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Bulbus

Publié le 10 février 2011 par Belette

… ou la tentation d’un hors-monde. Daniel Jeanneteau met en scène au Théâtre de la Colline un conte glacé d’Anja Hilling, Bulbus. Déroutant et envoûtant.

Une jeune femme et un jeune homme, tous deux orphelins, arrivent en même temps par la grâce du conte dans le village de Bulbus, perdu au fin fond d’une montagne anonyme, enseveli par la neige et le silence. La première erre en direction de sa mère, qui l’a abandonnée vingt ans plus tôt dans un magasin Ikea, le deuxième fait un reportage à l’occasion du concours local du plus beau village. Appareil photo en main, il prend régulièrement le micro pour marquer les chapitres du conte. Les vieux habitants vivent une routine retirée du monde faite d’allers-retours entre l’épicerie et la piste de curling, qui se confond avec le plateau. Circulaire, blanc, celui-ci est percé en son milieu par un œil de verre, où s’incarnent l’immobilité, le froid et l’errance. L’endroit ne compte pas d’enfant ; le bus a cessé de passer il y a des années. Les deux orphelins seront bientôt rattrapés par le froid et l’amnésie, et choisiront de rester à Bulbus.

Bulbus

Etrange objet que ce Bulbus. Poétique mais trivial (secrets de l’enfance, rédemption par l’amnésie, étranger qui sème la confusion au village), bavard (les récits du passé racontés par le héros ne sont pas représentés en même temps…) mais silencieux (… et accueillis par une scène noire et vide), ennuyeux mais pas tout à fait, il propose un autre espace/temps. L’ennui vient d’un rythme de parole et de mouvement très régulier, presque monotone, mais qui n’est, contrairement à un Régy ou un Grüber, ni trop lent ni trop rapide. Pourtant, à aucun moment il ne paraît réaliste. C’est le rythme du conte, suffisamment lent pour permettre au spectateur de tout comprendre (la pièce n’est pas inintelligible) et suffisamment rapide pour nous emporter dans ses glissades sur la glace.

Bulbus

Belle et drôle parodie de patinage artistique pour dire l’empêchement de l’amour à Bulbus ; touchant retour d’un passé obsédant avec le bus à pattes, lieu de passage comme de représentation ; magnifique pétrification semi-consciente par le froid chez l’héroïne, posée au centre de l’œil, nue sous son drap rouge. Il n’y a que lui, l’autre héros, qui peut la réchauffer. Les deux moitiés se retrouvent, et demeurent collées et immobiles.



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