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Route de nuit, de Dominique Ngoïe-Ngalla

Par Liss
Route de nuit se présente comme un texte autobiographique : le narrateur-auteur y témoigne de ce qu'il a vécu durant la guerre de 1997, qui ne cesse d'interpeller les Congolais, notamment ceux dont les mains ne savent s'emparer d'autre chose que de la plume pour dénoncer les horreurs que les hommes se font les uns aux autres avec tant d'application.
Route de nuit, de Dominique Ngoïe-Ngalla
Dominique Ngoïe-Ngalla, universitaire, poète, écrivain raconte notamment une journée, celle qui le conduit à quitter précipitamment Dolisie, ville du Congo rattrapée par la guerre, pour son village natal, Mandou. Il marche tout le jour, mais surtout toute la nuit, et cette longue marche "jusqu'au bout de la nuit" traduit également le cheminement de sa pensée qui se fraye un passage à travers l'obscure destinée des pays africains, pour trouver la lumière. La lumière, ne serait-ce pas la beauté ? Et la beauté d'un ciel observé par temps de clair de lune n'est-elle pas propre à imprimer en soi le sentiment du divin ?
Le récit de l'auteur est donc entrecoupé de réflexions sur l'Afrique et sur l'existence de Dieu, de sorte que, s'il peut être considéré comme une autobiographie, comme un roman ou une longue nouvelle, ce texte prend également les allures d'un essai.
L'Afrique est souvent au coeur des médias, il fait le bonheur de la radio qui "dépeint avec jubilation, pour le divertissement de l'Occident en mal de sensationnel, les tristesses et les misères de l'Afrique, ce grand malade que, on le sait, personne n'assistera ; mais qui une fois mort, sera l'objet de débats indignés, dans les parlements européens et à l'O.N.U." (Route de nuit, p. 11-12)
Comment ne pas s'interroger sur l'histoire de l'humanité, "pleine de bruit et de fureur. La guerre et la violence partout et tout le temps" ? L'histoire de l'Afrique en particulier, surtout ces dernières décennies, offre le spectacle de la violence au point que certaines langues parlent de "malédiction". Qu'est-ce qui peut déconstruire cette opinion ?
Texte sobre, Route de nuit fait entendre une voix lyrique, pleine d'émotion, une voix dure aussi, surtout lorsqu'il faut parler de l'élite africaine, composée de gens "bardés de diplômes, mais incultes" (p. 51) ou de cette mère symbolique :
"la France, qui pendant de longues années, m'avait nourri de son pain et de ses lettres ; une mère, en somme, mais que l'histoire récente et la nouvelle coloration de ses relations avec l'Afrique Noire m'obligeaient maintenant à juger sans complaisance, mais non sans douleur. J'avais tant aimé ce pays !" (p. 31)
L'auteur en vient ainsi à distinguer deux France, l'une qui a beaucoup de titres à revendiquer, entre autres celui de "patrie des droits de l'homme" et l'autre moins glorieuse, ingrate :
"Pauvres diables de Nègres ! Vous n'êtes rien que ces stupides sourires des panneaux publicitaires des banlieues parisiennes et des bouches de métro parisien ! Vous n'existez pas. [...] Vous sur qui reposèrent au plus fort du péril, les destinées de la France. En cet épouvantable été de 1941, un non de Brazzaville et du Congo à l'Appel fameux de De Gaulle eut suffi pour que la France fût perdue. Et cependant combien de Français ont conscience aujourd'hui de devoir un peu de leur bonheur au Nègre Félix Eboué et aux tirailleurs Sénégalais de Brazzaville, d'Abidjan, de Dakar, de Niamey, de Libreville que la France repousse aujourd'hui avec brutalité comme d'épouvantables bêtes puantes et malfaisantes, pour peu qu'il leur manque un petit papier ?"(p.38-39)
Si vous voulez poursuivre la méditation, vous savez ce qu'il vous reste à faire.
Dominique Ngoïe-Ngalla, Route de nuit, Publibook, 2006, 74 pages, 10 €.

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