui sont précieux. Maitre Zacharius n’est pas un conte pour enfants, assurément.
Pour l’ensemble de son œuvre, son inventivité littéraire et orthographique (je vous renvoie de ce pas à la préface tout simplement fascinante du présent recueil). Pour les plaisirs variés que sa lecture procure. Pour tout cela, et j’en oublie, il reste bien un peu de place au Panthéon ?
note : c’est un hommage, messieurs-dames.
Les Murmures.